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Lorsque G o o g l e explore le Web, il crée automatiquement une version HTML des documents récupérés.Page 1 <nobr>ISSN: 1139-9368</nobr><nobr>Ihcleníc Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>2000</nobr><nobr>15</nobr><nobr>67 177</nobr><nobr>Quelques aspects de la</nobr><nobr>Merencolie</nobr><nobr>de Charles dOrleans</nobr><nobr>PILAR ANDRADE BouÉ</nobr><nobr>UCM</nobr><nobr>Depuis plusieurs années, les historiens et critiques de la littérature orn</nobr><nobr>commencé it lever les voiles dune époque un peu fantomatique ou méconnue</nobr><nobr>de notre histoire, la fin du moyen áge. Les XIVe et XVe siécles se sont dégagés</nobr><nobr>ainsi peu it peu de la malédiction que leur auraient imprimés les sceaux de la</nobr><nobr>peste noire</nobr><nobr>et de</nobr><nobr>tipo que de transition,</nobr><nobr>et un nouveau continent littéraire est</nobr><nobr>apparu, riche de la fecondité de trois siécles de culture, mais aussi raviné par les</nobr><nobr>signes avant-coureurs dune vision du monde et dune sensibilité en crise. Car</nobr><nobr>ces síecles éprouvent, en effet, la premiére grande crise de la conscience mo-</nobr><nobr>deme, qui est la crise de la conscience médiévale. On sait que les valeurs, les</nobr><nobr>idées et les réalités sur lesquelles une civilisation reposait jusque lors changent</nobr><nobr>et basculent, for9ant it un moulage nouveau de la perception du monde et de 1-</nobr><nobr>homme; ceci produit un sentiment dabandon et méme dangoisse, ainsi que,</nobr><nobr>parallélement, un certain optimisme quant aux possibilités de renouvellement,</nobr><nobr>surtout au XVe siécle.</nobr><nobr>En fait, on a pu également dépister cetie double face de fin dune époque et</nobr><nobr>débul dune autre lors de la deuxiéme crise du monde occidental, dans les</nobr><nobr>derniéres décennies du</nobr><nobr>XVIII</nobr><nobr>siécle. Les romantiques fran9ais lavaient bien</nobr><nobr>ressenti, tel Chateaubriand lan9ant la célébre allégorie des deux statues dans son</nobr><nobr>René,</nobr><nobr>ou Musset dressant une belle image en trois temps: le passé, sagitant en-</nobr><nobr>core sur ses mines, lavenir,</nobr><nobr>Iaurore dun immense horizon,</nobr><nobr>et le présent, une</nobr><nobr>mer houleuse oit lon ne sait</nobr><nobr>si Ion marche sur une semence ou sur un débris.</nobr><nobr>Cette bipolarité nest sans doute pas le seul pointcommun de deux ¿poques</nobr><nobr>que trois autres siécles écartent. II existe surtout un état dáme particulier par-</nobr><nobr>tagé par toutes ces décades difficiles: cest lexpérience de la mélancolie ou du</nobr><nobr>spleen,</nobr><nobr>ce quon aujourdhui on désigne avec le terme générique de</nobr><nobr>dépression.</nobr><nobr>Mais si le</nobr><nobr>spieen</nobr><nobr>du XIXe a ¿té lobjet de nombreuses recherches, celui de la</nobr><nobr>¡</nobr><nobr>La confrssion don cnfantdu site/e,</nobr><nobr>premiére partie, premier chapitre.</nobr><nobr>167</nobr><nobr>Pilar Andrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspecis de fa Merencolie de Charles dOrleans</nobr><nobr>fin du moyen áge mérite A son tour plus dattention que celle quon lui a ac-</nobr><nobr>cordéejusquá présent, car cest alors quil évohie pour devenir lembryon pre-</nobr><nobr>mier du sens tragique de la consejence moderne.</nobr><nobr>[1aura fallu néanmoins un Long múrissement pour aboutir á ce résultat, et</nobr><nobr>surtout aux derniéres étapes du procés. Létat mélancolique avait déjá été</nobr><nobr>analysé surtout par les médécins de lantiquité grecque et romaine, qui le</nobr><nobr>eonsidéraient comme une maladie comportant la tristesse et inaction du sujet,</nobr><nobr>et dont les causes seraient physiques et internes (la production par le corps</nobr><nobr>dhumeurs nuisibles A lorganisme). Au moyen áge fleurissant, létude de la</nobr><nobr>mélancolie prend une double orientation: tandis que les auteurs arabes con-</nobr><nobr>tinuent la tradition classique, les traités des moralistes vont linclure parrni les</nobr><nobr>péchés capitaux, A cóté de la paresse et méme parfois déplayant celle-ci.</nobr><nobr>Enfin, dés le XIVe siécle la mélancolie prend un rOle prédominant dans les</nobr><nobr>oeuvres tant morales que littéraires, et sa conception ehange sensiblement par</nobr><nobr>rapport á celle quelle avait, A la faveur du développement de lanalyse psy-</nobr><nobr>ehologique</nobr><nobr>2,</nobr><nobr>Car on pourrait dire que le long de ce siécle lhomme médiéval, A qui la</nobr><nobr>philosophie avait déjá appris sa constitution ontologique, et que la morale chré-</nobr><nobr>tienne avait dégrossi en le faisant réfléchir sur ses passions (dans le sens large</nobr><nobr>du terme), commence á se découvrir un mol profond. II le fait certainement gui-</nobr><nobr>dé par les manuels de confession de lépoque, les livrcs mystiques ou méme les</nobr><nobr>traités de logique, mais sa curiosité va dépasser ces premiéres aides. De cette</nobr><nobr>fagon, loeil qui entreprend de regardertous les replis internes du moi va con-</nobr><nobr>cevoir aussi la mélancolie non seulement comme un probléme médical ou une</nobr><nobr>case dans un systéme de vices et qualités, mais commme un état dcsprit qui</nobr><nobr>mérite une longue exploration et une descriptiorí psychologique approfondie.</nobr><nobr>Description qui dégagera une morphologie complexe avec des nuances de tris-</nobr><nobr>tesse, dangoisse et de désespoir. entre autres, qui masiifestent une impuissance</nobr><nobr>fondamentale pour accomplir un projet social et spirituel au sein dun univers</nobr><nobr>qui héberge lhomme.</nobr><nobr>Dans les pages qul suivent, je proposerai de survoler la sensibilité du moyen</nobr><nobr>áge tardif pour dénicher certains points communs ayee la sensibilité romantique</nobr><nobr>franyaise, et ceci A partir des textes de Charles dOrléans, un homme de [ano-</nobr><nobr>blesse que les circonstances de la vie obligérent A sétudier et A sécrire. Nou-</nobr><nobr>blions pas, en outre, que ce prisonnier des anglais passa plus de vingt ans dans</nobr><nobr>un pays féru de mélancolie, pays qui léga la niode du spleen au continent dés le</nobr><nobr>XVe siécle et notamment lors du Romantisme.</nobr><nobr>II existe dabord des circonstances trés particuliéres dans la vie de Charles</nobr><nobr>dOrléans, sources chez lul de thémes qui feront fortune parmi les romantiques</nobr><nobr>2</nobr><nobr>Pour les sources, fonnation et développernent de cene notion, cf. Klibanski, R., Panofsky, E.</nobr><nobr>et</nobr><nobr>Saxl, F.:</nobr><nobr>Saturn ¿md Melancholy: siudies in tite Historv</nobr><nobr>of</nobr><nobr>Natural philosophy, Religion</nobr><nobr>citó</nobr><nobr>Art</nobr><nobr>(New York: Basic Books, 1964) et Jackson.</nobr><nobr>S,W.:</nobr><nobr>Melancholia citó</nobr><nobr>dcpression:</nobr><nobr>ilota</nobr><nobr>hipporatic</nobr><nobr>tintes to madera times (Londres: Yale University, 1986).