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Titre : Baudolino<o:p></o:p>
Auteur : Umberto Ecco<o:p></o:p>
Traduit de litalien par Jean-Noël Schifano<o:p></o:p>
Editeur : Grasset 2002<o:p></o:p>
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Baudolino est sans doute le plus génial menteur de tous les temps. Mais Baudolino ment pour la bonne cause, pour son village, pour son empereur, Frédéric Barberousse, que ses premières affabulations dadolescent ont séduit et qui, sous lincognito dun voyageur de passage, et contre monnaie sonnante, obtient de ses parents paysans la permission de lemmener comme homme de compagnie.<o:p></o:p>
A la cour de Barberousse, Baudolino se met alors à écrire lHistoire, non pas en racontant les événements, mais en les créant et en les forçant à se produire.<o:p></o:p>
Après avoir inventé le royaume du Prêtre Jean et le Graal, Baudolino, qui croit dur comme fer à ses fables, se met à leur recherche, chargé dune légation officielle par lempereur, à qui a été envoyée par le Prêtre Jean en personne une invitation créée de toute pièce par le héros et ses compagnons, sous la forme dun parchemin qui devient un document historique.<o:p></o:p>
Et bien sûr au cours de ses voyages, au long de ses années, Baudolino rencontre tous les êtres quil a imaginés, visite toutes les régions nées de sa pensée poétique, vit tous les événements quil a prédit de voir, et en fait la chronique.<o:p></o:p>
Et bien sûr il tombera amoureux dune Hypathie, créature de ses propres rêves, avec laquelle il vivra une très belle histoire damour, malgré les jambes velues et les sabots de la belle jeune fille-chèvre.<o:p></o:p>
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Baudolino, pris dans son mensonge, ne peut que sefforcer de rendre réel ce quil dit :<o:p></o:p>
« Jétais désormais consacré au mensonge. Il est difficile dimaginer ce qui se passait dans ma tête. Je me disais : tant que tu inventais, tu inventais des choses qui nétaient pas vraies, mais elles le devenaient » <o:p></o:p>
Le pouvoir du mensonge est tel quil suffit « de croire vraie une relique » et « on en perçoit le parfum » <o:p></o:p>
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La narration est truculente, succulente. Il y a du Rabelais et du Cervantès dans cette fresque gaie, paillarde, crue, et le lecteur samuse jusque dans le récit, souvent délirant, des pires atrocités. Les inventions lexicales sont autant de joyaux qui rehaussent léclat des faits narrés et les discours des personnages.<o:p></o:p>
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Etonnant et détonnant, le roman, picaresque et baroque, est ponctué de réflexions quon mettrait volontiers dans lesprit critique de Montaigne. <o:p></o:p>
Le tour de force dUmberto Ecco est décrire au 21e siècle un roman médiéval et, de même que son Baudolino devient le héros des chroniques qu'il raconte, de même pousse-t-il le génie jusqu'à devenir, ce faisant, un écrivain médiéval : mais on connaît limmense talent de lauteur du Nom de la Rose.
Alors on se régale, on se pourlèche, on festoie, en bavant sans gêne et en s'essuyant rapidement du revers de la manche, pour ne pas en perdre ni goutte ni miette, de cette écriture gargantuesque, de ces combats épiques, de ces joutes d'imagination!
C'est énorme!<o:p></o:p>Voilà certes lune de mes lectures les plus marquantes de ces dernières années.<o:p></o:p>
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Patryck Froissart, le 7 février 2006<o:p></o:p>
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Auteur : Hugo Hamilton
Titre : Sang impur
Traduit de l’anglais par Katia Holmes
Genre : roman
Editeur : Phébus
ISBN : 2752900171
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Comment un enfant voit-il notre monde ? Comment se situe-t-il dans cet univers de violence, de guerres, de haines racistes ? Qu’y comprend-il ?
Le regard de l’enfant, voilà le point de vue adopté par Hugo Hamilton dans ce roman prenant, dont le narrateur est Hamilton redevenu petit dans une société de grands.
Très autobiographique, le roman est dit par la voix narratrice d’un enfant d’une famille « mixte » : mère allemande, père irlandais.
