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La merencolie
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Lorsque G o o g l e explore le Web, il crée automatiquement une version HTML des documents récupérés.Page 1 <nobr>ISSN: 1139-9368</nobr><nobr>Ihcleníc Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>2000</nobr><nobr>15</nobr><nobr>67 177</nobr><nobr>Quelques aspects de la</nobr><nobr>Merencolie</nobr><nobr>de Charles dOrleans</nobr><nobr>PILAR ANDRADE BouÉ</nobr><nobr>UCM</nobr><nobr>Depuis plusieurs années, les historiens et critiques de la littérature orn</nobr><nobr>commencé it lever les voiles dune époque un peu fantomatique ou méconnue</nobr><nobr>de notre histoire, la fin du moyen áge. Les XIVe et XVe siécles se sont dégagés</nobr><nobr>ainsi peu it peu de la malédiction que leur auraient imprimés les sceaux de la</nobr><nobr>peste noire</nobr><nobr>et de</nobr><nobr>tipo que de transition,</nobr><nobr>et un nouveau continent littéraire est</nobr><nobr>apparu, riche de la fecondité de trois siécles de culture, mais aussi raviné par les</nobr><nobr>signes avant-coureurs dune vision du monde et dune sensibilité en crise. Car</nobr><nobr>ces síecles éprouvent, en effet, la premiére grande crise de la conscience mo-</nobr><nobr>deme, qui est la crise de la conscience médiévale. On sait que les valeurs, les</nobr><nobr>idées et les réalités sur lesquelles une civilisation reposait jusque lors changent</nobr><nobr>et basculent, for9ant it un moulage nouveau de la perception du monde et de 1-</nobr><nobr>homme; ceci produit un sentiment dabandon et méme dangoisse, ainsi que,</nobr><nobr>parallélement, un certain optimisme quant aux possibilités de renouvellement,</nobr><nobr>surtout au XVe siécle.</nobr><nobr>En fait, on a pu également dépister cetie double face de fin dune époque et</nobr><nobr>débul dune autre lors de la deuxiéme crise du monde occidental, dans les</nobr><nobr>derniéres décennies du</nobr><nobr>XVIII</nobr><nobr>siécle. Les romantiques fran9ais lavaient bien</nobr><nobr>ressenti, tel Chateaubriand lan9ant la célébre allégorie des deux statues dans son</nobr><nobr>René,</nobr><nobr>ou Musset dressant une belle image en trois temps: le passé, sagitant en-</nobr><nobr>core sur ses mines, lavenir,</nobr><nobr>Iaurore dun immense horizon,</nobr><nobr>et le présent, une</nobr><nobr>mer houleuse oit lon ne sait</nobr><nobr>si Ion marche sur une semence ou sur un débris.</nobr><nobr>Cette bipolarité nest sans doute pas le seul pointcommun de deux ¿poques</nobr><nobr>que trois autres siécles écartent. II existe surtout un état dáme particulier par-</nobr><nobr>tagé par toutes ces décades difficiles: cest lexpérience de la mélancolie ou du</nobr><nobr>spleen,</nobr><nobr>ce quon aujourdhui on désigne avec le terme générique de</nobr><nobr>dépression.</nobr><nobr>Mais si le</nobr><nobr>spieen</nobr><nobr>du XIXe a ¿té lobjet de nombreuses recherches, celui de la</nobr><nobr>¡</nobr><nobr>La confrssion don cnfantdu site/e,</nobr><nobr>premiére partie, premier chapitre.</nobr><nobr>167</nobr><nobr>Pilar Andrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspecis de fa Merencolie de Charles dOrleans</nobr><nobr>fin du moyen áge mérite A son tour plus dattention que celle quon lui a ac-</nobr><nobr>cordéejusquá présent, car cest alors quil évohie pour devenir lembryon pre-</nobr><nobr>mier du sens tragique de la consejence moderne.</nobr><nobr>[1aura fallu néanmoins un Long múrissement pour aboutir á ce résultat, et</nobr><nobr>surtout aux derniéres étapes du procés. Létat mélancolique avait déjá été</nobr><nobr>analysé surtout par les médécins de lantiquité grecque et romaine, qui le</nobr><nobr>eonsidéraient comme une maladie comportant la tristesse et inaction du sujet,</nobr><nobr>et dont les causes seraient physiques et internes (la production par le corps</nobr><nobr>dhumeurs nuisibles A lorganisme). Au moyen áge fleurissant, létude de la</nobr><nobr>mélancolie prend une double orientation: tandis que les auteurs arabes con-</nobr><nobr>tinuent la tradition classique, les traités des moralistes vont linclure parrni les</nobr><nobr>péchés capitaux, A cóté de la paresse et méme parfois déplayant celle-ci.</nobr><nobr>Enfin, dés le XIVe siécle la mélancolie prend un rOle prédominant dans les</nobr><nobr>oeuvres tant morales que littéraires, et sa conception ehange sensiblement par</nobr><nobr>rapport á celle quelle avait, A la faveur du développement de lanalyse psy-</nobr><nobr>ehologique</nobr><nobr>2,</nobr><nobr>Car on pourrait dire que le long de ce siécle lhomme médiéval, A qui la</nobr><nobr>philosophie avait déjá appris sa constitution ontologique, et que la morale chré-</nobr><nobr>tienne avait dégrossi en le faisant réfléchir sur ses passions (dans le sens large</nobr><nobr>du terme), commence á se découvrir un mol profond. II le fait certainement gui-</nobr><nobr>dé par les manuels de confession de lépoque, les livrcs mystiques ou méme les</nobr><nobr>traités de logique, mais sa curiosité va dépasser ces premiéres aides. De cette</nobr><nobr>fagon, loeil qui entreprend de regardertous les replis internes du moi va con-</nobr><nobr>cevoir aussi la mélancolie non seulement comme un probléme médical ou une</nobr><nobr>case dans un systéme de vices et qualités, mais commme un état dcsprit qui</nobr><nobr>mérite une longue exploration et une descriptiorí psychologique approfondie.