• Titre : L’esclave des Caraïbes

    Auteur : Unity Hall

    Editeur : Belfond - 1992

    Titre original : Windsong

    Traduit de l’anglais par Claude Lemoine

    Collection : Le Livre de Poche

    574 pages

    ISBN : 2253139165

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    Il est bon de se laisser entraîner parfois dans l’aventure d’un récit au romanesque convenu, où les épisodes s’enchaînent naturellement bien que constitués de rebondissements invraisemblables, qui maintiennent l’attention continuellement en suspens.

    Ce n’est certes pas là de la grande littérature.

    Mais cela permet de passer quelques heures agréables, comme devant un film aux séquences bien construites.

    Amelia, son frère Zachary et son cousin Ben, jeunes Anglais dont la famille a été mêlée à un complot contre le roi, sont déportés et vendus comme esclaves dans une île des Antilles.

    La situation de départ est donc singulière à souhait : des blancs, dont une jeune fille vierge, se retrouvent, dans une plantation, à partager les conditions de vie des esclaves africains, soumis comme eux au bon vouloir et à tous les pouvoirs, y compris celui de cuissage, d’une famille de maîtres.

    L’intérêt est de raconter l’histoire quotidienne, somme toute classique et qui a donné lieu à une abondante série de romans depuis La Case de l’oncle Tom, et, plus récemment, à un déferlement de feuilletons télévisés, des relations entre maîtres et esclaves sur une plantation sucrière, à partir du point de vue d’une esclave à la fois semblable aux autres et différente.

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    Bien entendu, les thématiques narratives de l’auteure, elle-même anglaise, découlent de sa propre culture d’appartenance.

    Bien entendu, les destins d’Amélia, jeune, belle, sensuelle, violée par le maître et follement amoureuse d’un esclave qui lui donne une fille, de Ben, violé par Justinian, le fils du maître, et de Zacharie, meurtrier, pour venger son cousin, de Justinian, seront exceptionnels.

    Bien entendu, les trois blancs ne peuvent pas finir esclaves. Ce ne serait pas littérairement correct.

    Bien entendu, Amélia, Ben, et Zacharie, au terme d’une vie pleine d’aventures, se retrouvent quasiment propriétaires de toute l’île et d’une multitude d’esclaves qu’ils traitent, bien entendu, mieux que leurs pairs planteurs, mais qui n’en sont pas moins esclaves car il faut bien, n’est-ce pas, que l’Europe puisse continuer à se sucrer...

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    Une fois que le lecteur vigilant a repéré les ambiguïtés idéologiques et s’en est accommodé, il n’en reste pas moins un récit prenant, des personnages hauts en couleur avec leurs nombreux défauts et leurs quelques qualités, et, peut-être, une peinture assez juste de la vie des plantations.

    Les ingrédients sont bien dosés, et bien répartis dans le fil du récit : scènes de violence, scènes émouvantes, scènes de sexe, remarques anti-esclavagistes compensatoires, tout y est.

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    Patryck Froissart, Boucan Canot, le 27 octobre 2007


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  • Titre : La bâtarde d’Istanbul

    Auteur : Elif Shafak

    Editeur : Phébus – Paris - 2007

    Titre original : The Bastard of Istanbul<o:p></o:p>

    Traduit de l’anglais par Aline Azoulay

    320 pages

    ISBN : 9782752902788

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    Amy, une jeune étudiante de l’Arizona, est la fille de Rose, une Américaine « bon teint » et de Barsam, un descendant de ces Arméniens qui ont émigré massivement aux Etats-Unis pour fuir les exactions turques. Ses parents ayant divorcé, elle partage son temps entre sa famille arménienne et sa famille américaine, celle-ci composée de sa mère et de son beau-père, Mostapha, un Turc récemment immigré avec qui Rose a choisi de vivre par provocation à l’encontre de la parentèle de son premier époux.

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    Asya, une jeune étudiante turque d’Istanbul, est la fille de Zéliha, une Turque moderne, célibataire et anticonformiste, et, bâtarde, ignore qui est son père. Elle vit avec sa mère et ses tantes dans une grande maison uniquement habitée par des femmes, entre qui, subtilement, planent de lourds secrets. Fruit d’une faute maternelle dont elle ignore tout, tout en copiant la modernité et la liberté de sa mère, elle vit avec elle une relation quotidiennement conflictuelle.

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    L’envie vient à Amy de connaître la ville d’origine de ses ancêtres paternels.

    Elle se rend, à l’insu de ses deux familles d’Amérique et de son beau-père, à Istanbul où elle se fait héberger la famille de ce dernier, qui se trouve être celle d’Asya.

