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Le dit dou florin
Le dit dou florin
Pour bien savoir argent desfaire,
Si bien qu'on ne le scet refaire,
Rapiecer ne remettre ensemble
Car tel paour a que tous tremble
Quand il est en mes mains venus,
Point ne faut que nulle ne nuls
Voist à Douay ou à Marcienes,
A Tournay ou à Valencienes,
Pour quérir nul millour ouvrier
Que je sui l'esté et l'ivier,
Car trop bien délivrer m'en sçai.
Je l'alève bien sans assai
Ne sans envoyer au billon.
Aussi à la fois m'en pillon
Aux dés, aux esbas et aux tables,
Et aux aultres jus délitables;
Mès pour chose que argens vaille,
Non plus que ce fust une paille
De bleid, ne m'en change ne mue.
Il samble voir qu'argens me pue;
Dalès moi ne poet arrester.
J'en ai moult perdu au prester;
Il est fol qui preste sans gage.
Argent scet maint divers langage;
Il est à toutes gens acointes;
Il aime les beaus et les cointes,
Les nobles et les orfrisiés,
Les amourous, les envoisiés,
Les pélerins, les marchéans,
Qui sont de leurs fais bien chéans,
Ceus qui sievent soit guerre ou jouste;
Car à tels gens argent ne couste
Nulle chose, ce leur est vis;
Dalès euls le voïent enuis.
Argent trop volentiers se change;
Pour ce ont leur droit nom li change;
Pas ne le scevent toute gent.
Change est paradys à l'argent,
Car il a là tous ses déduis,
Ses bons jours et ses bonnes nuis;
Là se dort-il, là se repose;
Là le grate-on, c'est vraie chose!
A suivre
Tags : le dit dou florin, jehan froissart
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