</nobr><nobr>Description qui dégagera une morphologie complexe avec des nuances de tris-</nobr><nobr>tesse, dangoisse et de désespoir. entre autres, qui masiifestent une impuissance</nobr><nobr>fondamentale pour accomplir un projet social et spirituel au sein dun univers</nobr><nobr>qui héberge lhomme.</nobr><nobr>Dans les pages qul suivent, je proposerai de survoler la sensibilité du moyen</nobr><nobr>áge tardif pour dénicher certains points communs ayee la sensibilité romantique</nobr><nobr>franyaise, et ceci A partir des textes de Charles dOrléans, un homme de [ano-</nobr><nobr>blesse que les circonstances de la vie obligérent A sétudier et A sécrire. Nou-</nobr><nobr>blions pas, en outre, que ce prisonnier des anglais passa plus de vingt ans dans</nobr><nobr>un pays féru de mélancolie, pays qui léga la niode du spleen au continent dés le</nobr><nobr>XVe siécle et notamment lors du Romantisme.</nobr><nobr>II existe dabord des circonstances trés particuliéres dans la vie de Charles</nobr><nobr>dOrléans, sources chez lul de thémes qui feront fortune parmi les romantiques</nobr><nobr>2</nobr><nobr>Pour les sources, fonnation et développernent de cene notion, cf. Klibanski, R., Panofsky, E.</nobr><nobr>et</nobr><nobr>Saxl, F.:</nobr><nobr>Saturn ¿md Melancholy: siudies in tite Historv</nobr><nobr>of</nobr><nobr>Natural philosophy, Religion</nobr><nobr>citó</nobr><nobr>Art</nobr><nobr>(New York: Basic Books, 1964) et Jackson.</nobr><nobr>S,W.:</nobr><nobr>Melancholia citó</nobr><nobr>dcpression:</nobr><nobr>ilota</nobr><nobr>hipporatic</nobr><nobr>tintes to madera times (Londres: Yale University, 1986).</nobr><nobr>Pié/toe. Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>2000, [5: 167-ID</nobr><nobr>168</nobr><nobr>Pilar Andrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspects de</nobr><nobr>la</nobr><nobr>Merencolie</nobr><nobr>de Charles</nobr><nobr>d Orleans</nobr><nobr>franais. Un de ces ihémes est bien súr celui de la nostalgie de la patrie, utilisé</nobr><nobr>par dautres auteurs de son époque, mais aggrémenté dans notre poéte de cer-</nobr><nobr>tains aspects qui méritent une réflexion plus approfondie. On trouve cette poé-</nobr><nobr>tique de lexil dés les premiers poémes éerits en Angleterre:</nobr><nobr>le suis de tous maulxbien garny,</nobr><nobr>Autant que nul qui rok en France. <Rallade 22).</nobr><nobr>Car</nobr><nobr>vous</nobr><nobr>maye: mainte saison</nobr><nobr>Fait douleur a tort endurer,</nobr><nobr>bit mej=¡itesloings demnurer</nobr><nobr>De la nompareille de Fi-ante.. <Ballade</nobr><nobr>54).</nobr><nobr>Le fait détre tombé prisonnier entrame ensuite la douleur détre séparé</nobr><nobr>dune</nobr><nobr>dame,</nobr><nobr>et Charles dOrléans chante, dans la tradition courtoise, lafemme,</nobr><nobr>qui sera toujours lointaine. Ainsi par exemple lorsque le poéte emploie le mo-</nobr><nobr>tif de la Bonne Nouvelle amoureuse apportée par Reconfort, il précise que</nobr><nobr>cette nouvelle doit venir en bateau, ajoutant lélément de la nef:</nobr><nobr>A</nobr><nobr>¡olepuist venir au port</nobr><nobr>De desir, et paur tostpasser</nobr><nobr>La mer de Fortune, trouver</nobr><nobr>Un plairant vent venan! de France,</nobr><nobr>Oit</nobr><nobr>crí</nobr><nobr>á présentma mairtrerre. (Rallade 28)</nobr><nobr>Cest pourquoi léloignement devient de plus en plus physique et de moíns</nobr><nobr>en moins dú au rejet de la dame</nobr><nobr>.</nobr><nobr>On pourrait dire quil se contamine de la</nobr><nobr>thématique de la patrie, de sorte que la</nobr><nobr>ReIle, nompareille de France</nobr><nobr>(Ballade</nobr><nobr>27), prendrait un rOle de lien entre le poéte et son pays natal. Quand elle va en-</nobr><nobr>fin soulager la souffrance (amoureuse ou autre) du poéte, elle doit entreprendre</nobr><nobr>un voyage:</nobr><nobr>Elle vient par dea la mer</nobr><nobr>(Ballade 33); elle apporte avec elle les</nobr><nobr>arOmes et la douceur du pays aimé</nobr><nobr>.</nobr><nobr>Elle deviendrait, en conséquence, un élé-</nobr><nobr>ment de la topique amoureuse quon aurait vidé en partie de son référent réel le</nobr><nobr>plus direct (la femme aimée) an profit dun autre référent, la terre natale. Rap-</nobr><nobr>pelons quune association semblable de la féminité et la patrie se produit avec</nobr><nobr>le premier Roniantisme fran9ais, ou les soupirs des exilés se mélent au nostal</nobr><nobr>gies dune femme trés pure mére dont ils ont été sévrés trop tót, ou vierge</nobr><nobr>méritant tous les éloges, on les deux. René, marié á une Natehez mais</nobr><nobr>nc</nobr><nobr>vivfantl point ayee elle,</nobr><nobr>regrette la France et sa chére soeur, qui était</nobr><nobr>presque</nobr><nobr>une mere, cétait que/que chore de plus tendre.