</nobr><nobr>Pié/toe. Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>2000, [5: 167-ID</nobr><nobr>168</nobr><nobr>Pilar Andrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspects de</nobr><nobr>la</nobr><nobr>Merencolie</nobr><nobr>de Charles</nobr><nobr>d Orleans</nobr><nobr>franais. Un de ces ihémes est bien súr celui de la nostalgie de la patrie, utilisé</nobr><nobr>par dautres auteurs de son époque, mais aggrémenté dans notre poéte de cer-</nobr><nobr>tains aspects qui méritent une réflexion plus approfondie. On trouve cette poé-</nobr><nobr>tique de lexil dés les premiers poémes éerits en Angleterre:</nobr><nobr>le suis de tous maulxbien garny,</nobr><nobr>Autant que nul qui rok en France. <Rallade 22).</nobr><nobr>Car</nobr><nobr>vous</nobr><nobr>maye: mainte saison</nobr><nobr>Fait douleur a tort endurer,</nobr><nobr>bit mej=¡itesloings demnurer</nobr><nobr>De la nompareille de Fi-ante.. <Ballade</nobr><nobr>54).</nobr><nobr>Le fait détre tombé prisonnier entrame ensuite la douleur détre séparé</nobr><nobr>dune</nobr><nobr>dame,</nobr><nobr>et Charles dOrléans chante, dans la tradition courtoise, lafemme,</nobr><nobr>qui sera toujours lointaine. Ainsi par exemple lorsque le poéte emploie le mo-</nobr><nobr>tif de la Bonne Nouvelle amoureuse apportée par Reconfort, il précise que</nobr><nobr>cette nouvelle doit venir en bateau, ajoutant lélément de la nef:</nobr><nobr>A</nobr><nobr>¡olepuist venir au port</nobr><nobr>De desir, et paur tostpasser</nobr><nobr>La mer de Fortune, trouver</nobr><nobr>Un plairant vent venan! de France,</nobr><nobr>Oit</nobr><nobr>crí</nobr><nobr>á présentma mairtrerre. (Rallade 28)</nobr><nobr>Cest pourquoi léloignement devient de plus en plus physique et de moíns</nobr><nobr>en moins dú au rejet de la dame</nobr><nobr>.</nobr><nobr>On pourrait dire quil se contamine de la</nobr><nobr>thématique de la patrie, de sorte que la</nobr><nobr>ReIle, nompareille de France</nobr><nobr>(Ballade</nobr><nobr>27), prendrait un rOle de lien entre le poéte et son pays natal. Quand elle va en-</nobr><nobr>fin soulager la souffrance (amoureuse ou autre) du poéte, elle doit entreprendre</nobr><nobr>un voyage:</nobr><nobr>Elle vient par dea la mer</nobr><nobr>(Ballade 33); elle apporte avec elle les</nobr><nobr>arOmes et la douceur du pays aimé</nobr><nobr>.</nobr><nobr>Elle deviendrait, en conséquence, un élé-</nobr><nobr>ment de la topique amoureuse quon aurait vidé en partie de son référent réel le</nobr><nobr>plus direct (la femme aimée) an profit dun autre référent, la terre natale. Rap-</nobr><nobr>pelons quune association semblable de la féminité et la patrie se produit avec</nobr><nobr>le premier Roniantisme fran9ais, ou les soupirs des exilés se mélent au nostal</nobr><nobr>gies dune femme trés pure mére dont ils ont été sévrés trop tót, ou vierge</nobr><nobr>méritant tous les éloges, on les deux. René, marié á une Natehez mais</nobr><nobr>nc</nobr><nobr>vivfantl point ayee elle,</nobr><nobr>regrette la France et sa chére soeur, qui était</nobr><nobr>presque</nobr><nobr>une mere, cétait que/que chore de plus tendre.</nobr><nobr>A ce regret sajouterait encore</nobr><nobr>Léloignement ne répond pas non plus á une stratégie du procés de séduction: un des con-</nobr><nobr>selís dAmour á lamant dans le Rontan de la Rose est de rae pas séloignerde la belle, cas cela ne</nobr><nobr>pouvait que nuire au procés de séduction (vv. 2555-2562).</nobr><nobr>Peur la polysémíe référenticlie de la dante, cf. P. Champion, 1969: 257 ss.</nobr><nobr>Tan/ose.</nobr><nobr>Resisca Complutense de Estudios Fraa3ceses</nobr><nobr>169</nobr><nobr>2000 15:167-177</nobr><nobr>Pilar Andrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspearde la Merencolie de Charles d Orleans</nobr><nobr>lanostalgie du manoir de 1enfance autant chez le duc médiéval</nobr><nobr>(Songe en com-</nobr><nobr>plainte,</nobr><nobr>VI) que diez Chateaubriand. Et en fait lespace de lafemme, dans les</nobr><nobr>deux auteurs, est marqué du sceau de linterdiction; ni Lun ni lautre pourront</nobr><nobr>démolir lobstacle qul les sépare de laimée tant que durera lexil: plus de</nobr><nobr>víngt mis, pour [un, et toute la vie, pour lautre. 11 est vrai eependant dautre</nobr><nobr>part que la poétique de lexil de Chateaubriand sinscrit dans le cadre de la</nobr><nobr>conseience moderne aliénée et errante, tandis quil serait vain de chercherce ca-</nobr><nobr>dre chez lauteur médiéval dans un temps ou, justement, le chevalier devenait</nobr><nobr>de moins en momns errant.</nobr><nobr>Revenons aux vers de Charles dOrléans pour déceler A travers certains</nobr><nobr>exemples celle polysémie constante, quil exploite parfois trés clairenient.</nobr><nobr>Cest le cas lorsquil parle simultanément de la prison amoureuse ou Fortune la</nobr><nobr>réduit, ne pouvant obtenir lamour de sa dame, et de la vraie prison, oi¡ tous ses</nobr><nobr>loisirs ont été réduits A la promenade quotidienne:</nobr><nobr>De baladerjay beau (visir,</nobr><nobr>Autres deduis me sant cassez;</nobr><nobr>Prisonnier suis, dAmaur martir.(Ballade 400</nobr><nobr>Egalement le but de sa quétc est un</nobr><nobr>désir</nobr><nobr>bien anibivalent, puisquil préci-</nobr><nobr>se dun</nobr><nobr>saufeonduis:</nobr><nobr>Rriefment voye le temps venir,</nobr><nobr>.1 en</nobr><nobr>prie a Dieu de pat-adir.</nobr><nobr>Que chascun puirt</nobr><nobr>verr ron derir</nobr><nobr>Aler sans avoir raufc.onduir. <Ballade 27).</nobr><nobr>II semble ici que ce</nobr><nobr>désir</nobr><nobr>désigne autant le désir amoureux que le désir</nobr><nobr>de retrouver sa liberté en France, ainsi que, peut étre, le désir de mourir6. Le</nobr><nobr>théme du miroir qui projette limage de la dame esí marqué également dun</nobr><nobr>sémantisme donhie, puisque ce que le poéte cherche dans le reflet est [Es-</nobr><nobr>perance soit dobtenir sa dame. soit de retoumer dans sa patrie. Remarquons</nobr><nobr>en outre que ce miroir venisien se loge non au coeur du poéte, siége des sen-</nobr><nobr>timents amoureux, mais dans son cerveau, siége de raisonnements plus am-</nobr><nobr>píes.</nobr><nobr>Jay ou</nobr><nobr>fresar de</nobr><nobr>ma</nobr><nobr>pensee</nobr><nobr>Un mircuer</nobr><nobr>quay acheté.</nobr><nobr>(..)</nobr><nobr>Grant</nobr><nobr>bien</nobr><nobr>mefait a ¡ny mire,</nobr><nobr>En attendantBonne Erpérance (Ballade</nobr><nobr>35).</nobr><nobr>E.</nobr><nobr>Champion cite la phrase suivante. adressée par Charles dOrléans á Isabelle de Bourgogne</nobr><nobr>aprés Sa libération: Madante.</nobr><nobr>Fu</nobr><nobr>té</nobr><nobr>que vous ares/oit pour ma ddivra,we, ir me reods so/te prí-</nobr><nobr>sonnier (1969: 313).</nobr><nobr>La tentation du suicide existe ches le poéte inédiéval. Cf. p.c. Rondeatax 87 et 217.</nobr><nobr>Thélérne.