Le couple s’installe en Irlande, après la deuxième guerre mondiale. Les enfants naissent Irlandais, mais portent des Ledrehosen venus tout droit d’Allemagne, et des chandails d’Aran tricotés à la main. La mère, Irmgard, nostalgique du pays qu’elle a quittée, porte sur elle, bien qu’elle vienne d’un milieu anti-nazi, toute la faute de l’Allemagne hitlérienne, et ses enfants sont traités constamment de boches nazis par leurs condisciples, alors que certains milieux irlandais, dans leur haine de l’Angleterre, la félicitent d’avoir « donné la raclée » à l’ennemi séculaire.
Le père fonctionne sur des règles strictes, qu’il crée, et qu’il impose à tous. En premier lieu, chacun est tenu d’adhérer à son nationalisme irlandais si extrémiste qu’il en est ridicule et suspect, y compris aux yeux de la plupart de ses compatriotes. Il faut dire qu’il a un grand-père qui a combattu dans la marine anglaise, et qu’il se sent tenu de réparer cette trahison familiale en se faisant plus nationaliste que quiconque.
Les enfants sont obligés de parler l’irlandais, et ils sont les seuls à le faire dans le village, dont les habitants sont devenus anglophones depuis belle lurette. Tout mot anglais prononcé en présence du père est sanctionné d’une bastonnade.
La cruauté quotidienne des rapports entre les gens du quartier, l’esprit borné d’un père pitoyable qui rate, par ailleurs, l’une après l’autre les entreprises farfelues qu’il met en œuvre pour tenter d’améliorer la situation familiale, les souvenirs entrevus, bribe par bribe, de la jeunesse de ces parents singuliers, en particulier l’esclavage sexuel auquel la mère a été soumise dans sa jeunesse par un patron ayant des relations dans le parti national-socialiste, ou l’aveu par le père de sa vocation contrariée à la prêtrise, les tiraillements entre les deux langues et cultures des parents, sont autant d’éléments qui s’offrent à intense et lucide interprétation du monde des adultes, apparaissant comme pas très beau, par le jeune narrateur.
Un humour frais, teinté de l’innocence de l’enfance, baigne le tout.
Le lecteur sort du roman peut-être un peu plus pessimiste, s’il conservait encore quelque illusion quant à « l’humanité de l’homme ».
Je préconise un remède, pour retrouver la volonté de se battre pour espérer un jour changer les choses : se (re)plonger immédiatement dans le magnifique livre d’Amine Maalouf : Les identités meurtrières…
Patryck Froissart, le 28 février 2006<o:p></o:p>
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Titre : Le premier siècle après Béatrice
Auteur : Amine Maalouf
Editeurs : Grasset et Fasquelle (1992)
ISBN : 2253097829
157 pages en Livre de poche
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</v:imagedata></v:shape>Ce livre est à la fois un roman, un document, une uvre danticipation, et une leçon, ou un avertissement.
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Le narrateur et personnage central, entomologiste spécialiste des coléoptères, est amené à sintéresser à une poudre traditionnelle égyptienne vendue dans un petit récipient en forme de scarabée, prétendument capable de favoriser la naissance dhéritiers mâles.
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Ce qui nétait, séculairement, que charlatanisme et superstition archaïques sans effet réel devient un problème politique, à léchelle mondiale, lorsque des chercheurs sans scrupules parviennent à fabriquer, puis à écouler massivement, sous le manteau des traditions, un produit chimique efficace qui fait chuter de façon dramatique le nombre des naissances de filles, dans un schéma catastrophe qui sappuie sur les préjugés culturels ancestraux considérant comme valorisante pour la famille la mise au monde dun garçon, et qui amplifie les méthodes plus « artisanales » qui consistaient jusque là, dans un certain nombre de régions, à provoquer couramment lavortement dembryons de sexe féminin.
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Le roman, publié chez Grasset en 1992, met en scène une situation qui se développe à partir de 2000, année de la naissance de Béatrice, la fille du narrateur (doù le titre).
Il sagit donc danticipation.
Amine Maalouf, sur la question centrale du livre, apparaît, comme dans ses autres uvres, comme un visionnaire, extrêmement lucide, qui analyse, avec une précision scientifique, les conséquences des comportements de lhomme sur le présent et le futur de sa propre espèce.
