• Varia

    L’exemple chevaleresque dans la poésie de Jean Froissart.

    Silvère Menegaldo

    Texte intégral

    1Malgré le caractère exceptionnel du Roman de la Rose de Guillaume de Lorris dans le paysage littéraire de la première moitié du XIIIe siècle, le récit de ce songe allégorique est loin d'être dépourvu de liens avec les oeuvres qui l'ont précédé, en particulier les romans de chevalerie. La structure du récit et son déroulement, qui en font une quête à caractère initiatique, de fréquentes références à l'univers courtois et chevaleresque, autant d'éléments qui laissent apparaître le roman, tel qu'il a été constitué par Chrétien de Troyes, à l'arrière-plan de l'oeuvre de Guillaume de Lorris. Bien plus, l'univers chevaleresque vient parfois affleurer à la surface du texte, comme pour donner, par la mention d'un nom bien connu par exemple, un indice de sa présence. Ainsi le dieu d'Amour délivrant son enseignement au héros narrateur, en lui commandant d’abord de renoncer à toute médisance, se trouve illustrer ses propos d'exemples empruntés au roman de chevalerie :

    • 1  Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. F. Lecoy, Paris, Champion, (...)

    N'est pas proece de mesdire ;
    A Keu le senechal te mire,
    Qui jadis par son moqueïz
    Fu mal renomez et haïz.
    Tant con Gauvains, li bien apris,
    Par sa cortoisie ot de pris,
    Autretant ot de blasme Keus,
    Por ce qu'i fu fel et crueus,
    Remponieres et mal paliers
    Desor toz autres chevaliers.1

    2Dans un tel contexte, l'évocation de ces deux célèbres personnages de l'univers arthurien peut apparaître surprenante. Pourtant les noms de Keu et de Gauvain jouent pleinement leur rôle d'exemples, à la fois au sens rhétorique du terme, dans la mesure où l'illustration qu'ils offrent aux propos du dieu Amour vient renforcer leur force persuasive, et au sens didactique, puisqu'ils sont aussi proposés au narrateur comme modèles à suivre. Nul n'est besoin d'en référer à un roman particulier ou à l'un de ses épisodes : ces deux personnages semblent suffisamment connus pour que la seule mention de leur nom, accompagnée d'une courte glose, confère à ces exemples toute leur efficace rhétorique et didactique.

    3A peine apparus dans le paysage littéraire, d’ores et déjà célèbres et dignes d'être offerts en exemples, ces héros chevaleresques, et d'autres encore, sont promis à une longue postérité dont témoignent non seulement les innombrables romans qui leur sont consacrés, mais aussi leur présence dans un contexte moins attendu, celui de la poésie, qu'il s'agisse des chansons de troubadours et de trouvères ou, au XIVe siècle, des dits narratifs de Guillaume de Machaut ou de Jean Froissart. En effet, chez ce dernier surtout, citer des noms de chevaliers est un réflexe particulièrement fréquent, caractéristique de son écriture poétique, que l’on retrouve aussi bien dans des dits relativement brefs comme Le Paradis d'Amour ou Le Dit dou bleu Chevalier que dans le triptyque formé par L'Espinette amoureuse, La Prison amoureuse et Le Joli Buisson de Jonece. Aussi nous apparaît-il légitime de nous interroger sur les raisons de ces références réitérées à l'univers chevaleresque, que ne suffisent certainement pas à expliquer les liens privilégiés du futur chroniqueur avec le monde aristocratique de son temps, dans des textes qui en sont a priori fort éloignés. La question est d'abord de savoir quel peut être le rôle, dans une œuvre poétique, de ces exemples empruntés à l'univers romanesque, aussi bien dans le contexte immédiat où ils apparaissent que dans l'économie générale du dit. Mais à travers cette question, c'est aussi celle du roman que nous aborderons, eu égard en particulier à sa réception, tant par le public aristocratique visé par les œuvres de Froissart que par le poète lui-même qui, ne l’oublions pas, est aussi l’auteur d’un roman, Meliador.

    4Avant tout il importe de rappeler que les exemples utilisés par Froissart dans son œuvre poétique, à l'instar de Guillaume de Lorris dans son Roman de la Rose, ne ressortent pas seulement du domaine romanesque, mais aussi, et même plus volontiers, du domaine mythologique, ces deux domaines se trouvant parfois mis conjointement à contribution. A première vue ces exemples ne sont pas différenciés, dans la mesure où ils participent tous de la dimension rhétorique et didactique du texte, dont ils permettent le plus souvent d'illustrer quelque lieu commun sur l'amour. Qu'ils renvoient à la mythologie ou au roman de chevalerie, la plupart des noms cités, des personnages évoqués ont, en correspondance plus ou moins étroite avec le contexte dans lequel ils se trouvent insérés, une fonction peu ou prou similaire, être une figure exemplaire de l’amour courtois. Ainsi, dans Le Joli Buisson de Jonece, Désir énumère une longue suite de personnages

    • 2  Jean Froissart, Le Joli Buisson de Jonece, éd. A. Fourrier, Genève, Droz, 1975, vv. 3147-3150.

    [...] qui furent si fet,
    Si pris, si ataint et si ars
    Que hardemens, advis ne ars
    Ne les en peurent aidier onques.2

    5Parmi eux on trouve aussi bien Narcisse et Écho, Achille et Polixène que Tristan, et même Ovide, Virgile et Aristote. Innombrables sont les victimes de l’amour, qui se comptent aussi bien au nombre des héros mythologiques que des chevaliers, des poètes ou des philosophes. A tel point qu’on peut se demander si les personnages cités et l’histoire qui leur est liée ont tellement d’importance, et si toute figure un tant soit peu célèbre n’est pas à même d’être un parangon d’amant courtois. Cette manière d’indifférence à la personne dont il s’agit est notamment perceptible dans La Prison amoureuse, quand Rose fait parvenir une lettre à Flos pour lui demander d’écrire

    • 3  Jean Froissart, La Prison amoureuse, éd. A. Fourrier, Paris, Klincksieck, 1974, p. 82, lettre (...)

    un petit dittié amoureus, qui se traitast sus aucune nouvelle matere qu’on n’aroit onques veü ne oÿ mise en rime, tele com, par figure, fu jadis de Piramus et de Tysbé, ou de Eneas et de Dido, ou de Tristran et de Yseus.3

    6On ne manquera pas de remarquer que tous les noms cités renvoient directement ou indirectement à l’univers romanesque, et instaurent ainsi un lien, sur lequel nous aurons d’ailleurs à revenir, entre la poésie narrative, le « dittié », et le roman, mais plus encore créent une indéniable équivalence entre personnage mythologique et chevalier.

    7Pourtant, si l'on envisage l'ensemble des noms de héros cités par Froissart dans ses dits, une différence essentielle apparaît rapidement entre référence romanesque et mythologique. Contrairement à cette dernière, qui peut donner lieu à un récit relativement développé, la référence romanesque reste en effet essentiellement allusive, exception faite d'une courte glose qui vient parfois expliciter la portée exacte de l'exemple. C'est notamment le cas dans le passage suivant de L'Espinette amoureuse  :

    • 4  Jean Froissart, L’Espinette amoureuse, éd. A. Fourrier, Paris, Klincksieck, 1972, vv. 2308-231(...)