</nobr><nobr>A ce regret sajouterait encore</nobr><nobr>Léloignement ne répond pas non plus á une stratégie du procés de séduction: un des con-</nobr><nobr>selís dAmour á lamant dans le Rontan de la Rose est de rae pas séloignerde la belle, cas cela ne</nobr><nobr>pouvait que nuire au procés de séduction (vv. 2555-2562).</nobr><nobr>Peur la polysémíe référenticlie de la dante, cf. P. Champion, 1969: 257 ss.</nobr><nobr>Tan/ose.</nobr><nobr>Resisca Complutense de Estudios Fraa3ceses</nobr><nobr>169</nobr><nobr>2000 15:167-177</nobr><nobr>Pilar Andrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspearde la Merencolie de Charles d Orleans</nobr><nobr>lanostalgie du manoir de 1enfance autant chez le duc médiéval</nobr><nobr>(Songe en com-</nobr><nobr>plainte,</nobr><nobr>VI) que diez Chateaubriand. Et en fait lespace de lafemme, dans les</nobr><nobr>deux auteurs, est marqué du sceau de linterdiction; ni Lun ni lautre pourront</nobr><nobr>démolir lobstacle qul les sépare de laimée tant que durera lexil: plus de</nobr><nobr>víngt mis, pour [un, et toute la vie, pour lautre. 11 est vrai eependant dautre</nobr><nobr>part que la poétique de lexil de Chateaubriand sinscrit dans le cadre de la</nobr><nobr>conseience moderne aliénée et errante, tandis quil serait vain de chercherce ca-</nobr><nobr>dre chez lauteur médiéval dans un temps ou, justement, le chevalier devenait</nobr><nobr>de moins en momns errant.</nobr><nobr>Revenons aux vers de Charles dOrléans pour déceler A travers certains</nobr><nobr>exemples celle polysémie constante, quil exploite parfois trés clairenient.</nobr><nobr>Cest le cas lorsquil parle simultanément de la prison amoureuse ou Fortune la</nobr><nobr>réduit, ne pouvant obtenir lamour de sa dame, et de la vraie prison, oi¡ tous ses</nobr><nobr>loisirs ont été réduits A la promenade quotidienne:</nobr><nobr>De baladerjay beau (visir,</nobr><nobr>Autres deduis me sant cassez;</nobr><nobr>Prisonnier suis, dAmaur martir.(Ballade 400</nobr><nobr>Egalement le but de sa quétc est un</nobr><nobr>désir</nobr><nobr>bien anibivalent, puisquil préci-</nobr><nobr>se dun</nobr><nobr>saufeonduis:</nobr><nobr>Rriefment voye le temps venir,</nobr><nobr>.1 en</nobr><nobr>prie a Dieu de pat-adir.</nobr><nobr>Que chascun puirt</nobr><nobr>verr ron derir</nobr><nobr>Aler sans avoir raufc.onduir. <Ballade 27).</nobr><nobr>II semble ici que ce</nobr><nobr>désir</nobr><nobr>désigne autant le désir amoureux que le désir</nobr><nobr>de retrouver sa liberté en France, ainsi que, peut étre, le désir de mourir6. Le</nobr><nobr>théme du miroir qui projette limage de la dame esí marqué également dun</nobr><nobr>sémantisme donhie, puisque ce que le poéte cherche dans le reflet est [Es-</nobr><nobr>perance soit dobtenir sa dame. soit de retoumer dans sa patrie. Remarquons</nobr><nobr>en outre que ce miroir venisien se loge non au coeur du poéte, siége des sen-</nobr><nobr>timents amoureux, mais dans son cerveau, siége de raisonnements plus am-</nobr><nobr>píes.</nobr><nobr>Jay ou</nobr><nobr>fresar de</nobr><nobr>ma</nobr><nobr>pensee</nobr><nobr>Un mircuer</nobr><nobr>quay acheté.</nobr><nobr>(..)</nobr><nobr>Grant</nobr><nobr>bien</nobr><nobr>mefait a ¡ny mire,</nobr><nobr>En attendantBonne Erpérance (Ballade</nobr><nobr>35).</nobr><nobr>E.</nobr><nobr>Champion cite la phrase suivante. adressée par Charles dOrléans á Isabelle de Bourgogne</nobr><nobr>aprés Sa libération: Madante.</nobr><nobr>Fu</nobr><nobr>té</nobr><nobr>que vous ares/oit pour ma ddivra,we, ir me reods so/te prí-</nobr><nobr>sonnier (1969: 313).</nobr><nobr>La tentation du suicide existe ches le poéte inédiéval. Cf. p.c. Rondeatax 87 et 217.</nobr><nobr>Thélérne.</nobr><nobr>Revista Conipluleose</nobr><nobr>de Estudios</nobr><nobr>Franceses</nobr><nobr>2000. 5: 167-177</nobr><nobr>170</nobr><nobr>Pilar</nobr><nobr>Andrade Boué</nobr><nobr>Q</nobr><nobr>uelques aspects de la Merencoliede Charles d Orleans</nobr><nobr>Du reste, ce thénie du miroir ne représente autre chose quun élément glo-</nobr><nobr>rifié plus tard par tous les romantiques, depuis les pitmiers jusquA Hugo</nobr><nobr>mi</nobr><nobr>Baudelaire. Je fais allusion au souvenir, signe dun manque manque de nature</nobr><nobr>évidemment différente au XVe et au XIXe; dailleurs les mélancoliques étaient</nobr><nobr>censes avoir beaucoup de mémoire. Charles dOrléans garde en effet son miroir</nobr><nobr>dans le</nobr><nobr>c-offi-e de ma souvenance,</nobr><nobr>de sorte que limage féminine appartient á la</nobr><nobr>mémoire des choses perdues, plutOt quau présent des choses désirées. Suivant</nobr><nobr>en outre la tendanee de lépoque A la thésaurisation, le poéte utilise la méta-</nobr><nobr>phore du coffre ou du sac</nobr><nobr>(Povre pitance,! En bissacs pía/ns de Souvenance,</nobr><nobr>Ballade 102) pour désigner le souvenir; il faut bien protéger ces images de bon-</nobr><nobr>heur