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Titre : Le chercheur dor
Auteur : J.M.G. Le Clézio
Editeur : Gallimard (NRF), 1985
ISBN: 2070702472<o:p></o:p>
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Le chercheur dor, cest le roman dun voyage, inachevé, car inachevable, dun homme à la recherche de soi.
Le parcours dAlexis, narrateur et personnage principal, est jalonné de tempêtes et de désastres, de pertes et fracas.
Lhistoire commence par une enfance un peu sauvageonne, un peu édénique, un peu robinsonne, dans la maison familiale, isolée dans larrière campagne de Rivière-Noire, à Maurice, non loin dun mystérieux Mananava, lieu mythique du héros marron Sakalava, qui hante les rêves daventures dAlexis et de sa sur Laure, pays du rêve nourri par les récits de Denis, le petit camarade créole dAlexis.
Mais très vite les éléments et les hommes vont se déchaîner.
Le premier naufrage, celui de son père, est financier, tout largent, tous les biens de la famille sombrant peu à peu dans des opérations ratées, et finissant dans les mains rapaces dun oncle qui nhésite pas à spolier son frère pour accroître ses propriétés cannières.
Le deuxième est celui de la maison, à moitié démolie par un cyclone qui la dévaste comme un navire jeté sur les récifs.
Le troisième est celui de la famille, qui échoue dans une habitation de misère, à Curepipe, loin dans les terres.
Le quatrième, après la mort du père, est celui dAlexis, contraint daller gratter du papier comptable, dans un bureau triste de lentreprise prospère de son oncle, pour nourrir pauvrement sa mère et sa sur.
Le cinquième est celui de Laure (lor ?), la sur dAlexis, lorsque leur complicité, leur amour exclusif, est rompue par le brusque projet de départ dAlexis, qui, de plus en plus atteint par une fièvre de lor (Laure ?) qualimentent les cartes et documents laissés par son père, relatifs à lîle où serait caché le fabuleux trésor dun des fameux pirates de lOcéan Indien ou la merveilleuse rançon dAurengzeb, le fils de Shah Jahan, bâtisseur du Taj Mahal.
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Il y aura bien dautres naufrages, à Rodrigues, à Maurice, en France dans les tranchées de la première boucherie du vingtième siècle, puis à nouveau à Rodrigues, dans la vallée de lAnse aux Anglais. Sombrera aussi lamour qui unit Alexis à Ouma, létrange et belle et jeune et sensuelle manaf quil retrouvera plus tard à Maurice pour un ultime naufrage dans le Mananava enfin redécouvert. Sombrera encore, dans les remous tumultueux de lémeute prolétarienne, la société coloniale mauricienne issue de lesclavagisme et de lengagisme
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Le chercheur dor est un roman dense, riche, incrusté de poésie, dont le jeu, circulaire, itératif, entraîne dans une ronde enivrante dont on sort complètement chaviré.
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Il faut lire, dans son sillage, Le Voyage à Rodrigues, du même grand écrivain.
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Patryck Froissart, le 23 juin 2006
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Titre : Le moine, lOttoman et la femme du grand argentier
Auteur : V. Khoury-Ghata
Editeur : Actes Sud 2003
ISBN 2742749241
Collection Babel
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A la fin du 18e siècle, alors que commence lépopée napoléonienne, un moine trinitaire, le frère Lucas, quitte son monastère savoyard, avec un âne et une mission : retrouver et ramener à son époux, le grand argentier de Saint Jean dAcre, Marie, femme doublement infidèle qui sest enfuie avec Jaffar Bey, ambassadeur du sultan ottoman Sélim III, et la épousé, scandaleusement, sous le régime de la mitaa (régime matrimonial musulman qui permet à un homme dépouser une femme pour un temps limité et uniquement pour le plaisir, à lexclusion de toute fin de procréation).
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Lordre des Trinitaires sest spécialisé dans la recherche et le rachat des chrétiens capturés et mis en esclavage par les Barbaresques.
Un périple initiatique entraîne le jeune moine, jusqualors ignorant des réalités du monde séculier, tout autour de <ST1:PERSONNAME w:st="on" productid="la Méditerranée">la Méditerranée</ST1:PERSONNAME>, à travers lEspagne, où il fait la connaissance de Goya, puis le Maghreb, où il découvre lIslam et perd sa virginité avec létrange Amina, vit quelque temps chez la chaleureuse Maryamou, Touareg chrétienne, et chemine jusquen Anatolie, sur les traces de Marie, de qui il est devenu amoureux fou, et dont il croise la route à plusieurs reprises (la rencontre nocturne dans un ancien palais dun roi des Aurès, devenu la folle demeure dun ex-ambassadeur de France en Turquie qui sest converti au soufisme et se fait appeler Sidi Alphonse est dun romantisme échevelé).