    Lanscelos, Tristrans, Lyonniel,
    Porrus, le Baudrain Cassiiel,
    Paris et tamaint damoisiel
    N'ont pas esté
    Amé pour seul dire : « Il m'est biel,
    Dame, qu'or prendés ce capiel
    Et me donnés sans nul rapiel
    Vostre amisté. »
    Nennil, ains en ont bien livré
    A grant martire leur santé ;
    Et maint y ont, ains qu'iestre amé,
    Laissiet le piel.4

    8La référence romanesque apparaît ici sous les espèces d'une liste, d'une énumération plus ou moins longue de noms dont la seule mention paraît suffisante, sans qu'il soit nécessaire d'y adjoindre le récit de tel ou tel épisode romanesque. Même si ce n’est pas particulièrement sensible ici, en multipliant de telles listes de noms, Froissart joue d’une esthétique de l’accumulation liée à une conception de l’amour comme sentiment universel. Cela ne va pas d'ailleurs sans une certaine confusion, puisque sont cités pêle-mêle Lancelot et Tristan, héros qu'on ne présente plus, Porus et Cassiel, chevaliers apparaissant dans Les Vœux du Paon de Jacques de Longuyon, et enfin Pâris, personnage a priori plus mythologique que romanesque et dont la présence s'explique peut-être ici par le fait qu'il est au Moyen Âge au moins autant le héros du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure qu'une figure mythique. Cette confusion, en fait toute relative, permet de mettre en évidence un autre aspect caractéristique de la référence romanesque : l'exemple renvoie bien plus à une catégorie d'individus constituant autant de variations autour d'un même type qu'à un individu particulier. Cet aspect est d'ailleurs confirmé par la glose à valeur généralisante qui explicite l'exemple. Tous ces chevaliers sont cités au même titre, celui d'avoir souffert le « grant martire » de l'amour. Peu importe, semble-t-il, qu'il s'agisse de Lancelot ou de Lionel, de tel ou tel chevalier, car l'exemple invoqué est ici une figure idéale et unique de chevalier et d'amant, non un personnage particulier.

    9A chaque fois, la référence chevaleresque se retrouve signalée par des traits stylistiques similaires : une énumération de noms qui se suffisent à eux-mêmes, parfois accompagnée d'une brève glose explicative. Comme le montre le passage suivant, emprunté à la longue liste de « figures et exemples » déroulée par Désir au narrateur du Joli Buisson de Jonece, la mention d'un chevalier ne donne jamais lieu au récit de tel ou tel épisode de son histoire personnelle, l'auteur se contentant au mieux d'y renvoyer de la façon la plus imprécise, comme s'il s'agissait d'un savoir partagé par tout un chacun :

    • 5  Le Joli Buisson de Jonece, vv. 3360-3365.

    Tristrans ossi sus tele fourme,
    Si com sa vie nous enfourme,
    Qui bien justement l'examine,
    Dou feu d'amour qui maint coer mine
    Telement fu examinés
    Que jusques en le fin menés.5

    On remarquera que dans la même longue liste d'exemples, l'histoire de Narcisse et Écho, celle de Pâris et Hélène, que l'on pourrait à bon droit supposer bien connues, n'en donnent pas moins lieu à un rapide récit en rappelle les moments importants. A l'inverse, tout en proposant de considérer avec quelque attention la « vie » de Tristan, Froissart n'en évoque pas le plus petit épisode, alors qu'ils ne sont pas nécessairement tous aussi représentatifs les uns que les autres du « feu d'amour » qui dévorait le cœur du chevalier.

    • 6  D. Kelly, « Les inventions ovidiennes de Froissart : réflexions intertextuelles comme (...)
    • 7  Voir par exemple N. Bradley-Cromey, « Mythological typology in Froissart’s Espinette amoureuse(...)
    • 8  Voir notamment K. Brownlee, « Ovide et le moi poétique « moderne » à la fin du Moyen Âge(...)

    Si nous avons insisté sur cette absence de tout récit développé accompagnant la référence romanesque, c'est que nous touchons là une différence essentielle qui la distingue de la référence mythologique. En effet par opposition au caractère uniquement allusif de la première, on relèvera le caractère volontiers narratif ou explicatif de la seconde. Non pas que chaque nom cité donne lieu à un développement narratif, en particulier lorsque sont en cause des personnages aussi connus que Narcisse ou Hector, à condition toutefois qu'il ne s'agisse pas d'une version plus ou moins modifiée de leur histoire. Néanmoins il n’est pas rare que la place consacrée à tel ou tel récit soit relativement importante, ainsi dans L’Espinette amoureuse où plus de deux cent vers sont dévolus à l'histoire d'Apollon et de Daphné, ou dans La Prison amoureuse, qui en consacre un peu moins de sept cent à celle de Pynoteüs et Neptisphelé. Il n'est pas difficile d'imaginer que de tels contes sont bien plus que des digressions à caractère ornemental, et de fait leurs fonctions, telles que la critique a pu les dégager, sont multiples. La question ayant déjà été amplement traitée, nous nous contenterons de quelques remarques intéressant notre propos. Qu'il s'agisse de la restitution plus ou moins fidèle d'un épisode ovidien des Métamorphoses ou d'une histoire créée de toutes pièces par Froissart, de tels contes laissent une large part à l’invention, au pouvoir créateur du poète. C’est dire, comme le précise D. Kelly, que l’intention de l’auteur est déterminante, puisque la matière « est adaptée à l’intention, et pas l’intention à la matière »6. Ces récits, dans la mesure où ils sont relativement développés, offent donc un appel constant à l’interprétation, aussi bien au niveau de la structure narrative du dit, grâce à de multiples effets d’écho et de mise en abyme7, qu’au niveau métadiscursif, dans la mesure où ils apparaissent fréquemment comme des mises en scène de l’activité poétique8.

    10Parce qu'ils sont suffisamment développés pour acquérir une certaine autonomie, qui ne fait d'ailleurs que renforcer leur rôle dans l'économie de l'œuvre, suffisamment complexes pour requérir une ou plusieurs interprétations, volontiers métadiscursives, seul le récit auquel donne lieu la référence mythologique est garant de la signification que l'on peut lui prêter. Elle doit avant tout sa valeur d'exemple à l'extension narrative qui l'accompagne, où le nom des personnages n'a somme toute que peu d'importance, puisque seule est porteuse de sens la série d'événements constituant leur histoire. Par contre le principe de fonctionnement de la référence romanesque est exactement inverse, puisque l'exemple est tout entier dans le nom de tel ou tel chevalier, non dans l'évocation d'un épisode précis de son histoire.

    • 9  L'Espinette amoureuse, v. 2672.