</nobr><nobr>Revista Conipluleose</nobr><nobr>de Estudios</nobr><nobr>Franceses</nobr><nobr>2000. 5: 167-177</nobr><nobr>170</nobr><nobr>Pilar</nobr><nobr>Andrade Boué</nobr><nobr>Q</nobr><nobr>uelques aspects de la Merencoliede Charles d Orleans</nobr><nobr>Du reste, ce thénie du miroir ne représente autre chose quun élément glo-</nobr><nobr>rifié plus tard par tous les romantiques, depuis les pitmiers jusquA Hugo</nobr><nobr>mi</nobr><nobr>Baudelaire. Je fais allusion au souvenir, signe dun manque manque de nature</nobr><nobr>évidemment différente au XVe et au XIXe; dailleurs les mélancoliques étaient</nobr><nobr>censes avoir beaucoup de mémoire. Charles dOrléans garde en effet son miroir</nobr><nobr>dans le</nobr><nobr>c-offi-e de ma souvenance,</nobr><nobr>de sorte que limage féminine appartient á la</nobr><nobr>mémoire des choses perdues, plutOt quau présent des choses désirées. Suivant</nobr><nobr>en outre la tendanee de lépoque A la thésaurisation, le poéte utilise la méta-</nobr><nobr>phore du coffre ou du sac</nobr><nobr>(Povre pitance,! En bissacs pía/ns de Souvenance,</nobr><nobr>Ballade 102) pour désigner le souvenir; il faut bien protéger ces images de bon-</nobr><nobr>heur de lusure du temps. Charles prie ensuite A sa dame de faire la méme</nobr><nobr>chose:</nobr><nobr>Pour Dieu, garde: bien Souvenir</nobr><nobr>Enclos deden.s vostre pensee,</nobr><nobr>Ne le laissiez dehors ysrir,</nobr><nobr>Be/le tesloyaumnent amee. (Ballade 54)</nobr><nobr>Une clóture protectrice définit ainsi la mémoire. Le systéme allégorique ra-</nobr><nobr>joute A cette symbolique spatiale: le cháteau oú le moi du poéte sest enfermé</nobr><nobr>volontairement pour se protéger des assauts de la mélancolie a trois tours,</nobr><nobr>dont la deuxiéme est celle de Souvenance (Ballade 50). Et cette tour veille non</nobr><nobr>seulement sur les moments passés, mais aussi sur lécriture; elle abrite la bi-</nobr><nobr>bliothéque privée du duc:</nobr><nobr>Laise quejay dije nc rauroye,</nobr><nobr>Quand Souvenir et</nobr><nobr>vour me racontés</nobr><nobr>Les tresdoulxfúis, plaisans et plains de/oye</nobr><nobr>De ma Dame,</nobr><nobr>.)</nobr><nobr>Doutx Souvenir, chierement ¡e vous pl-y,</nobr><nobr>Eru-i ve: tost teste halade cy. (Ballade 42)</nobr><nobr>Si dans la quéte amoureuse du</nobr><nobr>Caer damour espris</nobr><nobr>Désir guidait le Cueur,</nobr><nobr>chez Charles dOrléans cest Souvenir qul guide Désir (Chanson 45). II est</nobr><nobr>méme ce qui guide toute la vie du poéte, ce qui lui tient lieu de toutes choses:</nobr><nobr>Voas me sauvez et maintene: la vie,/ Quant II vous píaist da/nsj me conforter</nobr><nobr>(Ballade 38). Mesurons limportance que peut avoir une intronisation pareille</nobr><nobr>de ce qui fait défaut, par rapport á la modernité... Dans certains vers on croit</nobr><nobr>presque entendre les ¿chos dun Baudelaire humant</nobr><nobr>a</nobr><nobr>longs tra/ts le v/n du son-</nobr><nobr>venir</nobr><nobr>pour oublier sa douleur:</nobr><nobr>Poar tous voz maulx damour guerir,</nobr><nobr>Pi-ene: lafleur de Sonvenir</nobr><nobr>(.3</nobr><nobr>Metés au cuer, avant doimir</nobr><nobr>Pour tous voz maulx damour guerir. (Rondeau 1/9)</nobr><nobr>Tité/tino.</nobr><nobr>Revista</nobr><nobr>Coniplutense</nobr><nobr>dc</nobr><nobr>Fsludios Franceses</nobr><nobr>171</nobr><nobr>2000. 15:</nobr><nobr>167-177</nobr><nobr>Piar</nobr><nobr>Andrade</nobr><nobr>finué</nobr><nobr>Quelques aspects de la Merencolie de Charles</nobr><nobr>dOrleans</nobr><nobr>II faut bien reconnaitre, gisant dans certaines phrases du duc dOrléans, ne</nobr><nobr>serait-ce que (mais ji y a plus) le Ion du</nobr><nobr>pathos</nobr><nobr>tragique moderne, cette subli-</nobr><nobr>mation du ¡nalbeur el dune passion amoureuse frustrée dont 11 ne reste que le</nobr><nobr>souvenir</nobr><nobr>luisan! comme un ostensoir:</nobr><nobr>Ma</nobr><nobr>seule amoar,</nobr><nobr>ma</nobr><nobr>joye e! ma mairtresse</nobr><nobr>Puisqu/lmefaul!</nobr><nobr>lo/ng</nobr><nobr>de vous demnier,</nobr><nobr>Je ¡lay plus riens. a me reconforter,</nobr><nobr>Quun</nobr><nobr>sonvenirpoar</nobr><nobr>¡-etenir lyesse.</nobr><nobr>(Chanson</nobr><nobr>38)</nobr><nobr>Par ailleurs, íout favorise au has moyen Age le développement du mot el du</nobr><nobr>concept de souvenir. Froissart aura raison de lui accorder la place</nobr><nobr>do¡-log/er</nobr><nobr>dans le coeur de laniant, auírement dit, de celui qul régle la présence et Fin-</nobr><nobr>tensité des sentimenís amoureux</nobr><nobr>(Toutes les fois qn /1 Ii pía/st, /1 despume</nobr><nobr>(défrrme)/ Le Doug Penserqu/ les broquetes porte,</nobr><nobr>1986:105). Dabord lha-</nobr><nobr>bitude allégorique permet denrichir la morphologie des eoncepts abstraits et</nobr><nobr>détablir des rapports complexes entre eux. Ensuite les circonstances sociales</nobr><nobr>créent un climat favorable: limage dun monde en décadence, oú lon sem-</nobr><nobr>presse de garder et de conserver plus que de créer du nouveau, accorde une pla-</nobr><nobr>ce dimportance A la mémoire. Les homnies de cette époque ont</nobr><nobr>plus de son-</nobr><nobr>ven/rs que</nobr><nobr>s/ls</nobr><nobr>aya/cnt mille ans,</nobr><nobr>et ils croient que leur rOle reviení á la</nobr><nobr>préservation de ce savoir. JIs ont limpression que le monde est vieux, trop usé,</nobr><nobr>et quils le sont également: les chevaliers orn succombé face A lennemi A plu-</nobr><nobr>sxeurs reprises, manquant A leurs engagements, les rois ont comniencé Ajustifier</nobr><nobr>la doublure dire!étre, lEglise a besoin dune rénovation profonde. Charles</nobr><nobr>dOrléans se déclare vieux dés láge de quarante mis et le répéte inlassablement:</nobr><nobr>Deso¡-mais</nobr><nobr>en gauvernemen!</nobr><nobr>Me me!:</nobr><nobr>e! es mains de Vieillesse,</nobr><nobr>Bien ray quy vivrait roubrement,</nobr><nobr>Sans gran!</nobr><nobr>espargne de liesse (Ballade 1/2).</nobr><nobr>Le topos du vieillissement est en fait comniun aux époques de ehangement.</nobr><nobr>Le romantisme du XIXe siécle enfantera aussi tantól des rejetons passionnés</nobr><nobr>dune race foudroyée,</nobr><nobr>pr/ncc/si dAqu/ta/ne</nobr><nobr>a</nobr><nobr>la tour abolie,</nobr><nobr>tantót des esthé-</nobr><nobr>tes anémiques et déeadents comme Des Esseintes. Leur litiérature partage cet-</nobr><nobr>te fléírissure: conime celle du has moyen Age, elle se replie sur elle-méme, se</nobr><nobr>regarde et sexamine, ou mélange les genres déjá existants. Au XIVe et XVe</nobr><nobr>siécles, la plus grande partie de la production littéraire correspond á des réé-</nobr><nobr>critures devieux thémes. Tout est dit, saufpeut étre le métadiscours, croient-ils.