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L'équilibre du monde
Titre : Léquilibre du monde<o:p></o:p>
Auteur : Rohinton Mistry
Editeur : Albin Michel, 1998
Titre original : A fine balance
Traduit de langlais par Françoise Adelstain
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Ce long roman de 700 pages nous introduit dans lInde contemporaine pour nous y faire partager lintimité de personnages croqués à la façon dEugène Süe ou de Charles Dickens.
Au centre dun tourbillon réaliste qui va broyer cruellement la plupart des protagonistes se trouve Dina Dalal, une jeune et jolie veuve, anticonformiste, qui se voit contrainte, pour ne pas dépendre financièrement de son frère, daccueillir chez elle un hôte payant, jeune étudiant, et deux tailleurs qui fabriquent pour elle à la pièce des robes quelle vend à une entreprise de prêt-à-porter locale.
Lauteur raconte successivement le passé de ces 4 personnages principaux, puis ce quils vivent ensemble durant une année universitaire, et ce quils deviennent après leur séparation.
Les destins sont tragiques, sur contexte dune Inde qui se modernise et se « démocratise » de manière anarchique, dans la corruption, le non-droit, la cruauté, limplacable application des règles archaïques qui régissent les relations entre les castes, limpitoyable loi du plus fort, et leffondrement de tous les espoirs déchapper à la rigidité sociale.
Le Roi des Mendiants, exploiteur et protecteur cynique des mendiants de la ville, dont le cul-de-jatte Shankar, mutilé peu après sa naissance de façon à susciter la pitié des passants, le collecteur de cheveux qui finit par tuer pour assurer sa moisson, le receveur des loyers, Ibrahim, qui se fait un honneur dappliquer les menaces dexpulsion des locataires ne pouvant plus payer, le policier Kesar, qui conduit sans pitié les démolisseurs des bidonvilles installés, avec la complicité de responsables municipaux corrompus sur les lieux publics, tous sont à la fois répugnants et pitoyables, chacun montrant, étonnamment, en certaines circonstances des sentiments dune beauté dont on ne les aurait pas crus capables.
Les situations, les dialogues, les lieux sont dun réalisme cru, trivial, révoltant, horrifiant parfois. Mais la vulgarité, lobscénité, la pourriture humaine sinscrivent de façon tellement naturelle dans cette immense cour des miracles que le lecteur sy fait vite, dautant que, dans cet univers nauséeux, les quatre personnages centraux, ainsi que dautres rencontrés au hasard de chacune de leurs destinées, apparaissent comme peu à peu sanctifiés par leurs propres actes, dépouillés progressivement de leurs défauts, et de leurs ambitions.
Les fumiers les plus puants nourrissent toujours des roses...
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Patryck Froissart, le 29 janvier 2006
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