    11Cette différence majeure étant posée, reste maintenant à essayer d’en proposer une explication. Nous croyons pouvoir le faire en distinguant les deux univers de référence auxquels renvoient respectivement la référence romanesque et la référence mythologique, en fonction du degré de connaissance que peut en avoir le public d’abord aristocratique, et non clérical, visé par les œuvres poétiques de Froissart. D'un côté se trouve un univers de référence relativement savant constitué par la mythologie, les différents récits issus des Métamorphoses d'Ovide et d'autres ouvrages latins, ou des versions en langue vernaculaire telles qu'ont pu partiellement les rendre accessibles les romans antiques, Le Roman de la Rose et plus encore l’Ovide moralisé. De l'autre l'univers de référence du roman de chevalerie, que l'on peut supposer connu d'un public beaucoup plus large et donc beaucoup moins savant que le premier. A défaut d'une étude précise de la réception de ces différents textes, difficilement envisageable, on relèvera quelques indices qui peuvent faire de cette distinction plus qu'un postulat hasardeux. En ce qui concerne le conte mythologique d'abord, remarquons que Froissart n'hésite pas à attribuer à Ovide, de la façon la plus fantaisiste, telle ou telle de ses inventions. Il prétend raconter l'histoire de Papirus et Ydorée « Ensi qu'Ovides le devise »9 et, bien plus, pour assurer la véracité de celle de Pynoteüs et de Neptisphelé, va jusqu'à affirmer :

    • 10  La Prison amoureuse, vv. 1990-1995.

    Car pour otel je le vous livre
    Qu'Ovides le met en son livre,
    Qui fu sages et grans assés,
    Et croi qu'il n'euïst ja passés
    Tel recors ne mis en memore,
    Se vraie ne tenist l'ystore.10

    12Comment un tel respect affiché pour Ovide peut-il aller de pair avec un usage apparemment aussi inconséquent de l'autorité qu'il est sensé représenter? On pourra certes dire que c'est précisément la légèreté de l'attribution qui justifie un éloge plutôt appuyé du poète. Mais peut-être un tel passage appelle-t-il une double lecture? Pour un public relativement savant, qui connaît effectivement l'œuvre d'Ovide, cette attribution fantaisiste pourra passer pour une plaisanterie de Froissart. Par contre, pour un public à la culture moins étendue, qui ne connaît peut-être d'Ovide que le nom, elle sera bel et bien garante de la véracité et de la valeur du conte. Par ce jeu souvent répété de l’attribution douteuse, le texte souligne lui-même la réception ambivalente qu’il suppose et les multiples interprétations auxquelles il peut être soumis, selon la culture de son lecteur, ne serait-ce que dans sa capacité à faire la part de ce qui est dû à Ovide et de ce qui est dû à Froissart.

    13Quels sont à l'inverse les éléments qui peuvent nous prouver que l'univers de référence romanesque est beaucoup mieux connu du public de Froissart? C'est que, comme l'affirme Philosophie au narrateur du Joli Buisson de Jonece, les exploits des héros de romans sont dans toutes les mémoires, grâce aux multiples textes qui en conservent la trace écrite :

    • 11  Le Joli Buisson de Jonece, vv. 405-413.

    Que sceuïst on qui fu Gauwains,
    Tristrans, Perchevaus et Yeuwains,
    Guirons, Galehaus, Lanscelos,
    Li rois Artus et li rois Los,
    Se ce ne fuissent li registre
    Qui yauls et leurs fes aministre?
    Et ossi li aministreur
    Qui en ont esté registreur
    En font moult a recommender.11

    14A quel degré de notoriété sont parvenus les chevaliers cités, la suite du texte permet de s'en faire une idée, évoquant les « docteurs et euvangelistes » qui ont également été « registreur » des faits qui ont marqué l'avènement de la foi chrétienne. La vulgate arthurienne, celle du Lancelot en prose ou du Tristan en prose par exemple, à laquelle Froissart pourrait penser ici, se trouve implicitement comparée à une autre vulgate, dont il est inutile de souligner l'importance au Moyen Âge, celle de la « Sainte Escripture ».

    15Précisons toutefois qu'il ne s'agit pas de n'importe quels héros romanesques. Si l'on peut considérer que tous évoquent quelque image dans l'esprit du public de Froissart, c'est aussi que ce dernier limite le plus souvent son choix d'exemples aux personnages les plus connus. Ainsi, parmi l'ensemble des références citées dans son oeuvre poétique, le nom de Tristan, étant donné qu'on le trouve mentionné à chaque fois, arrive assez largement en tête, avec dix occurrences, sans compter celles de la poésie lyrique, suivi par ceux de Lancelot, Gauvain ou encore Perceval. A l'inverse, certains chevaliers ne sont évoqués qu'une seule fois, ainsi les héros des Vœux du Paon mentionnés dans L'Espinette amoureuse, ou encore Drumart et Mordred dans une longue liste du Paradis d'Amour.

    16Il est donc des chevaliers beaucoup plus célèbres que d'autres, et l'on ne sera pas surpris de les voir réapparaître dans un tout autre contexte, romanesque cette fois, qui fournit une nouvelle illustration, un peu différente, de leur notoriété et de la fonction littéraire qu’elle peut avoir. On trouve en effet dans le prologue de Meliador, au moment où Froissart pose le cadre de son récit, une assez longue énumération de chevaliers :

    • 12  Jean Froissart, Meliador, éd. A. Longnon, Paris, S.A.T.F., 1895-1899, vv. 28-41. On trouve une (...)

    Environ ou .IX. ans ou .X.,
    Avant que li preus Lanselos,
    Melyadus, ne li rois Los,
    Guiron, Tristrans ne Galehaus,
    Gauwains, Yewains, ne Perchevaus,
    Ne chil de la Table Reonde
    Fuissent cogneü en ce monde,
    Ne que de Merlin on euist
    Cognissance, ne c'on seuist
    Nulle riens de ses prophesies,
    Plusieurs belles chevaleries
    Avinrent en la Grant Bretaigne,
    Si com cilz livres nous ensengne,
    Lequel ensiewant je dirai.12

    • 13  Voir en particulier à ce sujet l'article de F. Bouchet, « Froissart et la matière de (...)

    17Si Froissart énumère ainsi dans le prologue de son roman les grands noms de la littérature arthurienne, c'est d'abord pour en faire des points de repère, pour situer les aventures de ses personnages, encore anonymes, dans la sphère d'attraction de héros connus de tous, ce qui est aussi une façon de laisser à son invention romanesque le plus de liberté possible. En effet Tristan, Gauvain ou Lancelot n’apparaissent pas tant ici comme les acteurs ou les futurs acteurs des « belles chevaleries » évoquées, que comme des célébrités littéraires à l’aune desquelles le lecteur pourra les juger. Tout en soulignant la nature fondamentalement intertextuelle de son écriture, Froissart laisse également percevoir la réception qu'il en attend. Faire de Lancelot ou de Gauvain des points de repère littéraires, c'est aussi présupposer chez son public une connaissance suffisante de la littérature arthurienne qui lui permettra de goûter au mieux les multiples jeux de détournement et de parodie auxquels il soumet la tradition romanesque.13

    • 14  S. Huot, art. cit., p. 243.

    18Il apparaît donc légitime en fin de compte de supposer une réception différenciée des exemples utilisés par Froissart, selon qu'ils appartiennent à un univers de référence, celui de la mythologie, dont la connaissance implique un certain savoir, et notamment la connaissance du latin, qui n'est pas donné à tous, ou à un univers de référence largement plus diffusé et donc beaucoup mieux connu, celui des romans de chevalerie. Précisons toutefois que la ligne de partage entre ces deux univers de référence n’est pas d’une netteté telle que le nécessite la clarté de la démonstration, et surtout qu’elle ne se fonde pas sur une opposition entre langue romane et latin, puisque l’Ovide moralisé rend accessibles les mythes utilisés par Froissart à son public aristocratique qui sait aussi manifester, comme le souligne S. Huot, «  an interest in literary interpretation, in mythology and mythography, in metaphor and allegory »14.

