• Titre : L’enchanteresse de Florence

    Auteur : Salman Rushdie

    Editeur : Plon (2008)

    Traduit de l’anglais par Gérard Meudal

    Titre original : The Enchantress of Florence

    ISBN: 9782259193450

    407 pages

     

    L'Enchanteresse de Florence est un livre qui m'a trois ou quatre fois agacé, deux ou trois fois ennuyé, cinq ou six fois déçu, et mille et une fois enchanté, comme le voulait son titre.
    J’ai aimé le foisonnement des personnages, même si j'ai eu, parfois, du mal à m’y retrouver.
    J’ai aimé les clins d'yeux de l’auteur au lecteur, les références explicites ou masquées à l'Histoire, même si je me suis parfois perdu dans la multiplication et l'imbrication,  qui m’ont semblé quelquefois forcées, des histoires et des destins individuels.
    J'aime les écrivains cultivés, et dont l'écriture enrichit ma culture, et ici j'ai été comblé, d'autant mieux que, par coïncidence, j'ai lu beaucoup ces derniers temps à la fois sur le quattrocento/quintocento, l'épidémie de vérole napolitaine et l'Inde des Moghols (il se trouve que j'ai visité il y a 3 ou 4 ans Fatehpur Sikri, et que les émotions de lecture sont toujours aiguisées par la connaissance du lieu de l'histoire). Sur ce point, l'Enchanteresse m'a passionné, même si foison parfois est quasiment devenue poison, par une trop forte pollution de l'Orient par l'Occident et réciproquement (je ne suis pas persuadé que les deux mondes aient pu s'interpénétrer ainsi, même dans l'esprit de grands personnages: on sait d'ailleurs que le grand Akbar n'avait rien d'un lettré).
    J'aime le style de Rushdie, même si j'ai déploré ici des faiblesses, une certaine tendance à la facilité, que j'ai tenu à attribuer à la traduction.
    J’ai aimé le mélange du réalisme et du merveilleux, le recours au dessein narratif des Mille et Une Nuits). Je trouve que dans l'Enchanteresse le passage de l'un à l'autre est toujours réussi, et ces transferts poétiques m’ont charmé.
    J’ai aimé, comme dans ses autres romans, la fantaisie, volontairement débridée, de Rushdie (en particulier dans Les versets sataniques). J’ai tiqué sur le choix de l'appellation "Mogor d'ell amor", qui fait Commedia dell’Arte, puis j’ai admis que le nom que s’est ainsi attribué le héros correspond à son caractère florentin, et s’inscrit naturellement dans la propension de ses contemporains à se parer de titres.
    Un ami lecteur m’a confié qu’il voit en Jodha, l’épouse irréelle que se donne Akbar, la femme idéale, réunissant la science amoureuse et la retenue musulmane que l’empereur quête et qu’il ne trouve pas en ses femmes officielles. L’idée est intéressante, et donne quelque apparence au rêve des empereurs moghols de syncrétiser islam et hindouisme : j’y superpose l’image de Marie, parce que le roman se déroule en parallèle dans le Rajastan et dans la bulle papale. Voir la sensualité légendaire de l’hindoue et la sagesse présumée de la musulmane transposées dans les apparitions de la Vierge chrétienne me séduit, et ne m'étonne pas de la part de Rushdie.
    Rushdie excelle dans l'art de mêler le comique au tragique. Cela me plaît.

    Les références bibliographiques à la fin du livre constituent un petit trésor, qu'il faut porter au crédit de l'auteur (rien ne l'obligeait à citer ses sources).

    En conclusion: j’ai lu avec délectation l'Enchanteresse de Florence, bien que pour moi ce roman ne soit pas des meilleurs de Rushdie.

     

    Patryck Froissart, Plateau Caillou, le 26 mai 2009.


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