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En effet, des rapports de plus en plus fréquents, précis et alarmants font état actuellement dun déficit croissant de filles, en Inde et en Chine notamment, qui donnent un éclairage réaliste à la fiction décrite par Maalouf. On compterait en 2006 un déficit mondial de 70 millions de filles, et des revues dignes de foi nous annoncent, si rien nest fait pour inverser la tendance, un effondrement démographique majeur dès 2050.
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Cest exactement le scénario du livre de Maalouf
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A méditer, en vue dune action militante.
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Patryck Froissart, St Benoît (Réunion), le 22 septembre 2006
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Titre : Origines
Auteur : Amin Maalouf
Editeur : Grasset & Fasquelle (2004)
Collection : Livre de poche
ISBN : 2253115940
507 pages
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On peut donner plusieurs définitions, éventuellement contradictoires, de ce livre :
Premièrement, il sagit dune enquête, menée à partir de lettres et de photos de famille reçues en héritage par le narrateur auteur, sur la vie de deux « personnages » incarnant la dualité de lâme libanaise : lun est le grand-père de lauteur, Botros, sédentaire, patriote, intellectuel et poète, lautre son grand-oncle, voyageur, entrepreneur, affairiste ayant coupé lombilic du pays natal pour sinstaller définitivement à Cuba. Lenquête, minutieuse, sappuyant sur des visites de sites, linterrogation de témoins, la fouille darchives, permet de voir se reconstituer peu à peu le puzzle de deux existences, de deux portraits, de deux caractères.
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Deuxièmement, il sagit dune quête, dune interrogation philosophique, du « doù viens-je » et donc du « qui suis-je », dune recherche de cette identité de lauteur même qui, dans un autre ouvrage magistral, qualifie laffirmation didentité de potentiellement meurtrière.
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Troisièmement il sagit dun roman. En effet la structure narrative, larrangement, la progression, lagencement des scènes de vie, le va-et-vient entre le cheminement du narrateur, ses rencontres, ses réflexions et réactions et le « romancement » des vies découvertes, dévoilées, mises à nu, tout se construit sur une écriture (ou peut-être sur une lecture) romanesque, où les situations sont romanesques, où est romanesque, et sous-tendue du suspens nécessaire au plaisir de lire, lévolution des personnages et de leurs destins.
Ici la vie est vraiment un roman. Ici le roman est réellement la vie.
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Quatrièmement, il sagit dune thèse. Lhistoire complexe et riche du Liban a mis chaque Libanais au centre de conflits religieux, philosophiques (tradition et progrès), politiques (citoyen du grand Liban, ou de la petite Syrie, ou de lempire ottoman, ou de la nation panarabe). Amin Maalouf analyse lhomme libanais, si tant est quil existe.
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Cinquièmement, il sagit dun intéressant problème littéraire. Conventionnellement, les personnages de roman accèdent à lexistence par la magie créatrice de lécriture. Ici, ils préexistent, ils sont déjà écrits, sur papier, et cest à partir de ces écrits disparates et épars que le narrateur refabrique ses héros, en essayant de réunir les indices matériels de leur réalité.
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Enfin, il sagit, surtout, dune recherche de soi. On retrouve en ce livre la circularité obsédante du « connais-toi toi-même » des Essais de Montaigne ou du Chercheur dor de Le Clezio, ou, mieux encore, du Voyage à Rodrigues du même Le Clézio. Lécriture y est auto-initiatique. Dailleurs les éléments relatifs à la Franc-Maçonnerie parsèment le livre. Circularité ou, plutôt « spiralité », ascensionnelle, à la Teilhard de Chardin, sauf que la question nest pas de sapprocher de la connaissance de Dieu, mais de la connaissance de ce qui fait que je suis moi.
« Pour moi, en tout cas, la poursuite des origines apparaît comme une reconquête sur la mort et sur loubli ». Faire renaître ses ancêtres, cest se redonner naissance à soi-même, identifier en soi ce qui est deux, en assumer lhéritage afin de le transmettre à sa descendance et de se situer, en pleine conscience de soi, comme un maillon de la chaîne hors de laquelle ce soi na pas de sens :
« Je suis le fils de chacun de mes ancêtres et mon destin est dêtre également, en retour, leur géniteur tardif ».
Patryck Froissart, St Benoît (Réunion), le 10 octobre 2006
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