    19Tout oppose en somme le héros mythologique et le héros romanesque. Alors que le premier est le vecteur d'une seule et unique histoire, même si elle peut parfois se trouver assez considérablement modifiée, autour du second s'agrègent une multitude de récits qui en composent une image à la fois beaucoup plus floue et, paradoxalement, beaucoup moins soumise à variations. De Tristan, de Lancelot ou de Perceval, malgré le nombre de romans qui leur sont consacrés, chacun peut prétendre avoir une connaissance relativement approfondie, une représentation relativement élaborée. Et c'est précisément à cette représentation, trop complexe pour y renvoyer autrement qu’allusivement, que l'exemple romanesque doit faire appel, représentation qui appartient à un univers de référence connu de tout un chacun, en fonction bien sûr de son expérience personnelle de lecture. Voilà qui explique en dernier ressort une sorte de paradoxe dans l'usage que fait Froissart de la mythologie et de l'autorité ovidienne. On pouvait s'étonner en effet de le voir manipuler, modifier et déformer des récits tout auréolés du prestige de l'Antiquité et par là de l'extrême malléabilité de la matière mythologique. Mais ce paradoxe n'est qu'apparent, dans la mesure où ce travail de manipulation est très certainement rendu possible par une relative méconnaissance du public et qu’a contrario il ne serait guère envisageable à l'égard de héros dont les aventures ont été largement diffusées par le roman de chevalerie.

    20D'une certaine manière, la notoriété des héros romanesques leur porte ombrage. Bien connus du public, leur image n'en reste pas moins extrêmement vague et imprécise et ne peut en aucune façon en faire les riches vecteurs de sens que sont les personnages mythologiques. Aussi la portée des exemples romanesques, explicitée par la glose qui les accompagne, est-elle toujours relativement limitée, illustrant tel ou tel lieu commun de l'amour courtois. Dans L'Espinette amoureuse la dame figure ainsi son cœur lié par l'amour

    • 15  L'Espinette amoureuse, vv. 2767-2770.

    […] d'ossi drois neus
    Que pour Tristran en fu la belle Yseus
    Et Genevre pour Lanscelot le preus,
    Et tout aultre, non pas seul de ces deus.15

    21Comme dans cet exemple, l'usage que fait Froissart de la référence romanesque est le plus souvent purement ornemental, dans la mesure où la fonction du nom se limite à celle de comparant dans une comparaison à valeur hyperbolique. Cet usage, de loin le plus fréquent dans l'oeuvre de Froissart, n'est cependant pas le plus caractéristique, dans la mesure où on le rencontre également assez souvent dans d'autres oeuvres médiévales, lyriques ou narratives.

    22Mais par opposition à cet usage exclusivement poétique ou rhétorique de l'exemple chevaleresque, il est possible de définir une utilisation plus spécifiquement didactique, qui fait du personnage évoqué un véritable modèle à suivre, de même que Gauvain peut l’être dans le passage du Roman de la Rose cité au début de cette étude. Il ne s'agit plus cette fois d'illustrer de façon très générale une représentation topique de l'amour courtois, mais de citer en exemple tel ou tel comportement précis. Ainsi dans Le Dit dou Bleu Chevalier le narrateur développe longuement l'exemple suivant, destiné à faire changer d'attitude le chevalier qu'il a rencontré, désespéré d’être séparé de la femme qu’il aime :

    Vous savés bien que maint bon chevalier
    Ont bien amé dou temps ça en arrier :
    Je prenc Tristran pour Yseut le premier
    Et en après
    Yewain le preu pour la belle Alydés
    Et Lanscelot qui tant fu bons et nes :
    Qui bien regarde la matere et les fes
    Seul de ces trois,
    Et de Guiron aussi le tres courtois,
    Et dou vaillant Perceval le Gallois
    Et de pluisours des quels je me tais cois,
    Certainnement
    En leurs vies trouvera plainnement
    Que par amours amerent loyalment
    Et doubloient en euls leur hardement
    Par bien penser
    A leurs dames de coer et de penser ;
    Et nequedent ne pooient ester
    Trop longement dalés elles, c'est cler,
    Et toutes fois
    De loyauté tenoient les esplois,
    Non obstant que dedens .II. ans ou .III.
    Ne veoient elles ne leurs arrois ;
    Et au retour,
    Quant li vaillant avoient fait leur tour,
    On ne parloit mies dou lonc sejour,
    Mes on disoit : « Vous venés a bon jour » ;
    Et tout ensi
    De leurs dames estoient conjoÿ :

    • 16  Jean Froissart, « Dits » et « Débats », éd. A. Fourrier, Genève, Droz, 1979, Le Dit (...)

    Lors se doubloit li amours, je vous di.16

    • 17  Voir M. Stanesco, « Sous le masque de Lancelot. Du comportement romanesque au Moyen Âge », Po(...)

    23Comme le montrent les multiples circonlocutions et détours du discours, la référence romanesque joue ici un rôle très précis, même si encore une fois il n'est pas question de l'histoire personnelle des héros cités mais d'un développement à valeur généralisante décrivant le comportement propre à tout chevalier de roman : l'éloignement et l'absence, prétextes à la multiplication des exploits, ne sont pas une menace qui pèse sur l'amour, mais au contraire un moyen de le renforcer. On remarque toutefois que le narrateur présente cette lecture somme toute traditionnelle de l’attitude chevaleresque, de façon suffisamment biaisée pour qu'elle puisse s'adapter à la situation particulière du Bleu Chevalier, qui apparaît comme un personnage chargé d’une certaine expérience, désabusé, désespéré même, et qui se trouve, semble-t-il, retenu prisonnier. La référence romanesque, bien loin de n'avoir qu'un rôle ornemental, sert effectivement à proposer un modèle à suivre au Bleu Chevalier, qui lui permette de garder l’espoir. Le discours que tient le narrateur est donc une véritable incitation à adopter un « comportement romanesque » et à retrouver une attitude propre à l'aristocratie chevaleresque au Moyen Âge, attitude particulièrement fréquente à l'époque de Froissart, et dont ses Chroniques se font d'ailleurs l'écho, qui laisse apparaître la vie de nombreux chevaliers réels comme une véritable imitation de la littérature17. On trouve ainsi un exemple caractéristique de cette attitude dans la biographie consacrée au Maréchal Boucicaut, texte anonyme du début du XVe siècle. Tout jeune encore, le chevalier qu'est alors Boucicaut n'en doit pas moins se dévouer à l'amour de quelque dame, ce que l'auteur justifie ainsi :

    • 18  Le Livre des fais du bon messire Jehan le Maingre, dit Bouciquaut, mareschal de France et (...)