</nobr><nobr>II ne reste quune attitude devant un monde qui sécroule, pour les deux épo-</nobr><nobr>ques: cest le dégoút de vivre. Celui qui se manifeste diez les jeunes romanti-</nobr><nobr>ques:</nobr><nobr>Pou¡-quo/ la terre est-ellc auss/ désenchantée ¿ mes yeta? Je nc connais</nobr><nobr>point la saciété, ¡e tronve partout le vide,</nobr><nobr>sexclame Obennann (Lettre prirniére),</nobr><nobr>et le duc dOrléans, blasé de la société et de lul-méme. pense que</nobr><nobr>le monde es!</nobr><nobr>ThéM,oe.</nobr><nobr>Revista Complutense deEstudios Franceses</nobr><nobr>2000,15:167-177</nobr><nobr>172</nobr><nobr>Pilar</nobr><nobr>Andrade Boué</nobr><nobr>Quelques</nobr><nobr>aspeasde la</nobr><nobr>Merencolie</nobr><nobr>de Charles d</nobr><nobr>Orleans</nobr><nobr>cnnuyé dc moy,/ et moy pare/llemcnt de lu/</nobr><nobr>(Rondeau 187). La chair est triste</nobr><nobr>dans ces temps de pénurie qui frólent le désespoir7.</nobr><nobr>Ce sont des ¿poques, enfin, oú lhomnie se replie sur soi, se plonge dans sa</nobr><nobr>conseience. Cette attitude va encourager non seulement la description des mi-</nobr><nobr>nutieuse des états dáme, mais aussi celle des états dáme liées A lennui. Si les</nobr><nobr>amis du poéte médiéval luí déconseillent vivement de top penser, cest parce</nobr><nobr>quil nen engendrera que des monstres, des</nobr><nobr>sanglicrs</nobr><nobr>quil devra chasser dans</nobr><nobr>la forét de Pensée (Rondeau 197). On trouve iei énoncés avant la letíre les effets</nobr><nobr>de la réverie; non pas de la réverie bénéfique de Montaigne ou Rousseau,</nobr><nobr>mais de lautre. la destructrice, celle qui mine la personne et la réduit A un état</nobr><nobr>dinaction et de névrose. Adolphe, René, Obermann, Octave, ainsi que lénon-</nobr><nobr>ciateur des poémes que nous analysons, auront dans leurs réveries solitaires le</nobr><nobr>loisir danalyser toutes les nuances de leur mélancolie, depuis le nonchaloirjus-</nobr><nobr>quau désespoir, en passantpar lennui profond: un beau tableau de symptómes</nobr><nobr>qui a éveillé, bien entendu, la curiosité des psychologues et des psychiatres.</nobr><nobr>Mais cest dans la poésie de Charles dOrléans que la mélancolie va se dé-</nobr><nobr>gager pour la premiére fois de son rapport direcí ayee lamour. Si jusqualors la</nobr><nobr>lyrique avail associé la tristesse aux déboires amoureux, diez le duc se forge le</nobr><nobr>clivage qui la relie A un état psychologique et moral complexe ayant pour</nobr><nobr>cause lemprisonnement, mais peut étre aussi une prédisposition naturelle. Dé-</nobr><nobr>sormais</nobr><nobr>u</nobr><nobr>ne sagira pas dobtenir lamour de la dame pour retrouver lajoie de</nobr><nobr>vivre, mais plutOt de retrouver dabord lajoie de vivre pourensuite étre en état</nobr><nobr>dejouir de lamour:</nobr><nobr>A/oir</nobr><nobr>¡non cueur, pour ¿1/re vroir,</nobr><nobr>Dejaerau ven! soupiroit,</nobr><nobr>Et, cambien</nobr><nobr>quil portar! le noir,</nobr><nobr>Tautestáiz pour lars</nobr><nobr>auhliait</nobr><nobr>Toute</nobr><nobr>la douleur quil avo/t,</nobr><nobr>Pensant de recauvrer brief¡nent</nobr><nobr>Plaisance,</nobr><nobr>Confort e! Liesse.</nobr><nobr>Et</nobr><nobr>davair en gouvernement</nobr><nobr>Tresor damau¡-euse richesse. (Ballade 37)</nobr><nobr>La détresse du poéte ne dépend donc pas exclusivement de lamour frustré;</nobr><nobr>elle sest installée dans le coeur de lamant avant méme que 1amour Ven-</nobr><nobr>flamme:</nobr><nobr>Ardant</nobr><nobr>der/r de vecir ma maistrerse</nobr><nobr>A assailly de nauvel le lagis</nobr><nobr>De ¡non las cueur, qu/ languist en tristesse,</nobr><nobr>bit</nobr><nobr>puis dedens par tout a lefeu mis. (Ballade 26)</nobr><nobr>A. Planche a mis en rapportlennul et le nonchaloir de Charles dOrléans avec le spleen et</nobr><nobr>1impuissance</nobr><nobr>de MaIlarmé, 1975:</nobr><nobr>791</nobr><nobr>e! ss.</nobr><nobr>173</nobr><nobr>7hétéme</nobr><nobr>Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>2000,15: 167-t77</nobr><nobr>PilarAndrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspects de/a Merencolie de Charles 4 Orleans</nobr><nobr>Tout ceei implique en outre une conséquence importante pour la topique</nobr><nobr>amoureuse que le</nobr><nobr>Roman de la Rase</nobr><nobr>avait passé par la grille de lallégorie. En</nobr><nobr>effet, les acteurs de la dynamique courtoise vont graviter non plus dans len-</nobr><nobr>tourage dAmour, mais dans celui du Coerar en désarroi, ce qui suppose des re-</nobr><nobr>virements de rOle significatifs. Pour commencer, on constate la création dun</nobr><nobr>nouveau groupe de personnifications apparentées A Tristesse: Mélancolie bien</nobr><nobr>sur, mais aussi Soussy, Deulí, Destresse, Soing, Desconfort, Ennui et Oes-</nobr><nobr>plaisance. Dans loeuvre de Lorris-Meung ces personnifications nexistent pas</nobr><nobr>(sauf Tr-istesse, qul est une des peintures du mur extérjeur du Verger), bien que</nobr><nobr>leur spectre sémantique soit présent dans la description des maux causés par la-</nobr><nobr>mour (vv. 2255-2283); on nous parle des signes extérieurs de la maladie amou-</nobr><nobr>reuse, qui coYncident en partie avec les symptOmes manifestés par Charles</nobr><nobr>dOrtéans (soupirs, pleurs, plaintes, frissons, fiévres, insomnie. hébétude), ain-</nobr><nobr>si que de la solitude de lamant, mais celui-ci est censé se montrer gai (vv.</nobr><nobr>2163-2168). Le dieu dAmour reconnait, il est vrai, que joie et tourment se par-</nobr><nobr>tagent le coeur des amants, mais il naccepterait nullement une dissolution du</nobr><nobr>moi dans le malbeur comme celle que nous trouvons chez le duc. abimé</nobr><nobr>Ou</nobr><nobr>purgataire de Tristesse</nobr><nobr>(Ballade 24).</nobr><nobr>La douleur entonre en effet le poéte dOrléans qui se protége en senfer-</nobr><nobr>mant dans son moi et se fortifie contre ses ennemís:</nobr><nobr>lenforcis man</nobr><nobr>¿hastel tous¡¿)t/i-s</nobr><nobr>(.)</nobr><nobr>Can</nobr><nobr>ti-e</nobr><nobr>Dangier el Sa puissan(e</nobr><nobr>Je</nobr><nobr>le tc-nd,-ay jusqaa la mort. (Ballade 50)</nobr><nobr>A cette clóture animique volontaire sajoute néanmoins une autre, nouvelle</nobr><nobr>aussi par rapport A lallégorie traditionnelle, et imposée par ses ennemis, mv</nobr><nobr>tamment par Danger: [a</nobr><nobr>pi-/san de Despla/sance</nobr><nobr>ou la prison de Pensee</nobr><nobr>.</nobr><nobr>En</nobr><nobr>sorte que le personnage de Danger inverse son rOle: il ne garde plus la dame ni</nobr><nobr>Bel Accueil (que dailleurs Charles dOrléans nc nommejamais), mais le poé-</nobr><nobr>te lu-méme! Ainsi le Danger nc désignerait pas seulement le man jaloux ou les</nobr><nobr>Anglais qui empéchent lamaní dapprocher la dame, mais le vrai danger de</nobr><nobr>mélancoliser qui hante le pote9.