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Titre : Le rocher de Tanios
Auteur : Amin Maalouf
Editeur : Grasset (1993)
280 pages
ISBN : 2253138916
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A Kfaryabda, un minuscule fief du Liban de la première moitié du 19e siècle, le seigneur exerce un pouvoir féodal absolu, et non remis en cause, sur les hommes, et encore plus sur les femmes, des trois cent familles qui vivent sur ses terres.
Usant de son droit de cuissage, il « séduit » les épouses, les mères, les surs et les filles, et les renvoie, après usage, à leurs maris qui feignent de ne pas connaître la nature des « corvées » domestiques que chaque personne de sexe féminin doit accomplir périodiquement au château.
Tout se passe bien, dans le respect des traditions, jusquau jour où le cheikh sattache, plus que de raison, à la belle Lamia, la jeune épouse de son nouvel intendant, lui fait un bâtard, Tanios, et provoque, par la nature non usuelle de cette liaison, la colère de sa propre femme et du clan de celle-ci, dont les membres, pour venger laffront, viennent en grand nombre sinstaller et festoyer chez le cheikh jusquà presque le ruiner.
Tanios, bâtard puis rebelle, devient en grandissant le centre et, involontairement, le déclencheur de conflits familiaux, claniques, régionaux mettant en jeu toute la complexité du Liban de lépoque, qui voit saffronter sur son sol les seigneurs et les émirs locaux, les multiples religions et confessions héritées de toutes les confluences de son Histoire, lempire ottoman déclinant et lEgypte de Mehemet Ali et de son bras droit le Français converti Joseph Sève, alias Soliman Pacha, et, par ces derniers interposés, les puissances occidentales et coloniales rivales.
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Les identités, chez Amin Maalouf, étant toujours meurtrières, le fanatisme, le sang et la mort marquent le destin des différents protagonistes, celui de Tanios ne connaissant une parenthèse de paix que pendant la période où, justement, réfugié à Chypre incognito, il na plus didentité, et peut vivre un amour tranquille avec une femme sans nom avec qui toute communication est impossible puisque chacun ignore tout de la langue que lautre parle.
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Le roman est donc, on le devine, une affirmation de pessimisme désespéré: le discours identifie celui qui le prononce et le pose demblée en adversaire de celui à qui il est adressé. La parole nourrit la haine. Lhomme ne peut sentendre avec son semblable que lorsquil ne lentend pas...
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Patryck Froissart, St Benoît, le 20 mars 2007
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Titre : La Nef des Fous
Auteur : Gregory Norminton
Editeur : Grasset (2002)
Traduit de langlais par André Zavriew
Titre original : The Ship of Fools<o:p></o:p>
ISBN: 2253115134<o:p></o:p>
348 pages<o:p></o:p>
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Renouant avec la tradition des Heptamérons et autres Décamérons, lauteur enferme une dizaine de personnages dans un lieu clos, ici une nef qui tourne sur place, qui na pas de sens, et leur donne à tour de rôle un statut de conteur.
La particularité de ces personnages narrateurs est quils sont tous parfaitement fous, ce qui donne des récits délirants où toutes les exagérations et toutes les inventions, tant au niveau narratif et lexical quà celui de laction, sont permises.
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Les récits sont de longueur inégale et dintérêt variable.
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Lun deux, le conte de la Buveuse, qui traite Des Exploits & des Talents incomparables de Belcula, Laitière (avec ce qui concerne son compagnon, Dutchcap lémasculé) est particulièrement réussi, savoureux, truculent, dans le genre rabelaisien. On pourrait faire de Belcula la digne fille de Gargantua, une Grandgousier très spéciale qui galope par monts et par vaux en sillustrant par de hauts faits et prodigieux exploits dordre copulatif.
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En contrepartie, le Conte de lIvrogne repentant, long, poussant trop loin le bouchon de lélucubration, endort à la fois les auditeurs intradiégétiques et le lecteur, souvent tenté de sauter quelques pages. Lauteur le reconnaît, qui le fait commenter négativement, et par une amusante figure dauto-dérision, par le narrateur même : « Tu ne crois pas que je me suis embrouillé dans mes métaphores ? ( ) Peut-être que ça manquait de détails visuels ? ( ) Oh ! Mon Dieu ! Ils ont tout simplement détesté mon histoire ! »
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Hormis cette exception, lensemble se lit gaiement, allégrement. On en sort rafraîchi, rassuré sur le potentiel de lhomme moderne à faire errer sa plume dans les contrées infinies dune imagination quon aurait tendance, en observant les comportements quotidiens et panurgiens de nos concitoyens, à croire en voie de tarissement.
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Lauteur cite en prologue un extrait de Pantagruel. Cest tout dire
Le titre et les caractères des personnages sont inspirés de La Nef des Fous de Jérome Bosch : cest tout un programme !
