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    «Zadig» ou la destinée…


    Un philosophe des Lumières, Voltaire. L’un de ses contes philosophiques, Zadig. Un projet ambitieux qui a mûri dans la tête d’un élève du Lycée des Mascareignes, Marek Ahnee : les tribulations d’un jeune homme dans un Orient fantasque joué sur les planches. Pour comédiens, des camarades du lycée qu’il n’a pas été évident de convaincre.

    Voilà que des jeunes gens vont se lancer dans une aventure théâtrale le 30 novembre et le 1er décembre. Certains y verront peut-être le risque de se casser le nez ou d’être ridicule. Que nenni ! C’est clairement une initiative qu’il faut saluer. Parce que la vie culturelle ne peut être la chasse gardée de professionnels, d’une élite intellectualiste, de vieux routiers de la culture. Parce qu’on ne peut qu’être impressionnés par cette volonté d’adap-ter – comprenons-nous bien, la comédie procède d’un travail d’écriture ! un conte de Voltaire et d’oser le jugement du public. Sans rien connaître du «produit fini», le pari est d’ores et déjà presque relevé.

    «On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans». Ce groupe d’adolescents fait mentir Rimbaud. Se débrouillant seuls – avec le soutien cependant de quelques professeurs, cette petite troupe, toute novice qu’elle puisse être, s’est mise en tête de faire aboutir le projet. Pour preuve : ils ont réussi à convaincre de grandes entreprises de financer la location du théâtre de Port-Louis pour leurs représentations. Seul hic, il nous faudra supporter la chaleur étouffante de ce lieu… La municipalité a néanmoins proposé aux élèves du lycée de financer la réparation de la climatisation. La générosité a ses limites, celle des caisses de la ville. Peu importe. La chaleur ne fera qu’ajouter au réalisme des scènes babyloniennes. Les acteurs seront, du reste, certainement plus à plaindre que les spectateurs s’éventant tant bien que mal. Bref, ne nous égarons pas, là n’est pas le propos.

    Cette première expérience théâtrale en public devrait être rééditée qu’elle soit un succès – nous n’en doutons pas –- ou non. Tout projet est perfectible. Le choix du conte Zadig est révélateur d’une sensibilité des jeunes – contrairement à ce que l’on croit trop souvent -- face aux problèmes d’intolérance, d’injustice, des affres du pouvoir…

    Ce type de projet ne doit pas rester un cas isolé. Un «one shot, just for fun». Gageons qu’une émulation similaire se fait jour dans d’autres établissements. Porter un projet, le voir se réaliser a quelque chose de fédérateur, grisant et formateur. A sa manière, «la troupe des Mascareignes» vient enrichir le paysage culturel mauricien.

    Pour autant, la formalisation d’une telle démarche lui porterait préjudice. Il ne faut pas dénaturer l’originalité du projet. Seulement, le Zadig des Mascareignes doit être l’illustration de la capacité des jeunes à être force de propositions. On peut présumer que c’est non sans mal que la quarantaine d’élèves du Lycée des Mascareignes achève sa préparation. Mais qu’ils se rassurent, Voltaire écrivait dans Zadig : «Il n’y a point de mal dont il ne naisse un bien …»




    Gilles RIBOUET


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  • Titre : Quatuor

    Auteur : Vikram Seth

    Traduit de l’anglais par Françoise Adelstain

    Titre original :An equal music<o:p></o:p>

    Edition : Grasset (Paris 2000)
    ISBN: 225315380X
    478 pages 

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    Vikram Seth, auteur du sublime roman Un garçon convenable, quitte, dans Quatuor, de façon surprenante, la scène indienne pour l’Europe.

    Quatuor est un roman d’amour, certes, mais c’est avant tout un roman…d’amour de la musique, de la grande musique, classique, européenne.

    De Londres à Vienne, de Vienne à Venise, puis de Venise à Vienne, le lecteur vit, très intimement, très précisément, très techniquement, mais surtout très passionnellement le parcours d’un quatuor, ses bonheurs partagés, ses angoisses, son trac, ses tiraillements internes, ses disputes, et ses ruptures.

    Parallèlement, se noue, ou plutôt se renoue, puis se dénoue une histoire d’amour tragique, car sans espoir, entre Michaël, personnage narrateur, et Julia, une musicienne qu’il a connue vingt ans plus tôt en Autriche et qu’il retrouve par hasard à Londres.

    La tension dramatique est multiple : histoires personnelles de chacun des membres du groupe, histoire commune du quatuor, histoire de Michaël et de Julia, histoire du violon de Michaël, histoire des protagonistes secondaires (le mari de Julia, la maîtresse de Michaël).

    Le roman se lit, d’un trait, avec avidité, jusqu’au dénouement, qui n’est pas vraiment une fin heureuse pour l’intrigue amoureuse, mais où le personnage principal, la Musique, conserve ses droits.