de lusure du temps. Charles prie ensuite A sa dame de faire la méme</nobr><nobr>chose:</nobr><nobr>Pour Dieu, garde: bien Souvenir</nobr><nobr>Enclos deden.s vostre pensee,</nobr><nobr>Ne le laissiez dehors ysrir,</nobr><nobr>Be/le tesloyaumnent amee. (Ballade 54)</nobr><nobr>Une clóture protectrice définit ainsi la mémoire. Le systéme allégorique ra-</nobr><nobr>joute A cette symbolique spatiale: le cháteau oú le moi du poéte sest enfermé</nobr><nobr>volontairement pour se protéger des assauts de la mélancolie a trois tours,</nobr><nobr>dont la deuxiéme est celle de Souvenance (Ballade 50). Et cette tour veille non</nobr><nobr>seulement sur les moments passés, mais aussi sur lécriture; elle abrite la bi-</nobr><nobr>bliothéque privée du duc:</nobr><nobr>Laise quejay dije nc rauroye,</nobr><nobr>Quand Souvenir et</nobr><nobr>vour me racontés</nobr><nobr>Les tresdoulxfúis, plaisans et plains de/oye</nobr><nobr>De ma Dame,</nobr><nobr>.)</nobr><nobr>Doutx Souvenir, chierement ¡e vous pl-y,</nobr><nobr>Eru-i ve: tost teste halade cy. (Ballade 42)</nobr><nobr>Si dans la quéte amoureuse du</nobr><nobr>Caer damour espris</nobr><nobr>Désir guidait le Cueur,</nobr><nobr>chez Charles dOrléans cest Souvenir qul guide Désir (Chanson 45). II est</nobr><nobr>méme ce qui guide toute la vie du poéte, ce qui lui tient lieu de toutes choses:</nobr><nobr>Voas me sauvez et maintene: la vie,/ Quant II vous píaist da/nsj me conforter</nobr><nobr>(Ballade 38). Mesurons limportance que peut avoir une intronisation pareille</nobr><nobr>de ce qui fait défaut, par rapport á la modernité... Dans certains vers on croit</nobr><nobr>presque entendre les ¿chos dun Baudelaire humant</nobr><nobr>a</nobr><nobr>longs tra/ts le v/n du son-</nobr><nobr>venir</nobr><nobr>pour oublier sa douleur:</nobr><nobr>Poar tous voz maulx damour guerir,</nobr><nobr>Pi-ene: lafleur de Sonvenir</nobr><nobr>(.3</nobr><nobr>Metés au cuer, avant doimir</nobr><nobr>Pour tous voz maulx damour guerir. (Rondeau 1/9)</nobr><nobr>Tité/tino.</nobr><nobr>Revista</nobr><nobr>Coniplutense</nobr><nobr>dc</nobr><nobr>Fsludios Franceses</nobr><nobr>171</nobr><nobr>2000. 15:</nobr><nobr>167-177</nobr><nobr>Piar</nobr><nobr>Andrade</nobr><nobr>finué</nobr><nobr>Quelques aspects de la Merencolie de Charles</nobr><nobr>dOrleans</nobr><nobr>II faut bien reconnaitre, gisant dans certaines phrases du duc dOrléans, ne</nobr><nobr>serait-ce que (mais ji y a plus) le Ion du</nobr><nobr>pathos</nobr><nobr>tragique moderne, cette subli-</nobr><nobr>mation du ¡nalbeur el dune passion amoureuse frustrée dont 11 ne reste que le</nobr><nobr>souvenir</nobr><nobr>luisan! comme un ostensoir:</nobr><nobr>Ma</nobr><nobr>seule amoar,</nobr><nobr>ma</nobr><nobr>joye e! ma mairtresse</nobr><nobr>Puisqu/lmefaul!</nobr><nobr>lo/ng</nobr><nobr>de vous demnier,</nobr><nobr>Je ¡lay plus riens. a me reconforter,</nobr><nobr>Quun</nobr><nobr>sonvenirpoar</nobr><nobr>¡-etenir lyesse.</nobr><nobr>(Chanson</nobr><nobr>38)</nobr><nobr>Par ailleurs, íout favorise au has moyen Age le développement du mot el du</nobr><nobr>concept de souvenir. Froissart aura raison de lui accorder la place</nobr><nobr>do¡-log/er</nobr><nobr>dans le coeur de laniant, auírement dit, de celui qul régle la présence et Fin-</nobr><nobr>tensité des sentimenís amoureux</nobr><nobr>(Toutes les fois qn /1 Ii pía/st, /1 despume</nobr><nobr>(défrrme)/ Le Doug Penserqu/ les broquetes porte,</nobr><nobr>1986:105). Dabord lha-</nobr><nobr>bitude allégorique permet denrichir la morphologie des eoncepts abstraits et</nobr><nobr>détablir des rapports complexes entre eux. Ensuite les circonstances sociales</nobr><nobr>créent un climat favorable: limage dun monde en décadence, oú lon sem-</nobr><nobr>presse de garder et de conserver plus que de créer du nouveau, accorde une pla-</nobr><nobr>ce dimportance A la mémoire. Les homnies de cette époque ont</nobr><nobr>plus de son-</nobr><nobr>ven/rs que</nobr><nobr>s/ls</nobr><nobr>aya/cnt mille ans,</nobr><nobr>et ils croient que leur rOle reviení á la</nobr><nobr>préservation de ce savoir. JIs ont limpression que le monde est vieux, trop usé,</nobr><nobr>et quils le sont également: les chevaliers orn succombé face A lennemi A plu-</nobr><nobr>sxeurs reprises, manquant A leurs engagements, les rois ont comniencé Ajustifier</nobr><nobr>la doublure dire!étre, lEglise a besoin dune rénovation profonde. Charles</nobr><nobr>dOrléans se déclare vieux dés láge de quarante mis et le répéte inlassablement:</nobr><nobr>Deso¡-mais</nobr><nobr>en gauvernemen!</nobr><nobr>Me me!:</nobr><nobr>e! es mains de Vieillesse,</nobr><nobr>Bien ray quy vivrait roubrement,</nobr><nobr>Sans gran!</nobr><nobr>espargne de liesse (Ballade 1/2).</nobr><nobr>Le topos du vieillissement est en fait comniun aux époques de ehangement.