Bosch lui-même a puisé le motif de son uvre dans La Nef des Fous, satire médiévale féroce de Sebastian Brant parue en 1494, où on voit, dans le premier poème, les fous du pays de Cocagne prendre place sur un navire en partance pour le royaume de la Folie, Narragonien. Cest dire que nous sommes ici dans le droit fil dune sacrée tradition artistico-philosophique !
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Patryck Froissart, St Benoît, jeudi 29 mars 2007
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Titre : Les échelles du Levant
Auteur : Amin Maalouf
Editeur : Grasset (1996)
Format : Poche
254 pages
ISBN : 2253 14424 X
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Le narrateur, un immigré libanais en France, rencontre à Paris un étrange compatriote, Ossyane, qui lui confie quil a quelques jours plus tard un rendez-vous dimportance capitale. Le narrateur obtient quen attendant Ossyane lui raconte sa vie mouvementée.
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Ossyane est le petit-fils dIffett, princesse devenue folle à la suite du suicide de son père, souverain ottoman déchu par une révolution de palais, emprisonné par son propre neveu, et du médecin persan Ketabdar, quon avait chargé de soigner sa folie.
Ketabdar et Iffet sinstallent à Adana, ville turque où vit une nombreuse population arménienne. Leur fils, bâtard royal, féru de photographie, y a pour ami lArménien Noubar, lorsque survient en 1909 le massacre systématique des Arméniens de Cilicie. Noubar convainc son ami dépouser sa fille Cécile et de sexiler tous ensemble au Mont-Liban, dans les environs de Beyrouth, où naîtra Ossyane.
Le jeune Ossyane, à la veille de la seconde guerre mondiale, quitte le Liban pour la France, où il a décidé détudier la médecine.
Entraîné un peu malgré lui dans le tourbillon de la guerre, il se retrouve un peu par hasard dans un réseau de résistance où il fait la connaissance de Clara, une résistante juive, de qui il tombe amoureux.
Rentré au Liban où il est accueilli en héros, Ossyane y est rejoint, quelque temps plus tard, par Clara, qui a le dessein de sinstaller en Palestine, où elle veut militer pour une entente fraternelle entre juifs et palestiniens.
Ils se marient, et vivent un temps en partie en Palestine, en partie au Liban, jusquà ce quéclate, après la création de létat dIsraël, la première guerre israëlo-arabe, en 1948, à un moment où Clara, enceinte, se trouve à Haïfa alors quOssyane est au Liban au chevet de son père malade.
La guerre empêchant toute circulation entre les deux pays, Ossyane tombe dans la démence après la mort de son père, et est interné par son voyou de frère dans un asile doù il ne sortira que vingt ans plus tard, libéré fortuitement par les bombardements de la guerre civile libanaise, ayant perdu quasiment toute trace de Clara et de leur fille, Nadia, qui a bien tenté un moment dorganiser son évasion puis est partie vivre sa vie aux Amériques.
Sitôt libre, Ossyane réussit à gagner Paris avec laide de vieux amis français de la Résistance, doù il envoie à Clara un message désespéré, dans lequel il lui donne rendez-vous quai de lHorloge.
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Amin Maalouf raconte dans ces pages la vie dun faux héros, ballotté par les événements jusquà en perdre la raison, animé dun amour que lHistoire et la folie des hommes a rendu impossible, que le caractère meurtrier de la revendication identitaire amène à la négation de sa propre identité, lui en qui circulent les sangs turc, persan, arménien et qui a épousé une juive
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Le roman est grave, poignant, intime au point que le narrateur voyeur se refusera à connaître le résultat de lentrevue décisive entre Ossyane et Clara.
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A lire en urgence.
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Patryck Froissart, St Benoît, le jeudi 5 avril 2007
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Titre : Le périple de Baldassare
Auteur : Amin Maalouf
Editeur : Grasset & Fasquelle (2000)
Format : Poche
506 pages
ISBN : 2253 115244 7
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Nous sommes en 1665. Les thèses millénaristes circulent dans le monde connu, chrétien, musulman, juif, transversalement, annonçant que 1666, lannée de la Bête, forcément, puisquelle comporte trois fois le nombre six, sera celle de lApocalypse.
Baldassare, descendant dune grande famille génoise installée dans le commerce des antiquités et du livre rare à Gibelet (ville du Liban connue dans lAntiquité sous le nom de Byblos), vend étourdiment le livre de Mazandarani, Le Centième Nom, qui vient de lui être légué par le vieil Hadj Idriss.
Malheur !
Le Centième Nom, comme lindique son titre, renferme entre ses lignes ésotériques le centième nom de Dieu, dont seuls quatre-vingt-dix neuf sont révélés dans le Coran.
Ce nom secret, si quelquun le découvre et le prononce, est le seul talisman capable dattirer la clémence du Créateur et de repousser la fin des temps.