Il perd plusieurs fois son âne, est volé, battu, devient, dans un hameau macabre, polisseur dobjets récupérés dans les tombes antiques, seul homme à travailler dans le quartier des femmes dont les cuisses ouvertes excitent à la fois son souvenir dAmina et son désir de Marie, est jeté en prison, et vit une cascade daventures jusquà ce que Marie, rejetée par son amant, naufragée sur les côtes dAlger, meure en mettant au monde le bâtard de Jaffar.
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Récit rocambolesque, certes, mais plutôt riche denseignements sur les cultures méditerranéennes de lépoque, sur la confrontation des mondes chrétien et musulman, sur la vision, par les personnages orientaux, dun Occident dont les ambitions expansionnistes, hégémoniques et universalistes commencent à se lire dans lHistoire immédiate.
Récit trop rocambolesque toutefois, dont les intrigues ne vont pas toujours à leur fin, ou s'entremêlent de façon brouillonne.<O:P></O:P>
Curieusement, par ailleurs, le rythme de la narration est soudainement rompu par lauteur aux deux tiers du récit, lorsque le personnage principal, le moine Lucas, par les yeux de qui le lecteur vit laction, est remplacé par Yakout, lesclave de Marie.Ce changement dangle, regrettable, nest pas une réussite littéraire.
Abstraction faite de cette erreur décriture, le roman vaut dêtre lu.<O:P></O:P>
Patryck Froissart, le 2 juillet 2006
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Titre : Léon lAfricain
Auteur : Amin MAALOUF
Editeur : Jean-Claude Lattès, 1986
ISBN : 2253041939
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Moi, Hassan fils de Mohamed le peseur, moi, Jean-Léon de Médicis, circoncis de la main dun barbier et baptisé de la main dun pape, on me nomme aujourdhui lAfricain, mais dAfrique ne suis, ni dEurope, ni dArabie. On mappelle aussi le Grenadin, le Fassi, le Zayyati, mais je ne viens daucun pays, daucune cité, daucune tribu. Je suis fils de la route, ma patrie est caravane, et ma vie la plus inattendue des traversées.<O:P></O:P>
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Ces premières lignes dun roman dune rare densité résument à elles seules le personnage qui donne par ailleurs son titre au livre : Léon lAfricain.
La vie dHassan-Léon est un livre dHistoire, jalonné de chutes et de naissances dempires. Il faut dire quen la matière lépoque (fin du XVe et début du XVIe siècles) a été particulièrement riche.
Hassan al Wazzan, Maure de Grenade, vit dabord le désastre de <ST1:PERSONNAME w:st="on" productid="la Reconquista">la Reconquista</ST1:PERSONNAME>, la reddition humiliante de Boabdil, puis lexil au Maghreb, la période trouble des attaques portugaises et castillanes contre sa nouvelle patrie, les guerres intestines auxquelles est mêlé le sultan de Fès Lénumération des événements historiques auxquels il est mêlé, dont il est parfois partie prenante et souvent victime, serait trop longue, égrenée de Grenade à Rome en passant par Fès, Sijilmassa, Tombouctou, Tefza, Gao, Assouan, Alger, Tunis, Le Caire, Constantinople
Hassan connaît tour à tour toutes les conditions : bourgeois de Grenade, sujet des derniers rois maures puis dIsabelle et de Ferdinand, émigré pauvre à Fès, conseiller du sultan Mohamed, riche négociant, poète de cour, ambassadeur, proscrit, banni, esclave, protégé du pape Léon de Médicis
Hassan aime toutes les femmes, sa demi-sur Mariam la chrétienne, Hiba, lesclave qui lui est offerte par le pacha de Ouarzazate, sa cousine Fatima, Nour <ST1:PERSONNAME w:st="on" productid="la Circassienne">la Circassienne</ST1:PERSONNAME>, Maddalena <ST1:PERSONNAME w:st="on" productid="la Maure">la Maure</ST1:PERSONNAME> convertie
Hassan est musulman, puis chrétien catholique, combattant contre les Luthériens.
Hassan est lhistorien vivant lHistoire, la subissant et lécrivant, et, parfois, la faisant.
Hassan est tout à la fois Jehan Froissart, Marco Polo, Machiavel et Ibn Batouta.
Hassan vit en une vie ce que 40 vies ne couvriraient pas.