</nobr><nobr>Le romantisme du XIXe siécle enfantera aussi tantól des rejetons passionnés</nobr><nobr>dune race foudroyée,</nobr><nobr>pr/ncc/si dAqu/ta/ne</nobr><nobr>a</nobr><nobr>la tour abolie,</nobr><nobr>tantót des esthé-</nobr><nobr>tes anémiques et déeadents comme Des Esseintes. Leur litiérature partage cet-</nobr><nobr>te fléírissure: conime celle du has moyen Age, elle se replie sur elle-méme, se</nobr><nobr>regarde et sexamine, ou mélange les genres déjá existants. Au XIVe et XVe</nobr><nobr>siécles, la plus grande partie de la production littéraire correspond á des réé-</nobr><nobr>critures devieux thémes. Tout est dit, saufpeut étre le métadiscours, croient-ils.</nobr><nobr>II ne reste quune attitude devant un monde qui sécroule, pour les deux épo-</nobr><nobr>ques: cest le dégoút de vivre. Celui qui se manifeste diez les jeunes romanti-</nobr><nobr>ques:</nobr><nobr>Pou¡-quo/ la terre est-ellc auss/ désenchantée ¿ mes yeta? Je nc connais</nobr><nobr>point la saciété, ¡e tronve partout le vide,</nobr><nobr>sexclame Obennann (Lettre prirniére),</nobr><nobr>et le duc dOrléans, blasé de la société et de lul-méme. pense que</nobr><nobr>le monde es!</nobr><nobr>ThéM,oe.</nobr><nobr>Revista Complutense deEstudios Franceses</nobr><nobr>2000,15:167-177</nobr><nobr>172</nobr><nobr>Pilar</nobr><nobr>Andrade Boué</nobr><nobr>Quelques</nobr><nobr>aspeasde la</nobr><nobr>Merencolie</nobr><nobr>de Charles d</nobr><nobr>Orleans</nobr><nobr>cnnuyé dc moy,/ et moy pare/llemcnt de lu/</nobr><nobr>(Rondeau 187). La chair est triste</nobr><nobr>dans ces temps de pénurie qui frólent le désespoir7.</nobr><nobr>Ce sont des ¿poques, enfin, oú lhomnie se replie sur soi, se plonge dans sa</nobr><nobr>conseience. Cette attitude va encourager non seulement la description des mi-</nobr><nobr>nutieuse des états dáme, mais aussi celle des états dáme liées A lennui. Si les</nobr><nobr>amis du poéte médiéval luí déconseillent vivement de top penser, cest parce</nobr><nobr>quil nen engendrera que des monstres, des</nobr><nobr>sanglicrs</nobr><nobr>quil devra chasser dans</nobr><nobr>la forét de Pensée (Rondeau 197). On trouve iei énoncés avant la letíre les effets</nobr><nobr>de la réverie; non pas de la réverie bénéfique de Montaigne ou Rousseau,</nobr><nobr>mais de lautre. la destructrice, celle qui mine la personne et la réduit A un état</nobr><nobr>dinaction et de névrose. Adolphe, René, Obermann, Octave, ainsi que lénon-</nobr><nobr>ciateur des poémes que nous analysons, auront dans leurs réveries solitaires le</nobr><nobr>loisir danalyser toutes les nuances de leur mélancolie, depuis le nonchaloirjus-</nobr><nobr>quau désespoir, en passantpar lennui profond: un beau tableau de symptómes</nobr><nobr>qui a éveillé, bien entendu, la curiosité des psychologues et des psychiatres.</nobr><nobr>Mais cest dans la poésie de Charles dOrléans que la mélancolie va se dé-</nobr><nobr>gager pour la premiére fois de son rapport direcí ayee lamour. Si jusqualors la</nobr><nobr>lyrique avail associé la tristesse aux déboires amoureux, diez le duc se forge le</nobr><nobr>clivage qui la relie A un état psychologique et moral complexe ayant pour</nobr><nobr>cause lemprisonnement, mais peut étre aussi une prédisposition naturelle. Dé-</nobr><nobr>sormais</nobr><nobr>u</nobr><nobr>ne sagira pas dobtenir lamour de la dame pour retrouver lajoie de</nobr><nobr>vivre, mais plutOt de retrouver dabord lajoie de vivre pourensuite étre en état</nobr><nobr>dejouir de lamour:</nobr><nobr>A/oir</nobr><nobr>¡non cueur, pour ¿1/re vroir,</nobr><nobr>Dejaerau ven! soupiroit,</nobr><nobr>Et, cambien</nobr><nobr>quil portar! le noir,</nobr><nobr>Tautestáiz pour lars</nobr><nobr>auhliait</nobr><nobr>Toute</nobr><nobr>la douleur quil avo/t,</nobr><nobr>Pensant de recauvrer brief¡nent</nobr><nobr>Plaisance,</nobr><nobr>Confort e! Liesse.</nobr><nobr>Et</nobr><nobr>davair en gouvernement</nobr><nobr>Tresor damau¡-euse richesse. (Ballade 37)</nobr><nobr>La détresse du poéte ne dépend donc pas exclusivement de lamour frustré;</nobr><nobr>elle sest installée dans le coeur de lamant avant méme que 1amour Ven-</nobr><nobr>flamme:</nobr><nobr>Ardant</nobr><nobr>der/r de vecir ma maistrerse</nobr><nobr>A assailly de nauvel le lagis</nobr><nobr>De ¡non las cueur, qu/ languist en tristesse,</nobr><nobr>bit</nobr><nobr>puis dedens par tout a lefeu mis. (Ballade 26)</nobr><nobr>A. Planche a mis en rapportlennul et le nonchaloir de Charles dOrléans avec le spleen et</nobr><nobr>1impuissance</nobr><nobr>de MaIlarmé, 1975:</nobr><nobr>791</nobr><nobr>e! ss.