</nobr><nobr>Dautre part, si dans lallégorie fondatrice Danger veut empécher A tout prix</nobr><nobr>Amour dagir, dune part, et compte sur Raison pour laider, de lautre, chez le</nobr><nobr>due dOrléans sa úche est plutOt autant de conserven lamant dans Ihébétude</nobr><nobr>du spleen que de lutter contre Raison. Le nenversement dc la situation est dO A</nobr><nobr>la considénation traditionnelle de la mélancolie cornme une attaque de folie</nobr><nobr>Cf. pe.:</nobr><nobr>Soussy, Dad! el leur aliance,! Sai-monta et tost dee.onjire,¡ Qul desirent dc la de-</nobr><nobr>triare! En la p¡ison de Desplakance (Hallade 27); iciulier desrisonsde Pcnsee,/ Soussy. laisse:</nobr><nobr>mon c.-ueuryssu-,/ Pasmé lay</nobr><nobr>veu ess-anouir/ En lafosse</nobr><nobr>desconfin-tee (Rondeau 383).</nobr><nobr>S. Sasaki, signale aussi trois autres acceptions: refus, pudeur et souftrance (1974: 219-</nobr><nobr>223).</nobr><nobr>7/té//ms-. Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>2000, 5: 167-177</nobr><nobr>174</nobr><nobr>Pilar</nobr><nobr>Andrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspeas de la</nobr><nobr>Merencolie</nobr><nobr>de Charles d Orleans</nobr><nobr>sopposant au bou sens, de fagon que si lon veut sen sortir (et, par contrecoup,</nobr><nobr>gagnen lamour de la dame) on devrait invoquer lavenue de Raison. 11 est néan-</nobr><nobr>moins curieux que dans les deux cas de figure la guérison de lamant se serait</nobr><nobr>produite par lentremise de Raison; seulement pour Meung recouvrer la santé</nobr><nobr>équivaut A renoncer A laniour, tandis que pour Charles dOrléans, cest re-</nobr><nobr>trouver et la santé et lamour.</nobr><nobr>Dangierdeffy elsa rudesre,</nobr><nobr>Car le Dieu dAmours maydera.</nobr><nobr>Raisan es! círera des miens,</nobr><nobr>Car ainr/ men afa/tpromesse. (Ballade 29)</nobr><nobr>La portée de la réflexion du duc dOrléans et sa richesse universelle con-</nobr><nobr>traste avec la superficialité cynique dun Jean de Meung pourqui réussir équi-</nobr><nobr>vaut A enfoncer une porte. Au contraire, le succés, pourle duc, revient A ouvnr</nobr><nobr>laporte de lesprit, étre capable dentrer en rapport ayee le monde sans que le</nobr><nobr>tragique de la condition humaine vienne troubler, A chaque fois, le regard clair</nobr><nobr>ettransparent projeté sur lunivers. Et si Charles dOrléans narnive pas A faire</nobr><nobr>entrer de la lumiére dans la forteresse du moi, ce nest peut-étre pas de sa</nobr><nobr>faute mais une visite dans cette forteresse montrerait des recoins éeiairés par</nobr><nobr>les lueurs de Nonchaloir.</nobr><nobr>Ainsi, pour la littérature occidentale, notre poéte préfigure la poétique de la</nobr><nobr>privacité autant que le régime de la solitude qui accable lhomme moderne. Le</nobr><nobr>mal du siécle est, oú quil se manifeste,</nobr><nobr>pr/vé mart/re</nobr><nobr>(Rondeau 46) quil faut</nobr><nobr>enfermer au plus profond du moi. Lhomme reste</nobr><nobr>seul sur la terre, étranger</nobr><nobr>paur tau! le monde,</nobr><nobr>et il doit saventurer seul dans la connaissance de la dou-</nobr><nobr>leur:</nobr><nobr>Environ verr la matinee,</nobr><nobr>Dedans ¡nonjardin de Pensee,</nobr><nobr>Aveeques man cucur,</nobr><nobr>seul entray. (Rondeau 257)</nobr><nobr>Renfermé, misanthrope, le héros spleenétique se sait impénétrable au regard</nobr><nobr>des autres,</nobr><nobr>plus tos! accointé que cagnen</nobr><nobr>(Rondeau 245); soit II garde obstiné-</nobr><nobr>ment le silence, solÉ ji déverse son malaise daus une effusion devanÉ un rare té-</nobr><nobr>moin (et il doit se réjouir sil nen est pas vertement tancé), soit, et cest le plus</nobr><nobr>fnéquent, il confie tout A lécriture et nous légue confessions, letfres et poémes:</nobr><nobr>Jay mis en escr/pt mes sauhais/ Ou plus pa¡fant dc mon penser</nobr><nobr>(Ballade 49).</nobr><nobr>Ces</nobr><nobr>chartreu.x de Merencalie</nobr><nobr>(Rondeau 112; faut-il rappeler Fabrice del</nobr><nobr>Dongo?) ne se reconnaissent plus dans leur entounage habituel; jis se sentent</nobr><nobr>différents des autres, composant une race A part:</nobr><nobr>le</nobr><nobr>ne suis par de se: geuis la</nobr><nobr>A qu/ Fortune plairt el nt. (Rondeau 47)</nobr><nobr>Tité//mc. Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>175</nobr><nobr>2000.15:167-177</nobr><nobr>Pilar Andiade Baué</nobr><nobr>Quelques aspects de la Merencolie de Charles dOrleans</nobr><nobr>LIs ont un sentiment aígu de la perte de paternité, physique et/ou idéologi-</nobr><nobr>que. On saR ce que représenta lassassinat de Louis dOrléans, pére de Charles,</nobr><nobr>pour son amé qui désormais shabilla longtemps en noir. Mais au tournant du</nobr><nobr>XVe siécle dautres événements aggravent langoisse de ces orphelins: les</nobr><nobr>conflits internes de lEglise (la référence au Dieu pére plutót quau Dieu créa-</nobr><nobr>teur ou ordonnateur apparait en effet trés souvent le long du XJVe siécle</nobr><nobr>[0)</nobr><nobr>la</nobr><nobr>captivité de Jean II ou la folie prématurée de Charles VI. De méme, au début do</nobr><nobr>XJXe siécle les enfants manquent de péres, soit parce que ceux-cí ont perdu la</nobr><nobr>vie dans la Révolution et lEmpire, soit parce quils nont plus de repéres spi-</nobr><nobr>ritucis, soit parce que, tels certains héros balzaciens, doivent se trouver des pro-</nobr><nobr>géniteurs sociaux dans un monde hostile aux jeunes de familles modestes.</nobr><nobr>Ce sont des marginaux, des intellectuels, des artistes bannis do cháteau de</nobr><nobr>Plaisance. Utilisant lencre comme thérapeutique, ils se sont découvert une</nobr><nobr>énorme complexité psychologique et. dans les oubliettes de leur demeure. un</nobr><nobr>refus absolu de la douleur. En fait pour eux cest peut-étre cela qui compte par-</nobr><nobr>dessus tout:</nobr><nobr>La grande qucst/an dans la y/e, u</nobr><nobr>es!</nobr><nobr>la dauleur quan cause</nobr><nobr>y incluse celle quon sinflige A sol-meme.</nobr><nobr>Une différence nette sépare pourtant Charles dOrléans des Romantiques</nobr><nobr>quant A la considération de la souffrance; lhistoire navance pas en vain, et le</nobr><nobr>sentiment tragique des Romantiques est beaucoup plus retors que celui de leur</nobr><nobr>prédéeesseur médiéval. Eux. ils cultivent lart subtil de fuir et de se jetterdans</nobr><nobr>les bras de la douleur simultanément. Cest une maitrise difficile héritée de</nobr><nobr>Marsile Ficin, le premier á faire de laffliction spleenétique une énergie créa-</nobr><nobr>trice</nobr><nobr>2:</nobr><nobr>ainsi pour les</nobr><nobr>cn/hnts du síecle</nobr><nobr>la souffrancc permet heureusement de</nobr><nobr>produire des oeuvres géniales, car il ny a pas de véritable artiste sans détresse.</nobr><nobr>Au contraire, jamais un auteur du inoyen Age naurait souscrit de telles affir-</nobr><nobr>mations. Dans cette époque lajoic lemporte encore sur la tristesse: celle-ci te-</nobr><nobr>ri-asse la volonté et anihile la fecondité artistique. Pour le doc dOrléans, cesÉ á</nobr><nobr>regia si 1écriíure Lui tient Iieu de tornes choses, de ménie que cest A regret sil</nobr><nobr>subit lempire de la solitude (que les romantiques, eux, mtronisent).