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    L’arrivée d’Amy à Istanbul au début du XXIe siècle, c’est la résurgence, brutale, de l’Histoire tragique du début du siècle précédent. Amy, de son vrai prénom, arménien, Armanoush, involontairement, déclenche, par son irruption, des réminiscences douloureuses d’un passé tragique collectif, qualifié de génocide par les uns et d’événements historiques circonstanciels par les autres, et de drames personnels soigneusement refoulés.

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    Au cours du récit, on découvre, détail par détail, les terribles liens qui unissent, au passé et au présent, Armanoush et Asya, et dont la révélation provoque une nouvelle tragédie familiale.

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    L’étroite intrication de l’histoire, sur quatre générations, des familles d’Asya et d’Armanoush, et l’amitié qui naît, irrésistiblement, entre les deux jeunes filles, révèle clairement le dessein de l’auteure, elle-même Turco-américaine, de montrer que le destin des deux communautés, en dépit de la fracture qui s’est produite entre elles en 1915, des crimes qui ont été commis, et des cicatrices, encore vives, qu’ils ont laissées dans les mémoires, et qu’il ne convient pas d’effacer, est de se retrouver un jour, fatalement, et d’accepter, ou de refuser de se reconnaître comme parties d’une même famille, partageant une même culture, symbolisée ici, de façon très sensuelle, et intime, par la similitude des goûts et usages culinaires (chaque chapitre portant en titre un ingrédient de cet art commun, y compris le plus toxique, celui qui a empoisonné les relations entre Turcs et Arméniens).

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    Réconciliation possible ? Haine irréductible ?

    Le roman pose la question, ce qui, en soi, est encore aujourd’hui une démarche ardente, pleine de risque, puisque l’auteure, Elif Shafak, dont il faut saluer le courage, a été traduite devant la justice turque et n’a dû son acquittement qu’au soutien massif de personnalités de tous pays.

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    Il faut lire ce livre, qui réduit en miettes de nombreuses idées reçues sur la Turquie d’aujourd’hui et sur la tragédie turco-arménienne.

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    Patryck Froissart, Boucan Canot, le 27 octobre 2007


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  • Titre : Histoire de Mayta

    Auteur : Mario Vargas Llosa

    Editeur : Gallimard - 1986

    Titre original : Historia de Mayta

    Traduit de l’espagnol par Albert Bensoussan

    Collection Folio

    ISBN 2070314111

    482 pages

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    Le narrateur, journaliste écrivain, se faisant passer pour un de ses anciens condisciples, enquête sur la vie du Péruvien Mayta, qui, dans sa jeunesse, fut, dans le Pérou des années 50/60 parcouru, comme tous les pays d’Amérique Latine, par des mouvements sporadiques, réprimés férocement, de revendication prolétarienne et paysanne, un agitateur local, membre d’un groupuscule d’intellectuels trotskistes.

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    Le procédé romanesque, original, dessine peu à peu, par ce que lui racontent, souvent avec des points de vue contradictoires, les personnages qui ont connu Mayta, le portrait d’un héros à la fois pitoyable et admirable de naïveté, d’idéalisme et de foi révolutionnaire, qui rate toutes les actions qu’il entreprend et finit par passer une partie de sa vie en prison pour avoir participé à deux attaques de banques en vue d’alimenter les caisses d’autres groupes combattants. Bien que l’argent volé ainsi ait été détourné par ses complices, Mayta, par conviction, ne veut pas le savoir, et refuse de les dénoncer, ce qui lui vaut d’être condamné lourdement.

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    Les éléments recueillis par le narrateur se croisent, se superposent, affinent ou déforment la figure de Mayta, et retracent, en toile de fond, le passé mouvementé du pays, tandis que le narrateur évolue lui-même dans un présent tragique qu’il rapporte, en journaliste, à la fois en tant que témoin direct et au travers des commentaires et de la situation des personnages rencontrés.

    Le récit se nourrit des luttes d’influence entre staliniens, léninistes et trotskistes, des échos de la grande aventure révolutionnaire de Che Guevara et des frères Castro, et de la confiance en l’aide éventuelle de l’Internationale Socialiste et des partis communistes.

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    On doute, par moments, de la réalité de Mayta, et le narrateur entretient le flou, alterne, souvent de façon déconcertante, les récits décalés des protagonistes, le récit direct, classique, qui met Mayta en scène au moment de son action, ce qu’il voit du Pérou au temps de sa quête, un métacommentaire subjectif à propos du héros et de ses actes, tout en ajoutant par-ci, par-là, des traits de sa propre invention d’écrivant, prêtant à Mayta, par exemple, des relations homosexuelles avec l’un des membres du groupe.

    <o:p> </o:p>

    Le roman est ainsi composé de manière très ingénieuse, multivoque, et invite le lecteur à démêler les fils de la trame afin de se faire sa propre représentation de Mayta.