</nobr><nobr>173</nobr><nobr>7hétéme</nobr><nobr>Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>2000,15: 167-t77</nobr><nobr>PilarAndrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspects de/a Merencolie de Charles 4 Orleans</nobr><nobr>Tout ceei implique en outre une conséquence importante pour la topique</nobr><nobr>amoureuse que le</nobr><nobr>Roman de la Rase</nobr><nobr>avait passé par la grille de lallégorie. En</nobr><nobr>effet, les acteurs de la dynamique courtoise vont graviter non plus dans len-</nobr><nobr>tourage dAmour, mais dans celui du Coerar en désarroi, ce qui suppose des re-</nobr><nobr>virements de rOle significatifs. Pour commencer, on constate la création dun</nobr><nobr>nouveau groupe de personnifications apparentées A Tristesse: Mélancolie bien</nobr><nobr>sur, mais aussi Soussy, Deulí, Destresse, Soing, Desconfort, Ennui et Oes-</nobr><nobr>plaisance. Dans loeuvre de Lorris-Meung ces personnifications nexistent pas</nobr><nobr>(sauf Tr-istesse, qul est une des peintures du mur extérjeur du Verger), bien que</nobr><nobr>leur spectre sémantique soit présent dans la description des maux causés par la-</nobr><nobr>mour (vv. 2255-2283); on nous parle des signes extérieurs de la maladie amou-</nobr><nobr>reuse, qui coYncident en partie avec les symptOmes manifestés par Charles</nobr><nobr>dOrtéans (soupirs, pleurs, plaintes, frissons, fiévres, insomnie. hébétude), ain-</nobr><nobr>si que de la solitude de lamant, mais celui-ci est censé se montrer gai (vv.</nobr><nobr>2163-2168). Le dieu dAmour reconnait, il est vrai, que joie et tourment se par-</nobr><nobr>tagent le coeur des amants, mais il naccepterait nullement une dissolution du</nobr><nobr>moi dans le malbeur comme celle que nous trouvons chez le duc. abimé</nobr><nobr>Ou</nobr><nobr>purgataire de Tristesse</nobr><nobr>(Ballade 24).</nobr><nobr>La douleur entonre en effet le poéte dOrléans qui se protége en senfer-</nobr><nobr>mant dans son moi et se fortifie contre ses ennemís:</nobr><nobr>lenforcis man</nobr><nobr>¿hastel tous¡¿)t/i-s</nobr><nobr>(.)</nobr><nobr>Can</nobr><nobr>ti-e</nobr><nobr>Dangier el Sa puissan(e</nobr><nobr>Je</nobr><nobr>le tc-nd,-ay jusqaa la mort. (Ballade 50)</nobr><nobr>A cette clóture animique volontaire sajoute néanmoins une autre, nouvelle</nobr><nobr>aussi par rapport A lallégorie traditionnelle, et imposée par ses ennemis, mv</nobr><nobr>tamment par Danger: [a</nobr><nobr>pi-/san de Despla/sance</nobr><nobr>ou la prison de Pensee</nobr><nobr>.</nobr><nobr>En</nobr><nobr>sorte que le personnage de Danger inverse son rOle: il ne garde plus la dame ni</nobr><nobr>Bel Accueil (que dailleurs Charles dOrléans nc nommejamais), mais le poé-</nobr><nobr>te lu-méme! Ainsi le Danger nc désignerait pas seulement le man jaloux ou les</nobr><nobr>Anglais qui empéchent lamaní dapprocher la dame, mais le vrai danger de</nobr><nobr>mélancoliser qui hante le pote9.</nobr><nobr>Dautre part, si dans lallégorie fondatrice Danger veut empécher A tout prix</nobr><nobr>Amour dagir, dune part, et compte sur Raison pour laider, de lautre, chez le</nobr><nobr>due dOrléans sa úche est plutOt autant de conserven lamant dans Ihébétude</nobr><nobr>du spleen que de lutter contre Raison. Le nenversement dc la situation est dO A</nobr><nobr>la considénation traditionnelle de la mélancolie cornme une attaque de folie</nobr><nobr>Cf. pe.:</nobr><nobr>Soussy, Dad! el leur aliance,! Sai-monta et tost dee.onjire,¡ Qul desirent dc la de-</nobr><nobr>triare! En la p¡ison de Desplakance (Hallade 27); iciulier desrisonsde Pcnsee,/ Soussy. laisse:</nobr><nobr>mon c.-ueuryssu-,/ Pasmé lay</nobr><nobr>veu ess-anouir/ En lafosse</nobr><nobr>desconfin-tee (Rondeau 383).</nobr><nobr>S. Sasaki, signale aussi trois autres acceptions: refus, pudeur et souftrance (1974: 219-</nobr><nobr>223).</nobr><nobr>7/té//ms-. Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>2000, 5: 167-177</nobr><nobr>174</nobr><nobr>Pilar</nobr><nobr>Andrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspeas de la</nobr><nobr>Merencolie</nobr><nobr>de Charles d Orleans</nobr><nobr>sopposant au bou sens, de fagon que si lon veut sen sortir (et, par contrecoup,</nobr><nobr>gagnen lamour de la dame) on devrait invoquer lavenue de Raison. 11 est néan-</nobr><nobr>moins curieux que dans les deux cas de figure la guérison de lamant se serait</nobr><nobr>produite par lentremise de Raison; seulement pour Meung recouvrer la santé</nobr><nobr>équivaut A renoncer A laniour, tandis que pour Charles dOrléans, cest re-</nobr><nobr>trouver et la santé et lamour.</nobr><nobr>Dangierdeffy elsa rudesre,</nobr><nobr>Car le Dieu dAmours maydera.</nobr><nobr>Raisan es! círera des miens,</nobr><nobr>Car ainr/ men afa/tpromesse. (Ballade 29)</nobr><nobr>La portée de la réflexion du duc dOrléans et sa richesse universelle con-</nobr><nobr>traste avec la superficialité cynique dun Jean de Meung pourqui réussir équi-</nobr><nobr>vaut A enfoncer une porte. Au contraire, le succés, pourle duc, revient A ouvnr</nobr><nobr>laporte de lesprit, étre capable dentrer en rapport ayee le monde sans que le</nobr><nobr>tragique de la condition humaine vienne troubler, A chaque fois, le regard clair</nobr><nobr>ettransparent projeté sur lunivers. Et si Charles dOrléans narnive pas A faire</nobr><nobr>entrer de la lumiére dans la forteresse du moi, ce nest peut-étre pas de sa</nobr><nobr>faute mais une visite dans cette forteresse montrerait des recoins éeiairés par</nobr><nobr>les lueurs de Nonchaloir.