    Amours oste paour et donne hardement, fait oublier toute peine et prendre en gré tout le traveil que on porte pour la chose amee. Et qu'il soit vray, qui veult lire les histoires des vaillans trespassez, assez trouvera de ce preuve, si comme on lit de Lancelot, de Tristan et de plusieurs autres que Amours fist bons et a renommee attaindre  ; et mesmement en noz vivans assez de nobles hommes de France et d'autre part en veons et avons veu, si comme on dit de messire Othe de Gransson, du bon connestable de Sensarre et d'autres assez […]18

    24Comme tout jeune chevalier qui se respecte, Boucicaut sacrifie à l'amour, donc, d'une certaine manière, non seulement à la lecture des « histoires » des glorieux héros qui l'ont précédé dans la carrière des armes, mais aussi à leur imitation. Par contre, comme le montre sa réponse, le Bleu Chevalier, bien peu convaincu par la démonstration du narrateur, ne voit pas en Tristan ou Lancelot des modèles sur lesquels calquer sa conduite :

    • 19  Le Dit dou Bleu Chevalier, vv. 331-346.

    […] Amis, vous n'avés nullement
    Solu vos mos,
    Car se Tristrans, Yewains et Lanscelos
    Et cil qui ont eü d'amours maint los
    Faisoient ce, tels estoit leur pourpos
    Qu'il le faisoient
    Tant pour l'amour que aux dames avoient
    Que pour honnour acquerre, ou il tendoient,
    Et ensi les aventures cerchoient
    En tous pays.
    Mes je ne sui noient de ceuls, amis,
    Car nulle part ne vois, dont je vail pis,
    Et s'en serai par droit mains conjoïs,
    A mon retour,
    De celle a qui j'ai mis coer et amour.
    Ci sui enclos com dedens une tour.19

    • 20  Voir Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charete, éd. M. Roques, Paris, Champion, 1958, vv. (...)

    25Il est évidemment paradoxal de prétendre n'avoir rien de commun avec les chevaliers de roman tout en se décrivant « enclos com dedens une tour », situation que Lancelot est le premier à avoir bien connue quand il s'est trouvé retenu prisonnier par Méléagant20. En fait ce n'est pas que le Bleu Chevalier refuse toute valeur exemplaire à des êtres de fiction, qui ne sont d'ailleurs pas présentés comme tels, mais il conteste l'opportunité de l'exemple. Même si elle s'oppose à la folie du chevalier, qui se manifeste au début du dit par l'alternance antithétique de la joie et de la tristesse, la raison du clerc, accompagnée de sa connaissance des exemples du passé, s'avère donc insuffisante ou inadaptée pour le réconforter. Pourtant le chevalier ne dénie pas au clerc toute capacité à l'aider, non en faisant appel à sa connaissance d’une littérature romanesque déjà existante, mais en ayant recours à sa compétence d'écriture pour « ordonner .I. dittier » qui raconte

    Com d'aventure avés, et sans cerchier,
    Dedens ce bois trouvé un chevalier
    De bleu vesti.

    • 21  Voir D. Rieger, « Eslongié m'an de quanque j'amoie  : chevalier, clerc et vérité (...)

    26Ce n'est donc pas la valeur exemplaire de la littérature qui est remise en cause, mais les modèles de comportement qu'elle peut proposer qui, dans le cas du Bleu Chevalier, ne correspondent guère à sa situation. Il ne lui reste donc plus qu'à se poser lui-même en exemple, à se constituer en personnage littéraire, opération qui ne peut être effectuée sans le secours du clerc narrateur. Non que cela fasse Le Dit dou Bleu Chevalier plus proche d'une quelconque réalité contemporaine, mais seulement est ainsi rendue manifeste la nécessité d'un renouvellement des figures et des modèles littéraires21.

    27Crise du modèle chevaleresque? Sentiment d'une rupture entre la littérature romanesque traditionnelle et la réalité, alors qu'elles ne cessent justement de s'inspirer l'une de l'autre? Si un tel phénomène semble bien être à l'oeuvre dans Le Dit dou Bleu Chevalier, il n'en est pas de même dans un poème comme L'Espinette amoureuse, où au contraire le narrateur manifeste clairement la fascination que le modèle chevaleresque a exercée sur lui, et ce dès son plus jeune âge :

    • 22  L'Espinette amoureuse, vv. 23-34.

    En mont jouvent tous tels estoie
    Que trop volentiers m'esbatoie,
    Et, tels que fui, encor le sui.
    Mais che qui fu hier n'est pas hui.
    Tres que n'avoie que .XII. ans,
    Estoie forment goulousans
    De veoir danses et caroles,
    D'oïr menestrels et paroles
    Qui s'apertiennent a deduit,
    Et se m'a Nature introduit
    Que d'amer par amours tous chiaus
    Qui aimment et chiens et oisiaus.22

    28Rien de plus profondément ancré dans le comportement du narrateur que ce goût pour les divertissements chevaleresques et ceux qui les pratiquent, puisque c'est Nature elle-même qui l'en a pourvu. Aussi n'est-ce guère surprenant si on le voit, quand il n'est encore qu'un enfant, jouer au chevalier :

    • 23  Ibid., vv. 213-218.

    Et s'ai souvent d'un bastonciel
    Fait un cheval nommé Grisiel,
    Et ossi souvent fait avons
    Hïaumes de nos caperons,
    Et moult souvent devant les filles
    Nos batïons de nos kokilles.23

    29Parmi une multitude d'autres jeux, cette activité prend un sens particulier dans la mesure où elle n'est pas seulement ludique, si l'on en croit l'exemple de Boucicaut qui, dans son enfance, s'adonne au même genre d'amusements :

    • 24  Le Livre des fais, p. 17.

    […] aux enfans faisoit bacinés de leur chapperons, et en guise de routes de gens d'armes, chevauchant les bastons et armez d'escorces de buches, les menoit gaigner quelque place les uns contre les autres.24

    • 25  Ibid., p. 16.

    30Pour le futur chevalier, de telles pratiques apparaissent comme le signe indubitable d'une vocation, ce que laisse bien entendre l'auteur en précisant que « ses gieux enfantelins estoient communement de choses qui peuent signiffier fais de chevalerie »25. Mais chez le narrateur de L'Espinette amoureuse, que rien ne destine à une telle carrière, elles soulignent plutôt l'influence exercée par ses lectures sur un enfant qui non content d'être un grand joueur est aussi un grand dévoreur de « rommans » :

    • 26  L'Espinette amoureuse, vv. 309-321.

    Et quant li temps venoit divers
    Qui nous est appellés yvers,
    Qu'il faisoit lait et plouvieus,
    Par quoi je ne fuisse anoieus,
    A mon quois, pour esbas eslire,
    Ne vosisse que rommans lire.
    Especiaument les traitiers
    D'amours lisoie volentiers,
    Car je concevoie en lisant
    Toute cose qui m'iert plaisant ;
    Et ce en mon commencement
    Me donna grant avancement
    De moi ens es biens d'amours traire.26

    31L’Espinette amoureuse nous propose ici une intéressante mise en scène de la réception du roman au XIVe siècle : non seulement la lecture est un « esbas », une distraction, mais elle a aussi une portée didactique car elle permet au jeune lecteur de faire ses premiers pas dans le domaine amoureux. L'influence du roman est cependant plus profonde encore :

    • 27  Ibid., vv. 325-328.

