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    Titre: La traversée des Monts Noirs

    Auteur: Serge Rezvani

    Editeur: Les Belles Lettres 2011

    ISBN: 978-2-251-44419-2

    430 pages

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    Voici un roman qui sort de l'ordinaire.

    Faisant voler en éclats le cours narratif linéaire du roman traditionnel, l'auteur choisit une structure polyphonique dans laquelle le personnage narrateur, intradiégétique dirait Genette, quasiment immobile dans un espace clos, isolé, fantastique (les Monts Noirs), et dans un temps défini a priori (le temps d'un étrange symposium d'ornithologues), se trouve être le récepteur-réceptacle muet des fragments narratifs que lui livrent une demi-douzaine de protagonistes d'une histoire qu'ils ont vécue ensemble totalement ou par intermittences.

    Le lecteur est invité à reconstituer ainsi peu à peu la linéarité du récit par la mise en relation des éléments que chacun lui confie tour à tour dans un désordre apparent, avec, inévitablement puisque chacun ignore ce que l'autre a révélé, des redites, des contradictions, des omissions, voire des mensonges.

     

    A l'étrangeté de ce roman à plusieurs voix, dont le procédé rappelle Jacques le Fataliste (les références à Diderot étant d'ailleurs récurrentes ici) s'ajoute celle de la circularité thématique, exprimée par une incessante mise en parallèle des migrations régulières des oiseaux avec les voyages obsessionnels sur le thème de la fatalité du retour que racontent les personnages: itinéraires géographiques de la Pologne à Israël, d'Israël à la Russie; itinéraires historiques des pogroms de Pologne au massacre des Palestiniens; itinéraires passionnels par les retrouvailles répétées des uns et des autres dans des cercles fermés dont le centre est Fauvette, la femme du roman, en divers lieux du globes...

     

    Chacun des lieux, chacun des actants, chacun des temps historiques de référence permet, en filigrane ou par la voix de l'un ou de l'autre, de poser des questions essentielles, voire existentielles, sur un certain nombre de problèmes contemporains et sur la façon dont les vivent les hommes et les femmes directement ou indirectement concernés. Est ainsi posée par exemple tout au long du livre la question insoluble de la propriété de la terre que les uns appellent Palestine, que les autres nomment Israël.

     

    Retrouver son chemin au travers de ce kaléidoscope n'est pas chose aisée. L'aventure ici est à la fois dans le texte et dans le cours de la lecture. Le lecteur est contraint de construire l'histoire, de lui donner un sens. C'est un défi passionnant, que j'ai eu un plaisir immense à relever.

     

    Patryck Froissart

    St Paul, le 27/01/2012


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    KANATA


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    Titre: L'insolente de Kaboul

    Auteur: Chékéba Hachémi

    Editeur: Anne Carrière 2011

    ISBN: 978-2-8433-7570-5

    278 pages

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    Récit autobiographique d'une Afghane devenue française qui se bat depuis toujours pour son pays en général et pour l'amélioration de la condition des femmes en particulier.

    L'histoire commence lorsque Chébéka, tout juste âgée de huit ans, quitte clandestinement Kaboul vers le Pakistan, d'abord avec sa mère puis seule, avec un passeur et un groupuscule de kaboulis fuyant l'occupation soviétique.

     

    Dès le départ le lecteur est pris dans les péripéties d'une vie qui ne va plus cesser, particulièrement dès que la jeune fille devient femme, de se dérouler à un rythme haletant, dans une succession de voyages entre la France et l'Afghanistan, dans une série étourdissante d'actes militants, dans un réseau impressionnant que Chébéka tisse patiemment, infatigablement, et qui la met en relation intime avec les plus célèbres commandants afghans (dont Massoud) et des personnalités politiques françaises, aghanes, belges, européennes de premier plan.

     

    Le style est alerte, sans fioritures: le romanesque, la poésie n'ont pas leur place ici. Le réalisme est de mise, parfois terrible, souvent sordide, fréquemment exaltant.La rapidité narrative reflète l'allure trépidante de Chébéka dans la course en avant qu'elle mène pour essayer d'inverser, de contrarier, ou d'accélérer le cours de l'histoire d'un pays où tout va, elle finit par le constater un tant soit peu désabusée, de mal en pis.

     

    Même si son combat, quotidien, épuisant se heurte jour après jour à des obstacles toujours renouvelés, même s'il semble aboutir à un triste échec, Chébéka Hachémi, indéfectiblement attachée par l'ombilic à son pays d'origine, viscéralement proche de ses compatriotes humiliées et persécutées, reste, à l'heure où paraît ce livre, engagée dans une action individuelle et collective qui force l'admiration.

     

    Lecture incontournable!

     

    Patryck Froissart

    Saint-Paul, le 12 janvier 2011


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    Titre: Strip hotel

    Auteur: Jacques Astruc

    Editeur: ErosOnyx Editions, 2011

    Collection Eoliens/Eoliennes

    ISBN: 978-2-918444-09-1

    106 pages

     

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    Le narrateur, un tout jeune homme, prend la route, quelque part aux Etats-Unis, au lendemain du meurtre de sa mère par son père et du suicide consécutif de ce dernier.

     

    Son errance l'amène au Strip Hotel, une ancienne maison close où d'étranges personnages, échoués là un jour comme lui, louent une chambre au mois et semblent avoir choisi de s'y cacher, de s'y isoler définitivement du reste du monde.

    Parmi ces locataires sans futur, le narrateur remarque immédiatement Lolita Mercier, prostituée en chambre, de qui il tombe éperdument amoureux.

    Cette passion pour la pensionnaire de la chambre 72, qui se situe juste au-dessous de la sienne, ancre le jeune homme au Strip Hotel.

    Jusqu'au dénouement tragique de ce petit roman, il ne lui adressera jamais la parole, elle ne remarquera jamais son existence.

    Il épiera toutes ses allées et venues, guettera l'arrivée et le départ de chacun de ses clients, pénétrera dans son intimité en collant l'oreille au plancher, partagera sa vie sans jamais aucun contact.

     

    L'histoire est originale, et la lecture n'en est point ennuyeuse. L'auteur a voulu et a su raconter la naissance et le développement d'une fixation passionnelle et sexuelle, obsessionnelle jusqu'à la folie.

     

    Le "format" choisi me gêne. Strip hotel est soit un roman trop court, soit une nouvelle trop longue. On y tourne vite en rond. Ceci n'est pas forcément incompatible avec le récit d'une névrose, mais on a rapidement l'impression que l'auteur en rajoute, pour allonger son texte, sans apporter, au bout d'un moment, quoi que ce soit de nouveau.

     

    Par ailleurs il est évident que Jacques Astruc s'est complu à tenter de faire monter la sauce de l'érotisme, sans, à mon avis, y réussir à cause de la trop grande accumulation et de la trop fréquente répétition des termes crus et des scènes de sexe, ce qui nous fait sortir de la sensualité pour nous conduire à plusieurs reprises dans la vulgarité.

     

    Il y a sans doute des lecteurs, ou des lectrices, à qui plaira ce réalisme-là. C'est une affaire de goût.

     

    Pour ma part, je trouve le procédé d'autant plus regrettable que l'auteur est par ailleurs souvent capable d'une écriture poétique d'une grande qualité littéraire.

     

    Plus de poésie, moins de crudité, plus de concision, voilà qui eût pu hausser ce récit à un meilleur niveau.

     

    Patryck Froissart, St Paul, lundi 9 janvier 2012

     

     


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