</nobr><nobr>Pourtant bus ces hornmes déchus ont compris quun monde seffritait de-</nobr><nobr>vant eux etque, désonnais, au</nobr><nobr>coin</nobr><nobr>de la cheminée, on parlerai des seigneurs et</nobr><nobr>des dames du temps jadis. Un jadis quincamerait, pourle XIXe siécle, le projet</nobr><nobr>philosophique, politique et social de lIllustration, et pour la fin do XJVe siécle,</nobr><nobr>une plénitude el une harmonie de lhornme dans le inunde. Et je vondrais son-</nobr><nobr>ligner que, dans laffleurement de la conscience tragique qui se produit avec la</nobr><nobr>Cf. J. Cerquiligny,</nobr><nobr>La c.ouleur</nobr><nobr>de la níélancoíie. Lafréquentation des heces un XIVe siécle</nobr><nobr>(Paris:Hatier, 1993), chap. Le</nobr><nobr>pro</nobr><nobr>blénw de</nobr><nobr>la paternité.</nobr><nobr>Adolpite, Réponse de léditeur fictif.</nobr><nobr>12</nobr><nobr>Solon litalien, le «sir litteratus» enélancolique subirait uno influonce astrale négative mais</nobr><nobr>qul laissorait aftleurer. par contrecoup, jallo ffit génie. Dés lors lécrivain sorait</nobr><nobr>5000018</nobr><nobr>aux pou-</nobr><nobr>votrs contradictoires de Saturno: négatifs, parco quils entrainoraiont les effel.s nuisibles de la tris-</nobr><nobr>tesse, apaihieet sos corolaires; positifs, parco qulis ponnertraienl de créerdes chofs doouvre do</nobr><nobr>iesprit.</nobr><nobr>7/té//oir. Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>2000.15: 167-1+1</nobr><nobr>176</nobr><nobr>PilarAndrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspects de la Merencolie de Charles dOrleans</nobr><nobr>rupture de 1 équilibre révé ou assimilé, 1</nobr><nobr>individu</nobr><nobr>se sen! surtout</nobr><nobr>projeté</nobr><nobr>dans</nobr><nobr>lespace de lisolement: cest-á-dire, mis á part on sevré brusquement de la</nobr><nobr>Nature. La modernité a largement expliqué ce rejet, mais elle a souvent négligé</nobr><nobr>les échos qui nous renvotent A cette autre primére crise, aussi profonde et aussi</nobr><nobr>modeme que la sienne A beaucoup dégards. Car si le changement dans la vision</nobr><nobr>globale de la nature par rapport au moyen Age ne se produit quaprés la Renais-</nobr><nobr>sance, il est bien vrai que le premier croc-en-jambe fait A cette vision appartient</nobr><nobr>aussi A lépoque des chevaliers</nobr><nobr>3</nobr><nobr>En effet, la chute de lorganigramme seolas-</nobr><nobr>tique á la fin du XIIIe siécle, qui déclenche la méfiance envers la pensée spé-</nobr><nobr>culative, avait impliquée déjá un premier effondrement de cette précieuse rosa-</nobr><nobr>ce de lunivers ordonné selon les plans du Crénteur. Ainsi, sans oublier</nobr><nobr>aucunemení le rOle primordial des aspecÉs éeonomiques, politíques et sociaux</nobr><nobr>dans la crise du has moyen Age, je voudrais insister sur le fait que lhomme com-</nobr><nobr>mence déjá á se sentir un peu éloigné de la Nature dés le XIVe siécle, dés le mo-</nobr><nobr>ment oú le déchiffrage de celle-ci devient plus précaire. Cette précarité serait par</nobr><nobr>conséquent une des échardes qui brúlent le cerveau des mélancoliques. Et si lon</nobr><nobr>¡Ven trouve peut-étre pas des mentions explicites dans les oeuvres littéraires, on</nobr><nobr>peut néanmoins la voir impregner la mentalité des XIVe et XVe siécles, car cest</nobr><nobr>elle qui, décourageant les envols de la raison métaphysicienne, encourage toute</nobr><nobr>la théologie pastorale, anime lélan mystique, et enfin oriente le regard xers les</nobr><nobr>intériorités de</nobr><nobr>¡Ame.</nobr><nobr>De fa9on que loeuvre de Charles dOrléans nous appa-</nobr><nobr>raibrajÉcamine un ¿chantillon de la conscience tragique</nobr><nobr>naissante att has moyen</nobr><nobr>Age, conscience qui se surprend A habiter lespace dune privacité isolée, bm,</nobr><nobr>déjá, de la Nature qui avait été créée pour lui. Celle-ci, dans la fécondité de son</nobr><nobr>printemps souriant, a comniencé A oublier que le jardin de Pensee de Ihonime</nobr><nobr>est maintenant tout</nobr><nobr>Dest,-u/t dennuyeuse gelee</nobr><nobr>(Rondeau 257).</nobr><nobr>REFERENCIAS BIBLIOGRÁFICAS</nobr><nobr>CHAMPION,</nobr><nobr>P. (1969). Vie de Charles dOrléans.</nobr><nobr>Paris. Champion.</nobr><nobr>IJORLFANs,</nobr><nobr>Charles. (1982 et 1983).</nobr><nobr>Poésies.</nobr><nobr>Paris: Chatnpion, 2 vol. Ed. de P. Cham-</nobr><nobr>pion.</nobr><nobr>FRoIssáRT, Jean. (1986). Le Paradis dAníour. LOrloge amaureus. Paris: Droz.</nobr><nobr>PLANCHE,</nobr><nobr>A. (1975). Charles dOrléans ou la recherche dun langage. Paris: Cham-</nobr><nobr>pion.</nobr><nobr>POIRtON,</nobr><nobr>D. (1965).</nobr><nobr>Lepoéte et leptince. Lévolution du Irisnie caurtais de Gujílaume</nobr><nobr>de Machaut ¿ Charles dOrléans.</nobr><nobr>Paris: PUF.</nobr><nobr>SAsAKI,</nobr><nobr>S.</nobr><nobr>(1974). Sur íe titéme de Nonchalair</nobr><nobr>Jons</nobr><nobr>lapaésie</nobr><nobr>de Charles dOrléans. Pa-</nobr><nobr>ns: Nizel.</nobr><nobr>Cf. D. Poirion, 1965: 607: La ctaún-e ca pu,</nobr><nobr>en</nobr><nobr>cifel. n¡anifrster la préseec-c divine. Et taus</nobr><nobr>it</nobr><nobr>en sornmcs íã suipris puisque le nionde et la vie orn perdu, au ¡-egaid d une ¿<uriosité huntai-</nobr><nobr>nc coulour.s plus positive e! hm-dic. Icor carae.-íé-e naétaphysique u sacré. Eortu¡tc ct Nature</nobr><nobr>/c-est-á-di¡-e, lafatalité] sant chargées dadnainistrer les citases dont Dieu scsi ,eti,é.</nobr><nobr>7KW/etc. Revista Cotnplutcrtsc cte Estudios Franceses</nobr><nobr>177</nobr><nobr>2000,15:167-177</nobr>
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Meliador de Jean Froissart, son importance littéraire : le vrai dans la fiction
P. F. DEMBOWSKIPour les écrivains français du Moyen Âge, le problème du vrai et du fictif semble, en apparence, plus simple que de nos jours. On condamne le feint, pour employer le terme de l'époque, et on prétend que tout ce que l'on écrit est vrai. On insiste sur la sincérité, sur la vérité psychologique du chant courtois. On présuppose l'historicité des chansons de geste et des récits hagiographiques sans pourtant se pencher sur ce que nous appelons la vérité historique. C'est dans les romans que la situation est la plus nuancée. Ceux-ci sont attaqués. Par exemple, Thomas de Cobham, auteur d'un manuel pour confesseurs, condamne purement et simplement les romans. Les romanciers ont toujours usé de toutes sortes de stratagèmes pour justifier la prétendue véracité de la matière présentée, ou du moins pour disculper l'auteur. Ils insistent sur le fait que leur matière est vraie, qu'elle n'est qu'un simple remaniement, une continuation, que cette matière provient des contes bretons, qu'elle leur a été fournie par un mécène, qu'elle a été trouvée dans un vieux livre, etc., et par là, témoignent du fait que la dichotomie séculaire de la Dichtung und bWahrheit préoccupait non seulement les moralistes du temps mais les romanciers eux-mêmes.