Baldassare, ayant réalisé son erreur, et bien quil saffirme à lui-même quil ne croit pas à ces prédictions superstitieuses, quitte Gibelet sur les traces de lacheteur, le chevalier franc Hugues de Marmontel, émissaire de la Cour de France, en compagnie de son commis, de ses deux neveux, et dune belle femme de Gibelet, Marta, qui recherche la preuve de la mort de son mari, disparu depuis des lustres du côté de Constantinople, afin de pouvoir se remarier.
Cest le début du périple de Baldassare, une odyssée haletante qui le mènera par monts, vaux, mers, amours, catastrophes et rebondissements, à Tripoli, Alep, Constantinople, Smyrne, Chio, Gênes, Minorque, Tanger, Lisbonne, Amsterdam, Londres, Calais, Paris, Gênes à nouveau, avant quil prenne, de Gênes à Gibelet, le chemin du retour.
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Le roman se présente comme une succession de journaux de voyage tenus méthodiquement du 24 août 1665, jour de son départ de Gibelet, au 31 décembre 1666, jour où sachève lannée fatidique sans que se soient réalisées les prédictions des prophètes en tous genres ayant fleuri pendant deux ans dans les villes et campagnes chrétiennes, juives et musulmanes.
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Lépoque et les lieux du récit permettent à Amin Maalouf dexploiter à plein rendement son talent de romancier historien, puisque, entre autres exemples, il nous fait rencontrer à Smyrne le prophète juif Sabbataï Tsevi (1626-1676), nous fait revivre le gigantesque incendie de Londres (septembre 1666), entraîne son héros dans les batailles navales de la guerre anglo-hollandaise
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La quête du livre sert de prétexte, au sens littéral du terme. Elle est chimère, et vogue en rond, puisque Baldassare part de Byblos (qui signifie Livre) pour revenir à Byblos, comme Candide revient cultiver son jardin. Mais si elle assimile le héros, comme souvent chez Maalouf, à une embarcation ballottée par lHistoire, qui tourne, insensée, sur elle-même, elle est paradoxalement riche de sens : elle embrasse les trois religions du Livre, les mêle, les assimile, les imbrique, nous montre à la fois comment elles pouvaient coexister il y a trois siècles et combien, déjà, elles servaient de véhicules à bien des obscurantismes, à de dangereuses superstitions, à de récurrents fanatismes.
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Cest du grand roman, cest du Maalouf, cest magistral.
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Patryck Froissart, St Benoît, le 11 avril 2007
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Titre : Comment voyager avec un saumon
Sous-titre : Nouveaux pastiches et postiches
Auteur : Umberto Eco<o:p></o:p>
Traduit de litalien par Myriem Bouzaher<o:p></o:p>
Titre original : Il secondo diaro minimo<o:p></o:p>
Editeur : Grasset (1997)<o:p></o:p>
Format : Poche<o:p></o:p>
ISBN : 2253 14792 3<o:p></o:p>
278 pages<o:p></o:p>
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Le lecteur habitué à latmosphère sombre et ésotérique qui règne dans Le nom de la rose, ou à la narration gargantuesque, fantaisiste et débridée de Baudolino est surpris par lapparent badinage des propos de salon, qui peuvent, pris au premier degré, paraître ne pas être très éloignés parfois de simples brèves de comptoir, qui constituent ce recueil dopinions dUmberto Eco sur le quotidien de lhomme du 20e siècle.<o:p></o:p>
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Chaque chapitre est consacré aux vicissitudes, aux petites difficultés, aux incessantes raisons dagacement, aux situations ridicules, banales, triviales, journalières que chacun rencontre à toute heure de sa vie, classées méthodiquement en grands thèmes dans un ensemble intitulé Modes demploi:<o:p></o:p>
- voyager<o:p></o:p>
- se comprendre<o:p></o:p>
- vivre dans la société du spectacle<o:p></o:p>
- affronter les technologies nouvelles<o:p></o:p>
- être politiquement correct<o:p></o:p>
- utiliser livres et manuscrits<o:p></o:p>
- comprendre la tradition<o:p></o:p>
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Dans ces récits, remarques, commentaires et recommandations on retrouve immédiatement lempreinte, cependant, dun Umberto Eco à la langue acérée, qui traque dun regard averti et impitoyable les mille et un travers de la société, en maniant avec art lhumour, lantiphrase et lironie.<o:p></o:p>
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Le flot textuel de ces Modes demploi est encadré, dans le livre, en amont par une ubuesque mise en scène des rapports militaires intergalactiques dans un futur qui ressemble beaucoup à notre présent, en aval par de savoureux « Fragments de la cacopédie ».<o:p></o:p>
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Un régal ! <o:p></o:p>
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Patryck Froissart, St Benoit, le 15 mai 2007<o:p></o:p>
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