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    Le lecteur qui a eu vingt ans à la fin des années 60 retrouvera en l’histoire de Mayta tous les espoirs, les aspirations, la pureté, les rêves, les utopies, et les désillusions de sa jeunesse.   

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    Patryck Froissart, Boucan Canot, le 6 novembre 2007


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  • Extrait de "L'éloge de l'opaque ellipse", publié à Maurice en 2006
    Ce texte est le poème initial, et initiatique, du recueil.



    Décembre agonissait mon vanneau de bassan <o:p></o:p>

     

    <o:p> </o:p>

     

                                       Son delta palpitait, vers l'’aine de la plage,<o:p></o:p>

     

                                       Orient pour ma remonte au primal Hermitage ;     <o:p></o:p>

     

                                       L'’aile incarnée, j’'allais, éludant l’'abandon,<o:p></o:p>

     

                                       L’'ergot en hallebarde écharpant le chardon. <o:p></o:p>

     

    <o:p> </o:p>

     

                                       Décembre érubescent acornissait ma penne<o:p></o:p>

     

    <o:p> </o:p>

     

                                       Filée du filao, rose métempsycose,<o:p></o:p>

     

                                       Elle pausait, plausible éclosion de ma prose,<o:p></o:p>

     

                                       Poème, ample inclusion dans l'’ambre du rayon,<o:p></o:p>

     

                                       D’'où Son inspiration ralluma mon crayon.<o:p></o:p>

     

    <o:p> </o:p>

     

                                       Décembre incendiait mon calame indécent<o:p></o:p>

     

    <o:p> </o:p>

     

                                       J’'eus Son nouveau baptême en ces fonts fatidiques<o:p></o:p>

     

                                       Quand Elle m'’enroula dans ses lèvres magiques :<o:p></o:p>

     

                                       Fard, son lied m'’enjôlait, nard, délire au palais,<o:p></o:p>

     

                                       Dard affolant ma lyre, art qui m’'affabulait.<o:p></o:p>

     

    <o:p> </o:p>

     

                                       Décembre calcinait mes rémiges obscènes<o:p></o:p>

     

    <o:p> </o:p>

     

                                       Ma fantastique noce eut la clôture dure : <o:p></o:p>

     

                                       Telle, la cascatelle, en robe de guipure<o:p></o:p>

     

                                       Et volants de cristal, dans un brutal fracas,<o:p></o:p>

     

                                       Prise au croc par le roc, rompt son bal délicat.<o:p></o:p>

     

    <o:p> </o:p>

     

                                       Décembre m’'abîma, sans Elle, incandescent   <o:p></o:p>

     

          <o:p></o:p>

     

                                       Atterré sur l'’estran par ma plume altérée,<o:p></o:p>

     

                                       Je laboure la plage où, soudain éthérée,<o:p></o:p>

     

                                       Elle eut cette assomption que la raison dément<o:p></o:p>

     

                                       Vers l'oe’œil aspirateur de son antique amant.<o:p></o:p>

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  •                        

    Extrait de "L'éloge de l'opaque ellipse", publié à Maurice en 2006

     

                            De quelle conque errante advint l'’accord magique<o:p></o:p>

                            Qui me remit en mer sur un quelconque esquif ?<o:p></o:p>

                            Vers quelle jonque urgente eus-je à quitter la crique<o:p></o:p>

                            Où je boxais le ciel sur mon banal récif ?<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

                            Je fus, dès abordé, gourmand de tes amandes,<o:p></o:p>

                            Et, pris aux rares lacs de ta natte opiacée,<o:p></o:p>

                            Evidemment mendiant, pour d'’immenses calendes,<o:p></o:p>

                            Des tracés lumineux de ta trouble odyssée.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

                            Nous bondîmes sans mal aux lames rugissantes<o:p></o:p>

                            Qu'’un dieu jaloux et vieux insuffle aux océans<o:p></o:p>

                            Quand deux errants dévient des régulières sentes<o:p></o:p>

                            Pour voguer loin des boues des faubourgs bienséants.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

                            Je connus l’'agrément de toutes tes voilures<o:p></o:p>

                            Sans qu'’en eût moindre vent ma gardienne du port,<o:p></o:p>

                            Puis revins ruminer ruiné dans mes pâtures, <o:p></o:p>

                            Débridé de tes cils et dédit de ton sort.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

                            Mes soirs de noirs tâtons, quand ton reflux me tale, <o:p></o:p>

                            J’'allume dans mon for une lanterne d’or<o:p></o:p>

                            Et, dans la volupté de la brume orientale,<o:p></o:p>

                            Lorsque le rêve arrive, ambre, louvoie ton corps.

     

     

    (Toute reproduction interdite sans mon autorisation)

    <o:p></o:p>

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