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La carrière littéraire de Froissart est représentative pour le nouveau statut de l'écrivain à la fin du Moyen Âge. Successivement au service de Philippa de Hainaut, épouse du roi Édouard III d'Angleterre, du duc Wenceslas de Brabant ou du comte de Blois, il accumule des bénéfices qui assureront son indépendance. Sa création variée comprend, outre deux recueils de poèmes lyriques à forme fixe, des dits d'inspiration courtoise (Le Paradis d'Amour - 1361-1362, Le Dit de la Marguerite - 1364, L'Horloge amoureuse - 1368), des poèmes plus amples où l'allégorie se teinte d'une coloration autobiographique (L'Espinette amoureuse - 1369, La Prison amoureuse - 1371-1372, Le Joli Buisson de Jeunesse -1373), un roman arthurien en vers (Meliador - 1365-1380). Pourtant, c'est à ses monumentales Chroniques (quatre livres composés entre 1370 et 1400) qu'il doit sa gloire. Couvrant trois quarts du XIVe siècle (de 1325 à 1400), relevant d'un esprit chevalersque et courtois dont Froissart subit la fascination, les Chroniques ne restent pas moins, par le souci de l'information, par l'effort constant de dégager le sens des événements, une des sources capitales pour l'histoire de la Guerre de Cent Ans ainsi que pour celle de l'Europe Occidentale au XIVe siècle.
A suivre sur le site de l'Université de Bucarest
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Dix mots por novelement festier la parlure françoyse »
Enquête réalisée par l'équipe du moyen français
On peut sinterroger sur la place du moyen français (XIVe et XVe siècles) et du français préclassique (XVIe siècle et première moitié du XVIIe siècle) dans la semaine de la langue française et de la francophonie ; en effet, les textes de cette période dont nous disposons présentent dans lensemble un caractère plutôt "sérieux". Il nous a néanmoins été possible de cueillir quelques exemples chargés de poésie et dhumour.
AMERTUME
a.1349
Il ist d'iver, s'entre en esté,
De povreté entre en richesse
Et de flesve hostel en fortresse,
De tenebres vient a clarté,
Et de paour en seürté,
D'amertume en douce liqueur,
De fragilité en vigueur
(GUILLAUME DE MACHAUT, Le Dit de l'Alerion. In : Oeuvres H., t. 2, 1911, p. 298).BOULINE
1155
Uitagues laschent, trés avalent
Boëlines sachent e halent
(WACE, Le Roman de Brut, éd. I. Arnold, Paris, 1940, tome II, v. 11227-11228)1514
Toutesfoys ilz [les notonniers] les tournerent [les nefz] à la boulingue pour recueillir le vent, qui moult leur estoit eschars. Le vent estoit lors au suest, qui nest pas propre pour sortir de la Tamise.
(ALAIN BOUCHART, Grandes croniques de Bretagne, éd. dirigée par B. Guenée, Paris, 1986, tome I, p. 117-118)c. 1529
Ce vendredy neuviesme jour d'avril, sur le midy, norouest commenca à souffler, et courusmes à la bolline au surouest jusques au samedy my relevee.
(PIERRE CRIGNON, La Navigation de Jean et Raoul Parmentier, éd. J. Nothnagle, Birmingham, 1990, p. 14)c. 1529
Le dimanche XIXme, fismes voile au suest et aussi assez bon vent à boline
(PIERRE CRIGNON, La Navigation de Jean et Raoul Parmentier, éd. J. Nothnagle, Birmingham, 1990, p. 34)1542
[Gargantua] nageoit en parfonde eau, à l'endroict, à l'envers, de cousté, de tout le corps, des seulz pieds, une main en l'air, en laquelle tenant un livre transpassoit toute la riviere de Seine sans icelluy mouiller, et tyrant par les dens son manteau, comme faisoit Jules Cesar. Puis d'une main entroit par grande force en basteau (...) Puis icelluy basteau tournoit, gouvernoit, menoit hastivement, lentement, à fil d'eau, contre cours, le retenoit en pleine escluse, d'une main le guidoit, de l'aultre s'escrimoit avec un grand aviron, tendoit le vele, montoit au matz par les traictz, courroit sus les brancquars, adjoustoit la boussole, contreventoit les bulines, bendoit le gouvernail.
(François RABELAIS, Gargantua, éd. A. Lefranc, Paris, Champion, 1913, p. 229)1576
[...] qui sera en quelque lieu, et voudra naviguer vers le Nort, il faut laisser tout pensement, et croire quil naviguera avec le vent du Sud, et non dautre. Il sentend pour aller voye droicte, qui sappelle route batue : combien quil pourroit naviguer à la boline pour trouver un autre Rumb, et costoyer tant quil parvienne au lieu quil demande
(PIERRE DE MEDINE, LArt de naviguer, traduit de l'espagnol par Nicolas de Nicolai, Lyon, 1576, p. 59-60)1687
On na pu prendre hauteur : nous avons peu de vent, et nous allons présentement à la bouline ; mais cest une bouline fort douce, parce que la mer nest pas haute.
(FRANÇOIS-TOMILÉON DE CHOISY, Journal du voyage de Siam fait en 1685 et 1686, Paris, 1687, p. 14)1687
29 juillet. alerte, alerte, le vent est sur les voiles ; largue lécoute, hale la bouline. Nous estions sur le pont. Tout le monde s' est jetté aux manoeuvres et à travailler.
(FRANÇOIS-TOMILÉON DE CHOISY, Journal du voyage de Siam fait en 1685 et 1686, Paris, 1687, p. 188)1713
Certains oiseaux [...] ont lart de tourner ce plumage du côté du vent, et daller, comme les vaisseaux, à la bouline, quand le vent ne leur est pas favorable.
(FÉNELON, Traité de lexistence et des attributs de Dieu, ds Oeuvres, tome I, Versailles, 1820, p. 29)1869
Ce fut dabord une brise de bouline qui se déclara ; il nen parut pas contrarié, bien quelle séloignât de cinq pointes du vent de la route.
(VICTOR HUGO, LHomme qui rit, Paris, 1985, p. 404-405)BROUSSE
1411
et en parlant pluseurs paroles l'un à l'autre, alerent jusques auprès d'une petite brousse d'espines, et illec le dit Jehannot la getta par terre et la congneut charnelment contre son gré.
(Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France, publ. par Paul Guérin, t. 7, p. 208).DÉAMBULER
c.1494-1498
...et resida sur le hault mont de Caucase, où il trouva la maniere de fere et tirer feu de perre et faisoit par aucun art deambuller aucuns ymages qu'il composoit
(SIMON DE PHARES, Recueil des plus celebres astrologues, f° 21 r°).ESPÉRANCE
c.1340
Et par ce point
En mon desir desperance n'a point,
Mais en li gist desespoir si apoint
Que je seray matez en l'angle point
Dou souvenir
Que vous dites, qui fait en moy venir
La pensée qui me fait resjoïr.
(GUILLAUME DE MACHAUT, Le Jugement dou Roy de Behaingne. In : Oeuvres H., t. 1, 1908, p. 95).1350
Agriano fist assembler tous les barons de sa terre et les mist a raison et dist: "Seigneur, mes peres est mort, dont il me poise, et bien sçay que ce fu pour ce qu'il fu trop subget a femme, et bien voy que tuit cil qui ont mis en femmes leur esperance sont mort et honny."
(Bérinus, roman en prose du XIVe siècle, t.1, p. 115)1350
A ce point fu Galopin en grant destrece du cuer, ne il n' avoit point d'esperance d'eschaper,
car le bourrel lui lassa la corde entour le col, et le moquoient et lui faisoient moult de laidures
(Bérinus, roman en prose du XIVe siècle, t.1, p. 343)1361
Dame, di je, Amours me commande
Que vostre grasce je demande,
Car j'ai ja un lonch temps langhi
Sans avoir grasce ne merchi,
Joie, esperance ne confort.
(FROISSART, Jean, Le Paradis dAmour, p.76)1370
Et faire a son ami proffit senz esperance de retribucion, c'est bien honeste.
(ORESME Nicole, Le Livre de ethiques dAristote, p. 447)1451
Je qui suis gris signiffie esperance,
Coulleur moyenne de blanc et noir meslée
(JEAN ROBERTET, uvres, p. 139)FARFADET
1583
Le farfadet, tout espouventé, s'enfuit plus viste que le pas d'où il estoit venu, et dit à ses compagnons ce qu'il avoit veu et oui, qui arresterent de ne plus recevoir, de là en après, soldat en Enfer: de maniere que, le mesme jour y estant descendu quelques uns tout droit, la porte leur fut fermée, et lettres authentiques données, que doresnavant ne seroient receuz au Royaume de Pluton
(Bénigne POISSENOT, L'Esté, p. 202)1610
aucun n' entrera icy, si le diable ne le jette par la cheminée comme le farfadet de Poissy.
(BÉROALDE DE VERVILLE , Le Moyen de parvenir, p. 93)LUMIÈRE
1370
nous devons savoir premierement que la lumiere de la lune vient du soleil et appert legierement parce que la partie de elle qui regarde le soleil luist et l' autre non
(NICOLE ORESME, Le Livre du ciel et du monde, p. 456)1465
Puis tantost Florippes fit allumer une torche de cire et fit ouvrir la prison et mist devant elle
la lumiere pour veoir les prisonniers
(JEHAN BAGNYON, LHistoire de Charlemagne, p. 75)OMBELLIFÈRE*
(*Premières attestations en 1698 : umbellifère et en 1701 : ombellifère Dictionnaire de Furetière)
[Au Moyen Age, on décrit les plantes selon un système de classification des substances médicinales, élaboré par Galien et exprimé en degré. Le degré désigne chacun des quatre niveaux d'intensité de chacune des deux qualités parmi les quatre existantes (chaud, froid, sec, moite) qui caractérisent une substance.]
Ache, cerfeuil, fenouil, persil sont des ombellifères :
1385
Du fenoil veult et du serfueil,
Du cresson veult et des prunelles,
Des civos, boutons et cenelles,
Des eufs en paste et des eufs fris
(EUSTACHE DESCHAMPS, Le Miroir de Mariage, p. 126, chap. 39 :
Comment le povre dolereus envelopé de paroles promet à sa femme quil lui laissera faire à son gré et lui crie mercy.)1394
Une arboulaste ou deux de oeufz. Prenez du coq .II. feuilles seulement, et de rue moins la moictié ou neant - car sachiez qu' il est fort et amer - de l' ache, tenoise, mente et sauge,
de chascun au regard de quatre feuilles ou moins - car chascun est fort - marjolaine ung petit plus, fenoul plus, et percil encores plus.
(Le Menagier de Paris, p. 243)c. 1501
Apium : cest ache.( ) Le plus fort est celluy qui est rommain des montaignes. Il est chault au premier degré et sec au second.
(JEAN DE CUBA, Jardin de Santé, f° XXI, v°, col. b)TACTILE
1541
Pour avoir certaine congnoissance des qualitez tactiles, cest a dire que on peult toucher.
(J. CANAPPE, Tables anatomiques, f° 102)c.1400
- Vertu tactive
Maiz ce n'est pas pour la noise du bacin, car elles [les abeilles] ne oyent point, selon les philosophes, maiz c'est pour ce qu'elles sentent adonc par leur vertu tactive l'air fremir et trambler, dont elles se merveillent et ont grant paour, et pour ce elles se assemblent. (EVRART DE CONTY, Harmonie des sphères, H.P.-H., 65).TATAOUINER*
Ce mot, qui signifie "hésiter, tergiverser" dans le parler québécois, na rien à voir, malgré les apparences, avec la ville de Tataouine dans le sud de la Tunisie ; cest un descendant du verbe taster, en français moderne tâter, dont quelques uns des sens évoquent lhésitation : on dit par exemple quon se tâte avant de prendre une décision importante, et à la fin du XVIIe siècle, on disait dun cheval marchant avec hésitation : « il taste le pavé ».
Tataouiner est le cousin québécois du verbe tâtillonner, "soccuper de minuties", connu notamment dans quelques provinces de lOuest de la France au sens d "hésiter". Voici quelques exemples modernes de ce verbe :1842
Voulez-vous que j'aille rondement en affaire, là, sans tâtillonner, sans lanterner ?
(Louis REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale, p. 256)1866
Chasse aux photographies. Tatillonné, tergiversé, baguenaudé près de deux heures
aujourd' hui. Cet état d'incertitude m'excède, si le définitif me fait peur. Lequel
des deux maux est le moindre ?
(Henri-Frédéric AMIEL, Journal intime de l'année 1866, p. 190)1985
Mais nous avons passé la commande et j'ai pris soin de choisir des plats prestigieux
et de ne pas tatillonner devant le sommelier
(Hector BIANCIOTTI, Sans la miséricorde du Christ, p. 249)Le verbe tataouiner nexiste pas à lépoque qui nous intéresse ; à défaut, nous avons choisi des mots ou des expressions synonymes
Barguigner
c.1456-1467
Or est tout prest, et noz sire appellé, et au plus doulcement qu'il peut entre dedans le lit, et sans gueres barguigner il monte dessus le tas pour veoir plus loing.
(Cent nouvelles nouvelles, p. 456).Varier
1496
SAINCT MARTIN. Or ne me faictes plus crier. FRANCEQUIN. Ha, monsieur ! SAINCT MARTIN. Sans plus varïer, Faictes ce que je vous commande
(LA VIGNE, Mystère de Saint Martin, p. 203).Aller de deux en trois "Hésiter, tergiverser"
c.1456-1467
Si ne luy cela gueres ce qu'il avoit sur le cueur, et, sans aller de deux en trois, luy demanda l'aumosne amoureuse.
(Cent nouvelles nouvelles, p. 120).Sans battre l'oeil ni encliner les oreilles "Sans difficulté, sans tergiverser "
c.1386-1389
...ta personne royalle (...) a tous conseilliers de non donner la matiere, non pas obscure mais bien clere, de faire un beau latin, c'est assavoir sans batre l'oeil ne encliner les oreilles de dire pure verite hardiement aussi et sans aucun regart, a la lectre, sans souspecon ne aucune palliacion.
(Philippe de MÉZIÈRES, Le Songe du vieil pèlerin, t.2, p. 344).Retour à la page Semaine de la langue française et de la francophonie 2004
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