    L’ensemble est construit comme une symphonie, bien sûr, et l’auteur en est à la fois le compositeur et le formidable chef d’orchestre.

    Tous ceux qui ont aimé le Vikram Seth auteur d’Un garçon convenable aimeront cet autre Vikram Seth, complètement différent mais tout aussi talentueux.

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    Patryck Froissart, le 8 janvier 2006<o:p></o:p>


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  • Titre : Onitscha

    Auteur : J.M.G. Le Clézio

    Editeur : Gallimard (avril 1993)

    Collection : Folio

    ISBN : 2070387267

    289 pages

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    Onitsha, cela commence par Oni, comme onirique.

    Une fois de plus, Le Clézio nous emmène au pays des rêves, non pas de nos rêves, mais des rêves qui tournent la tête des personnages, qui les animent, qui leur offrent raison de vivre, et puis qui les déçoivent, voire les détruisent.

    Comme son grand-père dans Le chercheur d’or, comme l’auteur lui-même dans le Voyage à Rodrigues, les acteurs principaux de ce roman, à l’occasion d’un voyage qui les déporte dans la différence, dans l’étrangeté, ici d’un village africain qui disparaîtra dans la tourmente de la guerre du Biafra, se trouvent vite entraînés dans la spirale aspirante de la fascination de l’autre.

    Ainsi, Fintan et sa mère Maou quittent en 1948 Marseille pour Onitsha, où ils rejoignent, l’un son père qu’il n’a pas connu, l’autre son mari qu’elle n’a pas vu depuis des années.

    Le père, Geoffroy, anglais au service d’une entreprise coloniale, personnage classiquement leclézien, est obsédé par la recherche de traces mythiques, celles de l’exode de la dernière pharaonne noire de Meroé, Amanirenas, nommée Candace par Strabon, du Nil vers le Niger, et de l’installation, par sa fille Arsinoé, de son peuple dans la région d’Onitsha. Geoffroy poursuit et déchiffre les signes, sur la terre, dans les ruines, dans les tatouages rituels que portent les aînés de chaque famille d’Onitsha, dans la beauté pure et lisse de la mystérieuse Oya, venue de nulle part, muette et sauvage, qui ressemble à Ouma, la sauvageonne du Chercheur d’Or.

    Fintan, très vite, puis Maou, plus lentement, se rapprochent de l’indigène, et sont corollairement méprisés et mis à l’écart par les blancs de la région.

    Fintan a pour initiateur le jeune Bony, l’équivalent de Denis pour l’enfant Alexis dans Le chercheur d’or.

    Maou devient la jumelle de sa servante Marima.  

    Dans cet ailleurs est un endroit qui se situe outre, comme si l’exil ne pouvait être justifié, ou  supporté, que par la croyance en l’existence, au-delà de la montagne, du fleuve, ou de la mer, ou des conventions, d’un archi-pays dont la quête obsessionnelle permet d’oublier soit les liens avec le pays d’origine, soit la déception de se retrouver dans un pays qui ne répond pas à l’image idyllique qu’on s’en était faite :

    Au Mananava de Denis et d’Alexis correspondent pour Bony et Fintan l’île formée par un bateau échoué au milieu de l’embouchure du fleuve, et pour Geoffroy, conduit par Okawho, le lac de vie perdu dans la forêt.

    Onitsha brisera Geoffroy, ôtera chez Maou toute envie de voyage, mais laissera chez Fintan une durable amertume, un goût nostalgique d’inachevé, et le regret de ne pas s’y être fondu, assimilé, africanisé.

    Onitsha est un roman de l’échec : échec de la recherche « historique » pour Geoffroy, échec de l’adaptation à la vie coloniale pour Maou, échec de l’initiation pour Fintan.

    Fintan, fin du temps : l’histoire a pour cadre temporel la fin de la colonisation, échec historique.

    Symbole de ces échecs : le bateau échoué au milieu du Niger, à l’embouchure…

    Un regret concernant cette édition: la présence, à la page 177, d'un énorme barbarisme sur le passé simple du verbe souffrir.

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    Patryck Froissart, St Benoît, le 15 octobre 2006


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  • Titre : Introduction à la vie littéraire du XVIIe siècle

    Auteur : Jean-Claude Tournand

    Editeur : Armand Colin 2005

    ISBN : 220034466X

    191 pages

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    Voici un ouvrage, au sens noble du terme, qui offre à ses pratiquants une synthèse remarquable des lectures, diverses, éparpillées dans le temps, qu’ils ont pu faire des grands auteurs français du siècle classique.