Le roman est construit de 40 chapitres, représentant chacun une année de la vie du héros, chacun dédié, par son titre, à un événement ou à un personnage marquants.
uvre magistrale, Léon lAfricain doit se lire 40 fois.
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Magnifique !
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Patryck Froissart, le 3 juillet 2006
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Titre : Maktub
Auteur : Paulo Coelho
Editeur : Anne Carrière (Paris, 2004)
ISBN : 2843372658
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Maktub !<o:p></o:p>
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Tout est écrit davance ! Tout ce qui vient devait venir !<o:p></o:p>
Ainsi peut-on traduire approximativement lexpression fataliste quutilisent les musulmans pour expliquer, voire justifier, tout événement, bon ou mauvais, qui les touche ou dont ils sont témoins.<o:p></o:p>
Appliqué à la littérature, le mot signifie que tout livre a déjà été écrit.<o:p></o:p>
Cest exactement, et de façon très concrète, très matérielle, ce quon peut dire de ce livre de Paulo Coelho. <o:p></o:p>
Ainsi lauteur la-t-il dailleurs intitulé.<o:p></o:p>
Est-ce malice ? <o:p></o:p>
Est-ce cynisme ?<o:p></o:p>
Un titre bien ample, dun auteur si grand, pour un livre si petit !<o:p></o:p>
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« Maktub est né dune proposition que ma faite au téléphone Alcino Leite Neto, directeur du cahier Illustrada de la Folha de Sao Paulo » affirme lauteur dans une note en prologue.<o:p></o:p>
Tout est écrit, en vérité, dans cette note !<o:p></o:p>
Car il nest nul besoin, en effet, de tourner beaucoup de pages pour que naisse le malaise, la nauséeuse impression de lire, puis de feuilleter un écrit de commande, une compilation, parsemée, sans bonheur, sans amour, sans la passion du jardinier, de phrases transplantées, de sentences pompeuses fichées dans un bac stérile, telles des orchidées arrachées à leur sous-bois luxuriant, quon aurait disposées dans un vase vide ou repiquées dans un jardin fait de ternes artifices.<o:p></o:p>
Ces textes courts, composés pour les besoins dune rubrique régulière de la Folha de Sao Paulo, sinscrivaient sans doute naturellement dans le contexte du journal. Enfilés sur 200 pages, ils deviennent ornements clinquants, arborés sur sa poitrine par lauteur comme les médailles cliquetantes que bombe un vieux militaire.<o:p></o:p>
Que lenfilade est, par surcroît, en loccurrence, ennuyeuse, comme toutes les revues et parades !<o:p></o:p>
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Il faudrait sinterdire de présenter Maktub comme une « uvre » de Paulo Coelho. Luvre est construction, édifice, ou nest pas uvre, lorsquelle est de littérature. A peine pourrait-on parler d« ouvrage », sans même y découvrir la noblesse que peut avoir le tricot réalisé sur son métier par louvrière attentive. <o:p></o:p>
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Que Paulo Coelho me prête son nom qui fait vendre, et je veux bien mamuser à pondre (ce verbe est impropre, il est trop beau, car il connote création, effort et souffrance) un recueil du même prix, sans pour cela me prendre pour un grand auteur.<o:p></o:p>
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Certes, recueillir et rassembler ce qui est épars, dans un ensemble thématique, nest pas acte indigne, sauf lorsquil est le fait dun écrivain ayant la notoriété dun Coelho, qui donne ici, et cest bien triste, le sentiment de tromper sciemment le lecteur sur une « marchandise » portant son « label ».<o:p></o:p>
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Maktub !<o:p></o:p>
Si cest écrit déjà, pourquoi lécrire encore ?<o:p></o:p>
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Les grands esprits ont, hélas, leurs petites faiblesses : maktub !<o:p></o:p>
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Que cette note de lecture ne nous détourne pas, pour autant, des vraies uvres de Paulo Coelho !<o:p></o:p>
Mais, si, comme moi, vous avez aimé dautres livres de cet auteur, nachetez pas celui-ci !<o:p></o:p>
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Patryck Froissart, à El Menzel, le 11 juillet 2006
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Titre : Ourania
Auteur : J.M.G. Le Clézio
Editeur : Gallimard (NRF, 19 janvier 2006)
ISBN : 2070777030
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Lire un nouveau roman de Le Clézio, cest toujours prendre un bateau, un train, un chameau pour un long voyage vers nulle part, non pas vers une nulle part synonyme de vide et de rien, mais au contraire vers cette contrée riche détrangeté, remplie de poésie, pleine des désespoirs les plus beaux que lauteur crée ou recrée à chaque roman, tantôt dans une vallée déserte de Rodrigues ou de Maurice (Le Voyage à Rodrigues, Le Chercheur dOr) tantôt dans un environnement où lhorizon est tout aussi circulaire, clos et infini à la fois (Désert), tantôt, comme ici, à Ourania, dans une « cité du soleil » perdue au milieu des volcans de louest mexicain.