    Mais plaisance nee en jouvent
    Encline a ce le coer souvent
    Et li donne la vraie fourme
    Sus la quele son vivant fourme.27

    32Le modèle chevaleresque qui s'impose au narrateur a donc une origine exclusivement littéraire, et la littérature apparaît ici comme le modèle, la « vraie fourme » de la vie.

    33Deux remarques s'imposent toutefois, qui préciseront la portée de cette influence. Au moment où le narrateur fait ces lectures, il va encore

    • 28  Ibid., vv. 35-36.

    [...] a l’escole
    Ou les ignorans on escole.28

    • 29  Voir A. Planche, « Culture et contre-culture dans L’Espinette amoureuse de Jean Froissart : (...)
    • 30  Voir Antoine de la Sale, Jehan de Saintré, éd. J. Blanchard et trad. M. Quereuil, Paris, Le (...)

    34Il ne semble lui-même guère savant, en particulier en latin, dont le difficile apprentissage lui vaut d'être souvent battu. On peut donc considérer que la culture qui lui est accessible à cet âge, ainsi qu’aux autres personnages de L’Espinette amoureuse, se limite à des textes en langue vernaculaire29, en particulier des « rommans » de chevalerie, tel le Cleomadès d’Adenet le Roi, mentionné plus loin. Voilà qui confirme ce que nous disions à propos de l'univers de référence romanesque, qui apparaît de nouveau beaucoup mieux connu parce que beaucoup plus accessible, notamment à des lecteurs ignorant le latin. En outre, de même qu'une telle influence de la littérature ne peut être prêtée à n'importe quelle de ses productions, de même elle ne peut s'exercer sur n'importe qui. Si le narrateur, à l'inverse du Bleu Chevalier, que l'on peut supposer nettement plus âgé, se montre à ce point fasciné par ses modèles littéraires, c'est aussi parce qu'il est encore très jeune, comme le sont en général tous ceux à qui sont proposés de tels exemples, qu'il s'agisse de Boucicaut, ou encore de Jean de Saintré.30

    • 31  L’Espinette amoureuse, vv. 710-719.

    35Le fait est que pour les jeunes gens la littérature est la « vrai fourme » de la vie, lorsque le narrateur de L'Espinette amoureuse rencontre pour la première fois la demoiselle dont il va tomber amoureux, elle est précisément en train de lire un roman, Cleomadès, dont elle semble presque, étant donné le portrait qui est fait d'elle31, être une des héroïnes. La lecture, le roman sont donc au départ de l'histoire amoureuse qui va suivre, et peut-être aussi à l'origine du malentendu qui la rend possible, qui relèverait en fait d'une confusion entre littérature et réalité :

    36

    • 32  Ibid., vv. 737-739.

    Et quant elle ot lut une espasse,
    Elle me requist par sa grasse
    Que je vosisse un petit lire.32

    • 33  Ibid., v. 785.

    37« A vostre lire preng plaisir »33 affirme ensuite la jeune fille. Mais reste à savoir si le plaisir en question est dû à la personne du narrateur, ou à la lecture en elle-même. Ce malentendu initial pourrait bien suffire à expliquer les déboires futurs du héros, qui commencent dès qu'il décide de lui avouer son amour. En effet la demoiselle ne lit même pas la ballade que le héros lui fait parvenir : en fait seul le livre où elle se trouve glissée éveille son intérêt,

    • 34  Ibid., vv. 850-851.

    Car lires est uns douls mestiers,
    Quiconques le fait par plaisance.34

    • 35  Le terme apparaît au vers 2153.
    • 36  Voir l'article de M. Stanesco, « ‘D'armes et d'amours’ : la fortune d'une d(...)

    38Ainsi le début de L'Espinette amoureuse est tout entier marqué par la littérature, une littérature qui engendre la littérature, puisque la lecture des « traitiers d'amours » suscite dans l'esprit du narrateur un songe qui répète le jugement de Pâris, et celle des romans de chevalerie est à l'origine d'une succession d'aventures constituant une véritable « queste »35 poétique et amoureuse. L'Espinette amoureuse doit beaucoup à des modèles romanesques dont elle met en scène l'influence sur sa propre structure, et ce dès le prologue, où se trouve inscrite cette devise caractéristique du roman36 :

    • 37  L'Espinette amoureuse, vv. 52-54.

    Car en pluiseurs lieus on decline
    Que toute joie et toute honnours
    Viennent et d'armes et d'amours.37

    • 38  R. Morris, « Machaut, Froissart and the fictionalization of the self », The Modern Language (...)

    39Ce qui est modèle comportemental pour le personnage devient aussi modèle scriptural pour le poète, qui compose son dit comme un roman de chevalerie. C’est pourquoi, comme le constate R. Morris, dans la mesure où de telles oeuvres apparaissent comme des « fictional constructs », « it is possible to seek the basis of their structure in an underlying, pre-existent fictional construct which customarily presented itself as (historical) truth : the Arthurian romance »38. De même que la référence mythologique, lorsqu’elle prend la forme d’un récit relativement développé, manifeste une fonction structurante dans L’Espinette amoureuse, de même la référence chevaleresque accède au statut de mythe, non seulement au regard du héros, puisqu’elle structure son évolution personnelle, et en particulier son initiation amoureuse, mais aussi au regard du narrateur puisqu’elle structure également l’évolution narrative et la composition de son récit.

    • 39  J. Cerquiglini, « Un engin si soutil ». Guillaume de Machaut et l'écriture au XIV siècle(...)

    40La référence chevaleresque, de simple élément d’une figure rhétorique à valeur poétique ou didactique qu’elle était, se trouve en fin de compte exercer une influence bien plus profonde sur l'œuvre poétique de Froissart. Comme l'a montré J. Cerquiglini à propos de Guillaume de Machaut, dans certains de ses dits le poète « propose, à travers son propre personnage d'amant, la figure d'un clerc-chevalier, c'est-à-dire d'un clerc (quelqu'un n'appartenant pas à la classe aristocratique) qui se rêve chevalier »39. Mais l'imitation du modèle chevaleresque peut, chez Froissart, aller encore plus loin, jusqu'à une sorte d'identification entre poète et chevalier, dont on trouve notamment un exemple dans la première de ses « balades amoureuses » :

    • 40  Ballades et rondeaux, éd. R.S. Baudouin, Genève, Droz, 1978, p. 6, vv. 21-25.

    Ensement vifs en prison dolereuse,
    Ne nuls confors ne m’est representans ;
    S’en ai souvent l’entente peu joieuse,
    S’en affoiblist et muert en mi li sans.
    Non ai Amans et en sournoms Tristrans.40

    • 41  C’est ce que F. Rigolot, dans Le Texte de la Renaissance. Des Rhétoriqueurs à Montaigne, (...)

    41On assiste ici à une véritable assimilation, qui n’est plus une comparaison, entre le sujet de l'énonciation lyrique et la figure emblématique de Tristan, attitude d'ailleurs très comparable à celle des poètes de la Renaissance, qui feront de certains héros mythologiques de véritables doubles d'eux-mêmes41. Identifié au poète, le chevalier n'est plus seulement son modèle mais aussi son représentant ; élevé au même rang que le poète, il peut devenir comme lui un personnage à part entière dans les fictions poétiques de Froissart.