</nobr><nobr>Ainsi, pour la littérature occidentale, notre poéte préfigure la poétique de la</nobr><nobr>privacité autant que le régime de la solitude qui accable lhomme moderne. Le</nobr><nobr>mal du siécle est, oú quil se manifeste,</nobr><nobr>pr/vé mart/re</nobr><nobr>(Rondeau 46) quil faut</nobr><nobr>enfermer au plus profond du moi. Lhomme reste</nobr><nobr>seul sur la terre, étranger</nobr><nobr>paur tau! le monde,</nobr><nobr>et il doit saventurer seul dans la connaissance de la dou-</nobr><nobr>leur:</nobr><nobr>Environ verr la matinee,</nobr><nobr>Dedans ¡nonjardin de Pensee,</nobr><nobr>Aveeques man cucur,</nobr><nobr>seul entray. (Rondeau 257)</nobr><nobr>Renfermé, misanthrope, le héros spleenétique se sait impénétrable au regard</nobr><nobr>des autres,</nobr><nobr>plus tos! accointé que cagnen</nobr><nobr>(Rondeau 245); soit II garde obstiné-</nobr><nobr>ment le silence, solÉ ji déverse son malaise daus une effusion devanÉ un rare té-</nobr><nobr>moin (et il doit se réjouir sil nen est pas vertement tancé), soit, et cest le plus</nobr><nobr>fnéquent, il confie tout A lécriture et nous légue confessions, letfres et poémes:</nobr><nobr>Jay mis en escr/pt mes sauhais/ Ou plus pa¡fant dc mon penser</nobr><nobr>(Ballade 49).</nobr><nobr>Ces</nobr><nobr>chartreu.x de Merencalie</nobr><nobr>(Rondeau 112; faut-il rappeler Fabrice del</nobr><nobr>Dongo?) ne se reconnaissent plus dans leur entounage habituel; jis se sentent</nobr><nobr>différents des autres, composant une race A part:</nobr><nobr>le</nobr><nobr>ne suis par de se: geuis la</nobr><nobr>A qu/ Fortune plairt el nt. (Rondeau 47)</nobr><nobr>Tité//mc. Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>175</nobr><nobr>2000.15:167-177</nobr><nobr>Pilar Andiade Baué</nobr><nobr>Quelques aspects de la Merencolie de Charles dOrleans</nobr><nobr>LIs ont un sentiment aígu de la perte de paternité, physique et/ou idéologi-</nobr><nobr>que. On saR ce que représenta lassassinat de Louis dOrléans, pére de Charles,</nobr><nobr>pour son amé qui désormais shabilla longtemps en noir. Mais au tournant du</nobr><nobr>XVe siécle dautres événements aggravent langoisse de ces orphelins: les</nobr><nobr>conflits internes de lEglise (la référence au Dieu pére plutót quau Dieu créa-</nobr><nobr>teur ou ordonnateur apparait en effet trés souvent le long du XJVe siécle</nobr><nobr>[0)</nobr><nobr>la</nobr><nobr>captivité de Jean II ou la folie prématurée de Charles VI. De méme, au début do</nobr><nobr>XJXe siécle les enfants manquent de péres, soit parce que ceux-cí ont perdu la</nobr><nobr>vie dans la Révolution et lEmpire, soit parce quils nont plus de repéres spi-</nobr><nobr>ritucis, soit parce que, tels certains héros balzaciens, doivent se trouver des pro-</nobr><nobr>géniteurs sociaux dans un monde hostile aux jeunes de familles modestes.</nobr><nobr>Ce sont des marginaux, des intellectuels, des artistes bannis do cháteau de</nobr><nobr>Plaisance. Utilisant lencre comme thérapeutique, ils se sont découvert une</nobr><nobr>énorme complexité psychologique et. dans les oubliettes de leur demeure. un</nobr><nobr>refus absolu de la douleur. En fait pour eux cest peut-étre cela qui compte par-</nobr><nobr>dessus tout:</nobr><nobr>La grande qucst/an dans la y/e, u</nobr><nobr>es!</nobr><nobr>la dauleur quan cause</nobr><nobr>y incluse celle quon sinflige A sol-meme.</nobr><nobr>Une différence nette sépare pourtant Charles dOrléans des Romantiques</nobr><nobr>quant A la considération de la souffrance; lhistoire navance pas en vain, et le</nobr><nobr>sentiment tragique des Romantiques est beaucoup plus retors que celui de leur</nobr><nobr>prédéeesseur médiéval. Eux. ils cultivent lart subtil de fuir et de se jetterdans</nobr><nobr>les bras de la douleur simultanément. Cest une maitrise difficile héritée de</nobr><nobr>Marsile Ficin, le premier á faire de laffliction spleenétique une énergie créa-</nobr><nobr>trice</nobr><nobr>2:</nobr><nobr>ainsi pour les</nobr><nobr>cn/hnts du síecle</nobr><nobr>la souffrancc permet heureusement de</nobr><nobr>produire des oeuvres géniales, car il ny a pas de véritable artiste sans détresse.</nobr><nobr>Au contraire, jamais un auteur du inoyen Age naurait souscrit de telles affir-</nobr><nobr>mations. Dans cette époque lajoic lemporte encore sur la tristesse: celle-ci te-</nobr><nobr>ri-asse la volonté et anihile la fecondité artistique. Pour le doc dOrléans, cesÉ á</nobr><nobr>regia si 1écriíure Lui tient Iieu de tornes choses, de ménie que cest A regret sil</nobr><nobr>subit lempire de la solitude (que les romantiques, eux, mtronisent).</nobr><nobr>Pourtant bus ces hornmes déchus ont compris quun monde seffritait de-</nobr><nobr>vant eux etque, désonnais, au</nobr><nobr>coin</nobr><nobr>de la cheminée, on parlerai des seigneurs et</nobr><nobr>des dames du temps jadis. Un jadis quincamerait, pourle XIXe siécle, le projet</nobr><nobr>philosophique, politique et social de lIllustration, et pour la fin do XJVe siécle,</nobr><nobr>une plénitude el une harmonie de lhornme dans le inunde. Et je vondrais son-</nobr><nobr>ligner que, dans laffleurement de la conscience tragique qui se produit avec la</nobr><nobr>Cf. J. Cerquiligny,</nobr><nobr>La c.ouleur</nobr><nobr>de la níélancoíie. Lafréquentation des heces un XIVe siécle</nobr><nobr>(Paris:Hatier, 1993), chap. Le</nobr><nobr>pro</nobr><nobr>blénw de</nobr><nobr>la paternité.