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Laction leclézienne, où quelle se déroule, situe récuremment ses personnages dans un univers insulaire, dans un îlot, qui peut dailleurs être mobile, car les héros de Le Clézio transportent lîle, autour deux, (comme une bulle, diraient peut-être les psycho-psychas), aussi bien aussi en eux.
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Ce nest pas un hasard si le narrateur principal, géographe et poète, sappelle ici Daniel Sillitoe : ce nom névoque-t-il pas un certain Daniel Defoe, et son Crusoe ?
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« Jai inventé un pays » est le titre du premier chapitre, où le narrateur principal raconte son rêve denfant, prémonitoire de sa future rencontre avec la république dOurania et, à sa marge, la colline des anthropologues et le centre du savoir de lEmporio.
On y devine, évidemment, au-delà de laction initiale, instigatrice, dynamique, du roman, le mécanisme fondateur de la démarche littéraire du romancier, lune des clés de son imaginaire créateur.
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Donc Daniel Sillitoe, jeune géographe français, arrive, probablement vers le milieu des années 80, dans une ville quon nomme La Vallée, après avoir fait la connaissance, dans le car, de Raphaël, qui lui parle, sobrement, de létrange village de Campos, où il vit, très à lécart de La Vallée.
Daniel, oubliant lobjectif scientifique de son voyage, qui est dopérer, plus loin, en ligne droite, des relevés topographiques et géologiques du Paricutin à la vallée du Tepalcatepec, sinstalle dans La Vallée, où les rencontres vont se succéder et se croiser.
Daniel entame une liaison amoureuse avec Dahlia, révolutionnaire portoricaine en exil, est introduit dans un cercle intellectuel en formation, constitué surtout danthropologues en mal dexotisme et de révolution, recherche passionnément Lili, une prostituée quil idéalise, et quil se fait un devoir missionnaire de sauver de sa condition, et reçoit les confidences écrites de Raphaël décrivant la vie à Campos, la nouvelle Utopia (lOurania de son rêve denfance).
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Lhistoire dOurania, inscrite dabord dans un tiroir du roman, sous forme épistolaire, par Raphaël, devient vers la fin du livre lintrigue principale, avec changement de narrateur.
Les personnages en sont attachants, de Raphaël, lange, placé là tout enfant par son père en rupture de geôle, au couple édénique Christian et Hoatu, au conseiller Jadi, le fondateur charismatique de la communauté, jusquau judas Efrain, qui trahira, comme il se doit.
Car la trajectoire de la petite société hippie, chassée de Campos par une expropriation bien orchestrée par les investisseurs locaux (les grands problèmes agraires du Mexique font contexte au roman) se termine tragiquement, et, comme toute Utopie (au sens étymologique), Ourania, après une épopée passionnante qui entraîne ses membres jusquà lîle de la Demi-Lune (terre promise qui se révèle enfer), puis, normativement, se dissout peu à peu dans le « non-lieu ».
Lhistoire de Daniel est tout aussi conforme à la norme, à la règle : il quitte La Vallée, accomplit sa mission officielle (abandonnant donc le cercle romanesque de tous les possibles pour la ligne droite, réaliste, concrète, de laction), rentre en France, devient professeur dhistoire et de géographie dans le collège de Blainville en Seine-Maritime, et soffre vingt-cinq ans plus tard, en 2009, un voyage pèlerinage au cours duquel il ne reconnaît plus rien
Il ne retrouve que Dahlia, vieillie, avec laquelle il peut pourtant conclure :
« En attendant, les régions les plus pauvres de la planète continuent à sombrer dans les guerres larvées et linsolvabilité. Il ny a plus quun grand mouvement dexode, une sorte de vague de fond qui se brise continuellement sur lécueil de la frontière. Il ny a pas de quoi être optimiste. Pourtant, ce qui nous unit encore, Dahlia et moi, ce qui nous permet despérer, cest la certitude que le pays dOurania a vraiment existé, den avoir été les témoins. »
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Voilà qui nous replonge dans la réalité dramatique de ce début de millénaire avec la liberté de nous dire que, tant quil y aura des Thomas More, des Fourrier, des Campanella et des Le Clézio pour nous bâtir des sociétés idéales, nous pourrons nous permettre, nous aussi, despérer !
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Patryck Froissart, à El Menzel, le 11 juillet 2006
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