    42Ainsi, outre des figures chevaleresques plutôt atypiques comme celle du Bleu Chevalier, certains héros romanesques aussi célèbres que Lancelot ou Perceval accèdent au statut de personnages, même si c'est par le biais du songe allégorique, dans Le Paradis d'Amour. C'est en effet en parcourant ce lieu, au cours d'un rêve, que le narrateur aperçoit « en une lande »

    • 42  Jean Froissart, Le Paradis d'Amour. L'orloge amoureus, éd. P.F. Dembowski, Genève, (...)

    […] une compagne grande
    De dames et de damoiselles
    Friches et jolies et belles,
    Et grant fuison de damoisiaus
    Jolis, et amoureus et biaus.42

    43Parmi eux, apprend Plaisance au narrateur

    • 43  Ibid., pp. 63-64, vv. 974-990.

    Troïllus y est et Paris,
    Qui furent fil au roi Priant.
    Et cesti que tu vois riant,
    C'est Lanscelos tout pour certain.
    Et pour ce que forment je t'ain,
    Des aultres les noms te dirai,
    D'aucuns ja ne t'en mentirai :
    Il y sont Tristrans et Yseus,
    Drumas et Perchevaus li preus,
    Guirons et Los et Galehaus,
    Mordrés, Melyadus, Erbaus.
    Et chils a che biel Solel d'Or,
    On l'appelle Melyador,
    Tanghis et Camels de Camois
    Sont la ensus dedens ce bois,
    Agravains et Bruns et Yeuwains
    Et li bons chevaliers Gauwains.43

    44Vient ensuite la liste des dames formant couples avec tous ces chevaliers, qui sortent du domaine de la référence littéraire pour devenir de véritables personnages. En effet, si tous ces amants et amantes exemplaires font ici leur apparition, c'est qu'ils appartiennent à la vaste troupe des « veneour » du dieu Amour précédemment évoqués par Plaisance :

    • 44  Ibid., vv. 936-944.

    Il y a contes, dux et rois,
    Chevaliers et de toutes gens,
    Dont li arrois est biaus et gens.
    Car qui n'est de moult gentil estre,
    Il ne puet a mon signour estre
    Ne estre escrips en son registre.
    Et tous cheuls que je vous registre
    Sont en tous temps bon veneour
    Et cachent tout dis sans sejour.44

    45Il est vrai que toutes ces figures romanesques ne sont pas de véritables acteurs du récit, d'abord parce que leur activité ne trouve pas à se déploier ailleurs que dans le discours de Plaisance, mais surtout dans la mesure où le fait d'être « escrips » dans le « registre » d'Amour tend essentiellement à souligner leur origine littéraire. Il n'en reste pas moins que ces personnages se trouvent ainsi placés sur le même plan diégétique que le narrateur, ce qui fait de la poésie de Froissart un lieu de rencontre, de confrontation, mais surtout, comme ici, d'assimilation entre la figure du chevalier et celle du clerc.

    • 45  Ibid., p. 117.
    • 46  J.H.M. Taylor, « The fourteenth century : context, text and intertext », The Legacy of (...)

    46Bien sûr on aura tout de suite constaté à la lecture de cette liste que Froissart, non content de mêler héros mythologiques et chevaliers célèbres, y a inséré les noms de certains personnages de son propre roman, Meliador. Comme le note l'éditeur du Paradis d'Amour, P.F. Dembowski45, la rupture syntaxique qui accompagne la mention de Méliador, Tangis et Camel, et le fait également qu'aucun personnage féminin du roman ne soit évoqué à la fin de la liste, sont les indices d'une probable interpolation. Mais qu'il s'agisse d'un ajout ultérieur du poète lui-même ou d'une intervention de copiste, la présence de ces noms n'en est pas moins la preuve que les héros de Meliador sont considérés appartenir peu ou prou au même monde, au même univers de référence que Tristan et Perceval, ou plus précisément, qu’on voudrait les intégrer au même prestigieux passé littéraire. Il peut alors être tentant de comprendre le roman de Froissart à la lumière de cette commune appartenance, même seulement souhaitée, et d'y voir le résultat d'un usage non plus allusif, mais véritablement créateur de la référence chevaleresque, qui soumettrait la matière de Bretagne à un travail de réélaboration, fait de respect affiché et de modifications parfois profondes, identique à celui de la mythologie antique. Meliador est somme toute aussi arthurien que peut être ovidien le conte de Papirus et Ydorée ou celui de Pynoteüs et Neptisphelé. A de nombreux égards Meliador n'a rien d'un roman arthurien, dans la mesure surtout où Froissart n'y fait intervenir qu'un nombre très réduit de personnages appartenant à la tradition romanesque, se contentant, comme le note J.H.M. Taylor, d'une « minimal Arthurian mise en scène »46. Pourtant il met indéniablement en scène le mythe arthurien, en tant que mythe fondateur de la chevalerie, qu'il tend, par une série d'adaptations aux réalités du XIVe siècle, à mieux faire correspondre aux attentes de son public aristocratique, ainsi d’ailleurs qu’à ses propres attentes, en particulier en suggérant une étrange proximité entre la figure cléricale du narrateur et ses propres personnages.

    47D'un détail rhétorique, la citation d'un ou plusieurs noms appartenant à un univers de référence largement partagé, le roman de chevalerie, on en vient finalement à considérer une question engageant de façon beaucoup plus globale la poétique de Froissart, dans l'ensemble de son oeuvre, celle de l'écriture d'un roman, Meliador. Plutôt que de souligner les liens presque affectifs de Froissart avec le monde aristocratique du XIVe siècle, le recours réitéré à la référence chevaleresque révèle de multiples points de contact entre sa production poétique et romanesque. Non seulement, comme nous avons essayé de le montrer, certains dits de Froissart doivent beaucoup à des modèles romanesques, et la citation de noms de chevaliers célèbres n'en est que la manifestation à la fois la plus apparente et la moins essentielle. Mais il n'est pas moins vrai que Meliador ait une dette importante à l'égard des thèmes et des situations propres à la poésie narrative de Froissart. On a dit que dans sa poésie Froissart citait des noms de héros romanesques, mais dans son roman il cite les mêmes personnages mythologiques que dans sa poésie. Au moment de la mort de Camel, tué par Méliador à l’issue d’un duel acharné, sont ainsi évoqués quelques uns de ses illustres prédécesseurs :

    • 47  Meliador, vv. 9122-9133.

    Il ne fu mies seulz qui a
    Le mort rechut pour bien amer.
    Leander en morut en mer.
    Si fist Narcissus pour Equo,
    Tristrans, Priamus et Porro ;
    Et li rois Mennon, on me tonde
    S’il n’en fu mués en aronde.
    Si en morut Deucalyon
    Et Acilles, qui de renom
    Passoit tous aultres chevaliers.
    On en trouveroit .III. milliers
    Qui en sont mort, il n’est pas doute.47

    48La boucle est bouclée : il ne reste plus à Camel, mort par amour, qu’à rejoindre ses pairs dans Le Paradis d’Amour, en compagnie, bizarrement, de son assassin.