</nobr><nobr>Adolpite, Réponse de léditeur fictif.</nobr><nobr>12</nobr><nobr>Solon litalien, le «sir litteratus» enélancolique subirait uno influonce astrale négative mais</nobr><nobr>qul laissorait aftleurer. par contrecoup, jallo ffit génie. Dés lors lécrivain sorait</nobr><nobr>5000018</nobr><nobr>aux pou-</nobr><nobr>votrs contradictoires de Saturno: négatifs, parco quils entrainoraiont les effel.s nuisibles de la tris-</nobr><nobr>tesse, apaihieet sos corolaires; positifs, parco qulis ponnertraienl de créerdes chofs doouvre do</nobr><nobr>iesprit.</nobr><nobr>7/té//oir. Revista Complutense de Estudios Franceses</nobr><nobr>2000.15: 167-1+1</nobr><nobr>176</nobr><nobr>PilarAndrade Boué</nobr><nobr>Quelques aspects de la Merencolie de Charles dOrleans</nobr><nobr>rupture de 1 équilibre révé ou assimilé, 1</nobr><nobr>individu</nobr><nobr>se sen! surtout</nobr><nobr>projeté</nobr><nobr>dans</nobr><nobr>lespace de lisolement: cest-á-dire, mis á part on sevré brusquement de la</nobr><nobr>Nature. La modernité a largement expliqué ce rejet, mais elle a souvent négligé</nobr><nobr>les échos qui nous renvotent A cette autre primére crise, aussi profonde et aussi</nobr><nobr>modeme que la sienne A beaucoup dégards. Car si le changement dans la vision</nobr><nobr>globale de la nature par rapport au moyen Age ne se produit quaprés la Renais-</nobr><nobr>sance, il est bien vrai que le premier croc-en-jambe fait A cette vision appartient</nobr><nobr>aussi A lépoque des chevaliers</nobr><nobr>3</nobr><nobr>En effet, la chute de lorganigramme seolas-</nobr><nobr>tique á la fin du XIIIe siécle, qui déclenche la méfiance envers la pensée spé-</nobr><nobr>culative, avait impliquée déjá un premier effondrement de cette précieuse rosa-</nobr><nobr>ce de lunivers ordonné selon les plans du Crénteur. Ainsi, sans oublier</nobr><nobr>aucunemení le rOle primordial des aspecÉs éeonomiques, politíques et sociaux</nobr><nobr>dans la crise du has moyen Age, je voudrais insister sur le fait que lhomme com-</nobr><nobr>mence déjá á se sentir un peu éloigné de la Nature dés le XIVe siécle, dés le mo-</nobr><nobr>ment oú le déchiffrage de celle-ci devient plus précaire. Cette précarité serait par</nobr><nobr>conséquent une des échardes qui brúlent le cerveau des mélancoliques. Et si lon</nobr><nobr>¡Ven trouve peut-étre pas des mentions explicites dans les oeuvres littéraires, on</nobr><nobr>peut néanmoins la voir impregner la mentalité des XIVe et XVe siécles, car cest</nobr><nobr>elle qui, décourageant les envols de la raison métaphysicienne, encourage toute</nobr><nobr>la théologie pastorale, anime lélan mystique, et enfin oriente le regard xers les</nobr><nobr>intériorités de</nobr><nobr>¡Ame.</nobr><nobr>De fa9on que loeuvre de Charles dOrléans nous appa-</nobr><nobr>raibrajÉcamine un ¿chantillon de la conscience tragique</nobr><nobr>naissante att has moyen</nobr><nobr>Age, conscience qui se surprend A habiter lespace dune privacité isolée, bm,</nobr><nobr>déjá, de la Nature qui avait été créée pour lui. Celle-ci, dans la fécondité de son</nobr><nobr>printemps souriant, a comniencé A oublier que le jardin de Pensee de Ihonime</nobr><nobr>est maintenant tout</nobr><nobr>Dest,-u/t dennuyeuse gelee</nobr><nobr>(Rondeau 257).</nobr><nobr>REFERENCIAS BIBLIOGRÁFICAS</nobr><nobr>CHAMPION,</nobr><nobr>P. (1969). Vie de Charles dOrléans.</nobr><nobr>Paris. Champion.</nobr><nobr>IJORLFANs,</nobr><nobr>Charles. (1982 et 1983).</nobr><nobr>Poésies.</nobr><nobr>Paris: Chatnpion, 2 vol. Ed. de P. Cham-</nobr><nobr>pion.</nobr><nobr>FRoIssáRT, Jean. (1986). Le Paradis dAníour. LOrloge amaureus. Paris: Droz.</nobr><nobr>PLANCHE,</nobr><nobr>A. (1975). Charles dOrléans ou la recherche dun langage. Paris: Cham-</nobr><nobr>pion.</nobr><nobr>POIRtON,</nobr><nobr>D. (1965).</nobr><nobr>Lepoéte et leptince. Lévolution du Irisnie caurtais de Gujílaume</nobr><nobr>de Machaut ¿ Charles dOrléans.</nobr><nobr>Paris: PUF.</nobr><nobr>SAsAKI,</nobr><nobr>S.</nobr><nobr>(1974). Sur íe titéme de Nonchalair</nobr><nobr>Jons</nobr><nobr>lapaésie</nobr><nobr>de Charles dOrléans. Pa-</nobr><nobr>ns: Nizel.</nobr><nobr>Cf. D. Poirion, 1965: 607: La ctaún-e ca pu,</nobr><nobr>en</nobr><nobr>cifel. n¡anifrster la préseec-c divine. Et taus</nobr><nobr>it</nobr><nobr>en sornmcs íã suipris puisque le nionde et la vie orn perdu, au ¡-egaid d une ¿<uriosité huntai-</nobr><nobr>nc coulour.s plus positive e! hm-dic. Icor carae.-íé-e naétaphysique u sacré. Eortu¡tc ct Nature</nobr><nobr>/c-est-á-di¡-e, lafatalité] sant chargées dadnainistrer les citases dont Dieu scsi ,eti,é.</nobr><nobr>7KW/etc. Revista Cotnplutcrtsc cte Estudios Franceses</nobr><nobr>177</nobr><nobr>2000,15:167-177</nobr>
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