    Rassembler ce qui, dans leur esprit, est forcément épars, trouver un sens à chacune des périodes, à chacun des courants littéraires abordés, et établir et constater la cohérence de la relation qui mène de l’un à l’autre, ce n’était pas chose facile, s’agissant d’un siècle qui aura vu se succéder et coexister l’humanisme de la Renaissance, le libertinage littéraire, le baroque, la préciosité, l’idéal de l’honnête homme, le jansénisme, et ces auteurs universellement reconnus et fondamentalement différents que sont, dans le désordre, Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, Boileau, Descartes, Pascal, Charron, François de Sales, Fénelon, Bossuet, Fontenelle, Huyghens, Théophile de Viau, Malherbe, La Rochefoucauld, Madame de Lafayette, La Bruyère, et j’en oublie.

    J’ai dit « fondamentalement différents » et j’ai ajouté « dans le désordre ».

    Justement, Jean-Claude Tournand nous dit le contraire, et il le démontre magistralement.

    Tous ces hommes, tous ces courants littéraires et philosophiques ont un lien, un lien fort : l’amour-propre, né en littérature avec Montaigne au siècle précédent.

    Dans ce monde où la courtoisie est devenue la courtisanerie, où l’épopée n’est plus de mode, germent et se développent l’amour de soi, l’orgueil de soi, l’absolue nécessité de paraître pour être, tous ces aspects fondateurs de l’individualisme que l’auteur décèle même dans les écrits de ceux qui en dénoncent (déjà) les effets néfastes.

    Plutôt qu’une « introduction à la vie littéraire du XVIIe siècle », nous disposons, avec cette œuvre, d’une passionnante étude, resituée dans le contexte socio-historique, de la philosophie des textes et des auteurs du grand siècle, dont nous avons le devoir de faire connaître la richesse à nos collégiens, lycéens et étudiants, n’en déplaise à ceux, ignares et dangereux, qui prennent prétexte de leur prétendue difficulté pour les écarter de plus en plus des programmes scolaires.

    Puisse la lecture de ce livre donner envie à ceux, dont je suis, qui ont une connaissance fragmentaire de la littérature du XVIIe siècle, de se replonger dans ce grand siècle français dont on peut dire, sans chauvinisme, qu’il est admiré et envié.

     <o:p></o:p>

    Patryck Froissart, St Benoît, le 22 novembre 2006


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  • Titre : Introduction à la vie littéraire du XVIIe siècle

    Auteur : Jean-Claude Tournand

    Editeur : Armand Colin 2005

    ISBN : 220034466X

    191 pages

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    Voici un ouvrage, au sens noble du terme, qui offre à ses pratiquants une synthèse remarquable des lectures, diverses, éparpillées dans le temps, qu’ils ont pu faire des grands auteurs français du siècle classique.

    Rassembler ce qui, dans leur esprit, est forcément épars, trouver un sens à chacune des périodes, à chacun des courants littéraires abordés, et établir et constater la cohérence de la relation qui mène de l’un à l’autre, ce n’était pas chose facile, s’agissant d’un siècle qui aura vu se succéder et coexister l’humanisme de la Renaissance, le libertinage littéraire, le baroque, la préciosité, l’idéal de l’honnête homme, le jansénisme, et ces auteurs universellement reconnus et fondamentalement différents que sont, dans le désordre, Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, Boileau, Descartes, Pascal, Charron, François de Sales, Fénelon, Bossuet, Fontenelle, Huyghens, Théophile de Viau, Malherbe, La Rochefoucauld, Madame de Lafayette, La Bruyère, et j’en oublie.

    J’ai dit « fondamentalement différents » et j’ai ajouté « dans le désordre ».

    Justement, Jean-Claude Tournand nous dit le contraire, et il le démontre magistralement.

    Tous ces hommes, tous ces courants littéraires et philosophiques ont un lien, un lien fort : l’amour-propre, né en littérature avec Montaigne au siècle précédent.

    Dans ce monde où la courtoisie est devenue la courtisanerie, où l’épopée n’est plus de mode, germent et se développent l’amour de soi, l’orgueil de soi, l’absolue nécessité de paraître pour être, tous ces aspects fondateurs de l’individualisme que l’auteur décèle même dans les écrits de ceux qui en dénoncent (déjà) les effets néfastes.

    Plutôt qu’une « introduction à la vie littéraire du XVIIe siècle », nous disposons, avec cette œuvre, d’une passionnante étude, resituée dans le contexte socio-historique, de la philosophie des textes et des auteurs du grand siècle, dont nous avons le devoir de faire connaître la richesse à nos collégiens, lycéens et étudiants, n’en déplaise à ceux, ignares et dangereux, qui prennent prétexte de leur prétendue difficulté pour les écarter de plus en plus des programmes scolaires.

    Puisse la lecture de ce livre donner envie à ceux, dont je suis, qui ont une connaissance fragmentaire de la littérature du XVIIe siècle, de se replonger dans ce grand siècle français dont on peut dire, sans chauvinisme, qu’il est admiré et envié.

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    Patryck Froissart, St Benoît, le 22 novembre 2006


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