    Notes

    1 Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. F. Lecoy, Paris, Champion, 1965-1970, vv. 2077-2086. C'est la seule référence à l'univers romanesque dans toute la partie due à Guillaume de Lorris.
    2 Jean Froissart, Le Joli Buisson de Jonece, éd. A. Fourrier, Genève, Droz, 1975, vv. 3147-3150.
    3 Jean Froissart, La Prison amoureuse, éd. A. Fourrier, Paris, Klincksieck, 1974, p. 82, lettre V, l. 44-48.
    4 Jean Froissart, L’Espinette amoureuse, éd. A. Fourrier, Paris, Klincksieck, 1972, vv. 2308-2319.
    5 Le Joli Buisson de Jonece, vv. 3360-3365.
    6 D. Kelly, « Les inventions ovidiennes de Froissart : réflexions intertextuelles comme imagination », Littérature, 41, 1981, p. 90.
    7 Voir par exemple N. Bradley-Cromey, « Mythological typology in Froissart’s Espinette amoureuse », Res Publica Litterarum. Studies in the classical tradition, 3, 1980, pp. 207-221 et J.-L. Picherit, « Le rôle des éléments mythologiques dans Le Joli Buisson de Jonece de Jean Froissart », Neophilologus, 63, 1979, pp. 498-508, ainsi que B. Ribémont, « Froissart, le mythe et la marguerite » et « Froissart et le mythe de Daphné », Revue des langues romanes, 94, 1990, pp. 129-137 et 98, 1994, pp. 189-99.
    8 Voir notamment K. Brownlee, « Ovide et le moi poétique « moderne » à la fin du Moyen Âge : Jean Froissart et Christine de Pizan », Modernité au Moyen Âge : le défi du passé, éd. B. Cazelles et C. Méla, Genève, Publications de la Faculté des Lettres de l’Université de Genève, 1990, pp. 153-173 et S. Huot, « The Daisy and the Laurel : Myths of Desire and Creativity in the Poetry of Jean Froissart », Contexts : Style and Values in Medieval Art and Literature, éd. D. Poirion et N. Freeman-Regalado, Yale University, 1991, pp. 240-251.
    9 L'Espinette amoureuse, v. 2672.
    10 La Prison amoureuse, vv. 1990-1995.
    11 Le Joli Buisson de Jonece, vv. 405-413.
    12 Jean Froissart, Meliador, éd. A. Longnon, Paris, S.A.T.F., 1895-1899, vv. 28-41. On trouve une liste similaire plus loin dans le récit, vv. 11686-11689.
    13 Voir en particulier à ce sujet l'article de F. Bouchet, « Froissart et la matière de Bretagne : une écriture « déceptive », Arturus Rex. Volumen II : Acta conventus Lovaniensis 1987, éd. W. Van Hoecke, G. Tournoy et W. Verbeke, Louvain, Leuven University Press, 1991, pp. 367-375.
    14 S. Huot, art. cit., p. 243.
    15 L'Espinette amoureuse, vv. 2767-2770.
    16 Jean Froissart, « Dits » et « Débats », éd. A. Fourrier, Genève, Droz, 1979, Le Dit dou Bleu Chevalier, vv. 297-326.
    17 Voir M. Stanesco, « Sous le masque de Lancelot. Du comportement romanesque au Moyen Âge », Poétique, 61, 1985, pp. 23-33 et Jeux d’errance du chevalier médiéval. Aspects ludiques de la fonction guerrière dans la littérature du Moyen Âge flamboyant, Leiden, Brill, 1988.
    18 Le Livre des fais du bon messire Jehan le Maingre, dit Bouciquaut, mareschal de France et gouverneur de Jennes, éd. D. Lalande, Genève, Droz, 1985, pp. 27-28.
    19 Le Dit dou Bleu Chevalier, vv. 331-346.
    20 Voir Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charete, éd. M. Roques, Paris, Champion, 1958, vv. 6112-6146.
    21 Voir D. Rieger, « Eslongié m'an de quanque j'amoie  : chevalier, clerc et vérité historique dans Le Dit dou Bleu Chevalier de Jean Froissart », Ecrire pour dire. Etudes sur le dit médiéval, éd. B. Ribémont, Paris, Klincksieck, 1990, pp. 169-192.
    22 L'Espinette amoureuse, vv. 23-34.
    23 Ibid., vv. 213-218.
    24 Le Livre des fais, p. 17.
    25 Ibid., p. 16.
    26 L'Espinette amoureuse, vv. 309-321.
    27 Ibid., vv. 325-328.
    28 Ibid., vv. 35-36.
    29 Voir A. Planche, « Culture et contre-culture dans L’Espinette amoureuse de Jean Froissart : les écoles et les jeux », Senefiance, 9, 1980, pp. 389-403.
    30 Voir Antoine de la Sale, Jehan de Saintré, éd. J. Blanchard et trad. M. Quereuil, Paris, Le Livre de Poche, 1995, p. 48.
    31 L’Espinette amoureuse, vv. 710-719.
    32 Ibid., vv. 737-739.
    33 Ibid., v. 785.
    34 Ibid., vv. 850-851.
    35 Le terme apparaît au vers 2153.
    36 Voir l'article de M. Stanesco, « ‘D'armes et d'amours’ : la fortune d'une devise médiévale », Travaux de littérature, 2, 1989, pp. 37-54.
    37 L'Espinette amoureuse, vv. 52-54.
    38 R. Morris, « Machaut, Froissart and the fictionalization of the self », The Modern Language Review, 83, 1988, p. 548.
    39 J. Cerquiglini, « Un engin si soutil ». Guillaume de Machaut et l'écriture au XIV siècle, Paris, Champion, 1985, p. 121.
    40 Ballades et rondeaux, éd. R.S. Baudouin, Genève, Droz, 1978, p. 6, vv. 21-25.
    41 C’est ce que F. Rigolot, dans Le Texte de la Renaissance. Des Rhétoriqueurs à Montaigne, Genève, Droz, 1982, appelle « l’usage différentiel du mythe » : « L’écrivain projette inconsciemment son moi dans un matériau qui, parce qu’il est collectif, lui semble opaque et donc sécurisant. [...] Le mythe antique est alors décalque du mythe personnel », pp. 206-207.
    42 Jean Froissart, Le Paradis d'Amour. L'orloge amoureus, éd. P.F. Dembowski, Genève, Droz, 1986, p. 63, vv. 958-962.
    43 Ibid., pp. 63-64, vv. 974-990.
    44 Ibid., vv. 936-944.
    45 Ibid., p. 117.
    46 J.H.M. Taylor, « The fourteenth century : context, text and intertext », The Legacy of Chrétien de Troyes, éd. N.J. Lacy, D. Kelly et K. Busby, Amsterdam, Rodopi, 1987, t. 1, p. 270.
    47 Meliador, vv. 9122-9133.

    Pour citer cet article

    Référence électronique

    Silvère Menegaldo, « L’exemple chevaleresque dans la poésie de Jean Froissart. », Cahiers de recherches médiévales, 6 | 1999, [En ligne], mis en ligne le 11 janvier 2007. URL : http://crm.revues.org//index941.html. Consulté le 09 novembre 2008.

    Auteur

    Silvère Menegaldo

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    Droits d'auteur

    © Cahiers de recherches médiévales



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